Décrypter la question des énergies pour relever le défi climatique, voici le sens du livre Fake or not Énergies, écrit par Maxence Cordiez et publié par Tana. Pour lepetitjournal.com, l’auteur revient sur des réalités énergétiques souvent méconnues, qui conditionnent déjà notre avenir.
Maxence Cordiez est ingénieur de profession et vulgarisateur sur les questions d'énergie et de climat. Dans son livre Énergies (collection Fake or Not), il brosse un tableau des enjeux énergétiques et décrypte des informations souvent indigestes pour le grand public. Le constat est sans appel : depuis un siècle, l'humanité dispose de quantités très abondantes d'énergies, notamment fossiles. Charbon, pétrole et gaz ont façonné notre monde et assurent l'essentiel de notre confort. Pourtant, nous nous retrouvons face à un impératif : pour contenir le réchauffement climatique, il nous faut renoncer aux énergies fossiles. Comment produire massivement de nouvelles énergies ? Quels gestes quotidiens devrions-nous adopter ?
Quels sont aujourd’hui les plus grands défis énergétiques en France pour tendre vers une production et consommation plus responsable ?
L’énergie est ce qui quantifie un potentiel de transformation. Autrement dit, dès que quelque chose n’est pas immobile dans l’univers, vous avez des transferts énergétiques qui quantifient ce changement. L’être humain a toujours cherché à maîtriser des sources d’énergies abondantes et concentrées afin de modeler son environnement pour le rendre plus sûr et confortable. L’énergie peut prendre plusieurs formes : chimique, atomique, thermique… mais c’est l’énergie mécanique, c’est-à-dire l’énergie liée au mouvement, qui a limité le développement de l’humanité pendant l’essentiel de son histoire. Cette limite a sauté avec l’arrivée de la machine à vapeur au 19e siècle, qui permet de convertir de l’énergie thermique abondante (il suffit de brûler du bois, du charbon…) en énergie mécanique.
À l’échelle mondiale, nous consommons chaque année de plus en plus d’énergie. Nous avons commencé avec le charbon, le pétrole, le gaz puis le nucléaire. Aujourd’hui, bien qu’il nous soit extrêmement favorable dans notre quotidien, le système énergétique doit être profondément repensé. Les raisons en sont le réchauffement climatique et l’épuisement des combustibles fossiles sur lesquels repose encore largement notre modèle économique. Les ressources fossiles sont abondantes mais limitées, et nous commençons à atteindre certaines limites concernant le pétrole.
Un peu plus de 60% de l’énergie consommée en France est d’origine fossile
La France peut-elle sortir de sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie ?
Oui, et cette question rejoint celle de nos politiques climatiques. 40 % de l’énergie consommée en France provient des carburants pétroliers et 20% du gaz. Un peu plus de 60% de l’énergie consommée en France est donc d’origine fossile. Tout l’enjeu est de réduire cette dépendance en économisant de l’énergie par des progrès d’efficacité (moindre consommation énergétique à service inchangé), de sobriété (concession sur certains services pour réduire la consommation énergétique) et en développant les énergies alternatives aux combustibles fossiles (nucléaire, éolien, biogaz, pompes à chaleur, etc.)
Atteindre la neutralité carbone nécessite de réduire la consommation énergétique finale, par des progrès d’efficacité principalement
Emmanuel Macron avait annoncé un plan de relance nucléaire civil, avec la construction de six nouveaux réacteurs. Quel impact cela aura-t-il sur l’environnement ?
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE a publié en octobre dernier une étude prospective approfondie du système énergétique français. Cette étude montre qu’atteindre la neutralité carbone nécessite de réduire la consommation énergétique finale, par des progrès d’efficacité principalement, tout en nous appuyant davantage sur électricité pour remplacer une partie du pétrole et du gaz. L’électricité est en effet un vecteur énergétique plus facile à décarboner que les carburants liquides et gazeux. Cela suppose cependant de faire croître le parc de production électrique, alors-même qu’il faudra remplacer le parc actuel dans les 30 prochaines années. Le défi est de taille.
Nous aurons pour cela besoin de tous les moyens de production d’électricité bas carbone (nucléaire, éolien, solaire…) mais aussi de rendre nos consommations plus flexibles et surtout de réduire la consommation, notamment en isolant les bâtiments.
Il faudrait recentrer le débat sur la lutte contre le changement climatique et faire preuve de davantage d’honnêteté intellectuelle
Quelles sont les désinformations les plus répandues autour de la production et de la consommation énergétique ?
Il y a énormément de fausses informations autour du nucléaire et de l’éolien. La mécanique intellectuelle autour de la transition est presque inversée : plutôt que de s’interroger sur les moyens à activer pour atteindre notre objectif (sortir des combustibles fossiles), certains voient une finalité dans les moyens : développer ou s’opposer au nucléaire ou à l’éolien principalement. Et souvent les discours suivent à l’avenant : la source d’énergie défendue est parée de toutes les vertus et celle contre laquelle nous luttons de tous les défauts. Il faudrait donc recentrer le débat sur la lutte contre le changement climatique et faire preuve de davantage d’honnêteté intellectuelle. Toutes ont leurs avantages et inconvénients, et de toute manière la priorité est, encore une fois, de sortir des combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon).
Les émissions les plus importantes en France sont liées aux importations
Quels gestes utiles les citoyens peuvent-ils adopter pour limiter leur consommation énergétique ?
Le meilleur conseil que je puisse donner est : moins consommer et mieux consommer. Les émissions les plus importantes en France sont liées aux importations, c’est-à-dire à la production de tout ce que l’on importe. Pour réduire ces émissions, le consommateur peut faire preuve de modération dans ses achats, faire durer ses objets, les réparer, etc. Après la consommation en général, viennent les transports, le logement et l’alimentation.
Pour les transports, il n’y a pas de solution miracle, il faut réduire notre consommation de pétrole. Les alternatives sont propres au quotidien de chacun. Développer le covoiturage, prendre les transports en commun, se déplacer à vélo ou à pieds, choisir une (petite) voiture électrique plutôt que thermique sont des exemples.
Concernant le logement, même si les champs d’actions sont différents d’un locataire à un propriétaire, il faut globalement moins se chauffer. Pour les propriétaires, il faudrait aller plus loin en isolant son bien et en remplaçant les chauffages à fioul et gaz par des chauffages bas carbone (pompes à chaleur principalement).
Pour l’alimentation, la principale mesure à adopter est de réduire sa consommation de viande, dont l’élevage produit beaucoup de méthane, et de privilégier la nourriture locale.
Nous avons trop souvent tendance à voir faire une transition énergétique en oubliant ce vers quoi nous souhaitons transitionner. Nous oublions les objectifs qui imposent cette transition. Or c’est cela qui est important. Si nous perdons de vue sa destination et que nous nous concentrons uniquement sur les moyens, nous n’irons nul part. Il est essentiel de rappeler que nous n’opérons pas une transition énergétique pour le plaisir, mais parce qu’il y a un double problème avec les énergies fossiles : réchauffement climatique et contraintes croissantes sur l’approvisionnement. Toutes les mesures que nous prenons en matière de transition énergétique doivent donc servir à réduire notre dépendance à ces combustibles fossiles.