À partir du 1er janvier 2023, les commerçants français ne délivreront plus de tickets de caisse automatiquement à l’achat, sauf demande contraire du client. Une mesure qui semble anodine mais qui représente une économie de papier conséquente. Les associations de consommateurs ne sont pourtant pas toutes convaincues par cette nouvelle règlementation.
Le 1er janvier 2023, sera mis en application un amendement de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Pour être clair : les tickets de caisse en papier seront remplacés par des tickets de caisse par mail, ou par rien, sauf demande contraire du client.
L'objectif de cette mesure est de lutter contre les effets négatifs des perturbateurs endocriniens contenus dans le papier et le gaspillage. Le projet d’amendement précisait : « A titre d’illustration, un hypermarché a recours annuellement à 10.600 rouleaux de papier thermique, l’équivalent en distance d’un Paris- Montpellier. »
Les tickets de caisse ont un coût écologique et sanitaire conséquent
L'impression de ces tickets représente 30 milliards de bouts de papier chaque année en France, nécessitant à eux seuls l'abattage de 2,5 millions d'arbres, selon les chiffres de TF1. Pour Patricia Mirallès, la députée de l’Hérault à l’origine de la proposition de loi, les tickets de caisse représentent chaque année « 6km de papier pour une boulangerie, 30km pour un bureau de tabac et 750km pour un supermarché. »
Selon la proposition d’amendement toujours, les composants de l’encre des tickets de caisse, le bisphénol A, F ou S sont reconnus comme des perturbateurs endocriniens par plusieurs études scientifiques. Ils perturbent ainsi les cycles hormonaux des femmes, mais aussi la fertilité des hommes, et sont déjà déconseillés à l’approche des femmes enceintes.
La proposition d’amendement à la loi n’a pas rencontré beaucoup de résistance à l’Assemblée, où elle a été voté le 27 novembre 2019. Cette interdiction pourrait aussi représenter des charges en moins pour les commerçants, car plus d’encre ni de papier à acheter.
L’impact écologique d’un ticket de caisse et d’un mail est à peu près équivalent.
Frédéric Bordage, spécialiste en numérique responsable
Les associations de consommateurs alertent sur les dangers de cette mesure
Le premier écueil de cette mesure est le danger du marketing ciblé : pour recevoir un ticket de caisse par email, il faudra donc laisser son adresse au commerçant. Rien ne l’empêchera ensuite d’envoyer des publicités ciblées directement sur les boites mail, ou d’inscrire les clients sur diverses newsletter - voire au pire des cas, de revendre les données.
L’association UFC que choisir et un collectif d’associations de consommateurs alertent sur les dérives de cette loi et surtout sur ses conséquences sur le client peu averti. Un ticket de caisse s’avère utile dans des situations inopinées : un rappel de marchandise, un remboursement de vêtement, voire une garantie. Il est aussi souvent utilisé par les ménages modestes pour vérifier l’exactitude des prix et la prise en compte des promotions.
Frédéric Bordage, spécialiste en numérique responsable explique à Europe 1 que l’impact écologique d’un ticket de caisse et d’un mail est à peu près équivalent, mais la différence ici est que le mail ne sera pas non plus systématique, mais proposé au client comme alternative au ticket de caisse.
Quid du ticket de caisse à l’étranger ?
Le voisin allemand va à rebours de la France : en janvier 2020, une loi est promulguée pour obliger l’impression de tickets de caisse, pour éviter la fraude fiscale, évaluée à 10 milliards d’euros par an. Cela agace fortement les petits commerçants qui doivent ainsi imprimer tous les tickets, même pour un achat de quelques centimes : cela représente 5000 tickets par jour pour un petit commerçant de quartier classique. Les écologistes dénoncent aussi un grand gaspillage, d’autant que les tickets, souvent thermo imprimés, ne sont pas recyclables.
Le Royaume-Uni et le Danemark ont déjà passé le cap
Au Royaume-Uni, il n’y a jamais eu d’obligation légale pour les commerces du quotidien de délivrer des tickets de caisse automatiquement à l’achat. Ainsi, il est déjà dans l’usage de les éviter pour les petits achats. Il en va de même en Belgique où, depuis 2014, les commerçants peuvent choisir d’envoyer, si demandé, le reçu par email, ou de l’imprimer. Allant plus loin, le Danemark est le premier pays d’Europe à avoir démocratisé la dématérialisation des tickets de caisse.
La solution se trouve probablement à mi-chemin entre le Danemark et la France : Bianca Schulz, la responsable du Centre Européen des Consommateurs France estime qu’« il serait intéressant de distinguer les achats. Maintenir l’obligation d’un ticket papier pour certains appareils ou des produits au-dessus d’un certain prix par exemple ». - notamment pour les achats qui ont une garantie.