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Adoptions internationales vers la France en berne...Mais pourquoi ?

En 2022, 232 enfants ont été adoptés à l’étranger par des ressortissants français ou étrangers résidant en France, contre 1569 en 2012. Un chiffre qui baisse depuis les dix dernières années, et ce, pour plusieurs raisons… 

Pourquoi l'adoption internationale est en baisse ? Un enfant adopté tente de tenir la main d'un adulte adoptant Pourquoi l'adoption internationale est en baisse ? Un enfant adopté tente de tenir la main d'un adulte adoptant
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 23 avril 2023, mis à jour le 14 mars 2024

 

 

 

Le rapport sur les pratiques illicites des adoptions internationales par les historiens Yves Denéchère et Fabio Macedo publié en février 2023 a remis en lumière l’adoption internationale vers la France. Très médiatisé, il présente l’adoption dite « entre pays » comme « un phénomène social transnational impliquant la migration d’un enfant vers le pays de son/ses adoptant·es dans le cadre d’une procédure juridique créant une filiation ». Où en est l’adoption internationale vers la France aujourd’hui ? Comment est-elle régulée et pourquoi y-a-t-il moins d’adoptions vers la France ? 

 

une petite fille asiatique se promène seule dans les champs au coucher du soleil

 

 

L’Histoire « dégrossie » de l’adoption internationale 

Dans leur étude, les historiens reviennent sur les origines du développement de l’adoption internationale : « C’est après 1945, et surtout à partir des années 1960-1970, que l’adoption entre pays se développe, dans des contextes nationaux et internationaux aux variables multiples et convergentes qui contribuent à un mouvement d’ampleur :

popularisation du recours à l’acte adoptif infantile chez les familles occidentales infécondes, montée en puissance des politiques de protection de l’enfance visant à donner une famille à un enfant orphelin ou abandonné, disparition progressive des pratiques adoptives informelles ou coutumières au profit de celles encadrées par la loi, occupations militaires en Europe et en Asie, opérations humanitaires ciblant les populations d’enfants – a priori sans famille – touchées par la guerre et/ou le mal-développement »  

L’année 1993 marque un tournant sans équivoque dans les adoptions entre pays. La Convention de Haye est mise en place, et régit, entre autres, la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Concrètement, le texte a été conçu pour répondre aux problèmes humains et légaux, sérieux et complexes de l’adoption internationale et pour pallier l’absence d’instrument juridique international en mesure de s’attaquer à la situation. Dans le monde, les procédures se durcissent, les contrôles se multiplient, et la priorité est de plus en plus donnée à l’adoption nationale. Trente ans plus tard, 105 Etats sont signataires de cette Convention, mais cette ratification massive ne s’est pas faite d’un seul coup :  Au début des années 90, ils n’étaient que 39 Etats à l’avoir signée. Il y a 5 ans, 101 Etats étaient signataires. 

 

 

l'adoption internationale est en berne

 

 

Les adoptions internationales diminuent dans le monde et en France 

Suite à la convention de la Haye, le nombre d’adoptions internationales diminue depuis plusieurs années. Un déclin mondial expliqué par plusieurs facteurs : 

  • La mise en œuvre effective du principe de subsidiarité (c’est-à-dire que l'adoption internationale ne peut être possible et acceptable que si l'État d'origine n'est pas en mesure de fournir à l'enfant une solution de vie acceptable)
  • La suspension des adoptions internationales dans certains États d’origine comme au Cambodge ou au Cameroun.
  • L’évolution du profil des enfants, avec des besoins spécifiques ou adoptables par voie intrafamiliale.
  • Le développement de la procréation médicalement assistée (PMA), puis de la gestation pour autrui (GPA) : Aux États-Unis la pratique est légale par exemple)
  • Des procédures plus longues et réglementées qui peuvent démotiver les adoptants 
  • L’arrêt des adoptions individuelles et l’obligation de passer par un organisme intermédiaire officiel sur place (organisme Autorisé pour l’Adoption (OAA) ou Agence française de l’adoption (AFA) dans le cas de la France) 
  • La crise sanitaire qui a parfois stoppé net toute procédure ou dépôt de nouveau dossier comme au Vietnam par exemple

La France ne fait pas exception. Selon les chiffres officiels du ministère des Affaires étrangères, fournis par la Mission de l’Adoption Internationale (MAI) – autorité centrale qui veille au respect des principes et engagements pris par la France - , le nombre total d’adoptions internationales vers la France est passé de 1569 à 232 en 10 ans (2012-2022). 

 

adoptions internationales chiffres officiels

 

Les données ci-dessus sont disponibles ici et ont été déterminées selon : le recensement des visas long séjour adoption (VLSA) délivrés par les postes consulaires français aux enfants adoptés à l’étranger, sur avis de la MAI, par des Français ou des étrangers résidant en France // et les informations transmises par les opérateurs agréés pour les adoptions réalisées dans des pays de l’UE. Ne sont pas prises en compte les adoptions effectuées par des ressortissants français dont la résidence habituelle est à l’étranger.

 

 

Où en est le sujet de l’adoption internationale en France aujourd’hui ? 

Les adoptés des années 60 à 90 étant devenus adultes, les recherches sur les origines s’intensifient, avec des outils comme les réseaux sociaux ou les tests ADN. Une tendance depuis une dizaine d’années confirmée par les historiens Fabio Macedo et Yves Denéchère que nous avons interrogés :


« L'adoption internationale est un sujet sensible de tout temps, partout où elle a eu lieu. La principale “nouveauté" est la succession d’enquêtes officielles et/ou savantes autour des pratiques illicites. Celles-ci sont largement motivées par les demandes des personnes adoptées. ».

De plus en plus d’association d’adoptés [qui ont pour vocation d’aider à la recherche des origines, de participer au dialogue et à des échanges d’expériences entre adoptés mais aussi avec le public sur l’adoption internationale] se mobilisent pour mettre en lumière les abus, comme l’association « La Voix des adoptés » ou le collectif des adoptés français du Mali. 

 

 

adoptions internationales très controlées

 

En novembre 2022, une mission interministérielle est lancée par le gouvernement sur « les pratiques illicites dans l'adoption internationale vers la France ». L’objectif est « d’identifier les pratiques illicites qui ont eu lieu par le passé pour éviter qu’elles ne se reproduisent » et « d’apporter une réponse aux demandes des adoptés » selon le communiqué officiel. Les conclusions sont attendues avant l’été 2023. 

En décembre 2022, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères prend la décision de retirer l’habilitation à Rayon de Soleil de l’Enfant Etranger, (OAA), expliquant que « Dans ce contexte de forte sensibilisation sur les pratiques illicites dans l’adoption internationale, le retentissement de la médiatisation des affaires sur votre opérateur entache gravement son image en France et à l’étranger, pourrait rapidement compromettre les relations qu’entretient la France avec les pays d’origine et ne vous permet plus d’accompagner les procédures dans des conditions sereines ». Sur son site, l’association se défend et déplore « vivement la campagne de dénigrement médiatique dont nous faisons injustement l’objet et son impact délétère sur le travail et l’image de notre association ainsi que sur les adoptés et leurs familles. ». 

D’autres décisions des autorités françaises suivront-elles cette année ? Ce qui est certain c’est que le sujet de l’adoption internationale vers la France semble actuellement très sensible.

 

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