Au Vietnam, il existe plusieurs centaines de centres de protection de l’enfance, qui ont pour mission de protéger les enfants en danger. Mais leurs défis sont grands : financement, équipements, recrutement, coordination… Reportage dans deux centres, à Hanoi et Ho Chi Minh Ville.
Trại Trẻ Mồ Côi Hà Cầu, centre de protection dans le sud de Hanoi
En février 2023, l’association Coup de Pouce qui aide les familles défavorisées de Hanoi et particulièrement les enfants, rend visite au centre de Trại Trẻ Mồ Côi Hà Cầu, dans le sud de la Capitale. 30 enfants vivent actuellement dans les locaux de trois niveaux, 10 étudiants et 20 enfants entre 8 et 18 ans. Dans la cour, quelques jeux sont installés, de bonne qualité. Un groupe d’enfants revient de l’école, ils sont très enthousiastes de voir l’équipe de Coup de Pouce.
La directrice reçoit l’association dans la salle principale, avec une grande bibliothèque le long du mur et une estrade dans le fond. Une représentante de la protection de l’enfance est présente à ses côtés. « En 26 ans, 147 enfants sont sortis d’ici » raconte la directrice, émue. « Nous accueillons des enfants à partir de l’âge de 3-4 ans, envoyés par les comités populaires et dont les familles sont trop pauvres ». Si l’établissement est public (le terrain appartient à l’Etat), il ne vit aujourd’hui que de dons privés et matériels, d’exonération de frais de la part des écoles et d’aides associatives. L’équipe Coup de Pouce soutient financièrement 6 étudiants de ce centre de protection. L’argent permet de payer leurs études et la cantine. L’association prend des nouvelles de ces jeunes aidés : suivent-il bien leurs études ? Faudrait-il aider les 4 autres ? Combien y a-t-il d’enfants dans le centre et comment aider autrement ?
« Toute aide est précieuse, bien sûr ! » sourit la directrice.
Puis, l’équipe Coup de Pouce visite l’établissement. Au rez-de chaussée, des sanitaires viennent d’être refaits, ils sont tout beaux. A l’étage, un couloir extérieur permet d’accéder à plusieurs dortoirs non mixtes. Les portes sont abimées et des carreaux sont recouverts de journaux. L’équipe de Coup de Pouce évoque une aide financière pour réparer. Une petite fille suit la directrice et se cache derrière son dos pour observer discrètement les visiteurs. Une étudiante est dans sa chambre. Elle montre fièrement un trophée de sport gagné il y a peu de temps. Où sont les autres enfants ? « Ils sont à l’école, il est très important qu’ils suivent un enseignement jusqu’à leur départ d’ici » insiste la directrice.
Trại Mồ Côi Diệu Giác, centre de protection à Ho Chi Minh Ville depuis 34 ans
Le centre de protection de l’enfance « Trại Mồ Côi Diệu Giác » qui veut dire « Orphelinat magique », est accolé à une belle pagode bouddhiste dans le District 2 de la ville d’Ho Chi Minh Ville. L’établissement est organisé en gestion privée. En mars 2023, deux religieux, entourés d’enfants et masqués, nous accueillent dans leur bureau. Les petits restent à l’entrée et sont curieux. L’un des religieux nous raconte que le centre a été créé en 1989 et accueille aujourd’hui une soixantaine d’enfants, dont la plus jeune a 2 ans et demi. Certains possèdent un retard mental. Le religieux insiste, leur objectif est avant tout de protéger ces enfants et de leur apporter une bonne éducation avant qu’ils ne quittent le centre, vers l’âge de 16 à 18 ans.
Les pensionnaires ne sont pas adoptables car le centre n’a pas l’agrément, réservé à des établissements gouvernementaux : « Nous avons déjà reçu des visiteurs étrangers souhaitant adopter un enfant, nous avons toujours refusé… ».
L’établissement vit des dons privés, de ressources provenant de la pagode, mais aussi (et surtout) des recettes du restaurant qui se trouve à l’entrée du centre. Lors de la visite du lieu, des adolescents sont concentrés sur des écrans d’ordinateurs et semblent étudier les mathématiques. Plus loin, les dortoirs des garçons, puis celui des filles. Des lits superposés permettent à chacun des enfants d’avoir son espace privé, aménagé selon leurs souhaits. Des bureaux complètent les dortoirs et des jouets traînent un peu partout.
La cloche sonne. Il est 11h30, l’heure du déjeuner. Les enfants font la queue avec leur plateau en métal compartimenté. C’est le moment de leur offrir quelques friandises pour leur donner le sourire. Certains se méfient. Une petite fille de 6 ans refuse deux fois le gâteau tendu. Dehors, des bénévoles déposent de grands cartons alimentaires : des dons sans doute récoltés par des associations. Un soutien régulier et attendu…
Des milliers d’enfants “vulnérables” au Vietnam
Difficile aujourd’hui de connaître le nombre exact de centres de protection, ni combien d’enfants y vivent. En 2007, le ministère du Travail, des Invalides et des Affaires Sociales estime à 168.000 enfants orphelins ou privés de garde des parents, et 14.000 enfants placés dans un établissement gouvernemental.
En 2019, l’estimation monte à 176.000 orphelins ou privés de parents et 22.000 enfants placés.
Selon une publication datant de juin 2021 par le Ministère du Travail, des Invalides et des Affaires sociales du Vietnam, il y aurait environ 155 centres de protection de l’enfance (gérés par l’Etat ou des ONG) à travers le pays, sans compter les centres privés. Ces lieux d’accueil ont pour mission de protéger les enfants en situation de danger - tels que les enfants des rues, les enfants victimes de maltraitance, les enfants handicapés ou les enfants de familles pauvres -. Les centres offrent des services tels que l'hébergement, la nourriture, les soins médicaux, l'éducation, la formation professionnelle et parfois l'aide psychologique aux enfants. Aujourd’hui, ces établissements ont encore beaucoup de défis à relever, comme le financement, le manque de personnel qualifié, les équipements à renouveler, parfois en urgence…
Lors de ce reportage, nous avons pu constater l’indéniable dévouement de bénévoles et de travailleurs sociaux ; Nous tenons à soutenir ici leur engagement continu pour assurer la sécurité et le bien-être des enfants vulnérables au Vietnam.