Venise, calanques de Marseille, Thaïlande ou encore Amsterdam… Et si les lieux touristiques populaires étaient les premiers à devoir être évités ?
“Peut-être que le monde essaie de nous dire de ralentir” : voilà les premiers mots de la No List 2022 de Fodor’s Travel. Cette année, la maison d’édition de guides touristiques a enregistré 29 catastrophes liées au climat. On peut citer la mousson catastrophique au Pakistan, deux ouragans qui ont balayé des ponts et des maisons à Puerto Rico et la Floride, ou des vagues de chaleur et de sécheresse record qui ont tué des milliers de personnes. Et “malgré tout le bien que le tourisme peut faire pour renforcer les économies locales et relier les cultures, il reste un contributeur important au changement climatique.”
Les voyages : de lourdes conséquences sur le dérèglement climatique
Si les voyages représentent environ 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre - et devraient augmenter d'ici 2030 selon Fodor’s Travel - les effets liés au tourisme de masse ont, eux aussi, de lourdes conséquences. A titre d’exemple : stress sur les chaînes d'approvisionnement, destruction de l'habitat faunique ou encore surpeuplement. À mesure que le changement climatique s'intensifie, les dommages peuvent rendre les destinations populaires inhospitalières pour les voyageurs et faire chuter leurs économies.
“La No List de cette année ne sert pas de boycott d'interdiction ou d'annulation”
Pour la No List de cette année, Fodor’s Travel met en évidence les destinations à reconsidérer en 2023. Elles se divisent en trois catégories : les attractions naturelles qui pourraient apprécier une pause pour se soigner et se ressourcer ; les points chauds culturels qui sont en proie à la surpopulation et à l'épuisement des ressources ; et des endroits à travers le monde immédiatement et dramatiquement touchés par les crises de l'eau. Le site précise : “La No List de cette année ne sert pas de boycott, d'interdiction ou d'annulation d'aucune sorte. Elle appelle les voyageurs à bien réfléchir aux choix que nous faisons. ”
Une érosion du littoral français
La France - comme tous les autres pays du globe - est loin d’être épargnée par le dérèglement climatique, et doit en partie faire face à une érosion du littoral. La commune d’Étretat (Normandie) a par exemple été touchée par un afflux de visiteurs. Cette trop grande circulation piétonne a provoqué des glissements de terrains. « Nous avons besoin du tourisme, mais il faut trouver un équilibre. Les touristes eux-mêmes en profiteraient le plus. Beaucoup d'entre eux repartent fâchés après avoir passé plusieurs heures dans la voiture sans pouvoir trouver de parking, d'endroit où manger ou de toilettes, faute d'infrastructures suffisantes. Ce tourisme de masse ne satisfait personne », a déclaré Jean-Baptiste Renié, conseiller municipal d'Étretat. Autre cas, le Parc National des Calanques de Marseille a dû mettre en place un système de réservation pour visiter les plages. L’idée étant de réguler ces visites, avec un plafond journalier de 400 visiteurs. Des lieux, eux aussi, impactés par l’érosion liée au sur-tourisme.
Lac Tahoe : une clarté de l’eau menacée par les touristes
Autre destination à rayer de la carte pour protéger notre si belle planète : le Lac Tahoe (États-Unis). La principale menace pour sa célèbre clarté de l’eau n’est autre que la pollution par les sédiments fins s'écoulant des paysages urbains, selon la Ligue pour sauver le lac Tahoe. Lorsqu'il pleut ou que la neige fond, les eaux pluviales transportent ces fines particules de pollution jusque dans le lac, obscurcissant ses eaux bleues. Andy Chapman, président et chef de la direction de Travel North Tahoe Nevada, précise que nous devons ajuster la façon dont nous interagissons avec la nature pour résoudre le problème. Faire du vélo le long du bord peut-être une bonne option pour limiter la pollution. Un programme de navettes gratuites pour le lac reliant de nombreuses stations touristiques aux boutiques et restaurants de la ville a également été mis en place. Cette régulation limitant la pollution, et par la même occasion les bouchons.
Antarctique, pour quoi faire ?
Être dépaysé, pourquoi pas… Mais à quel prix ? Les compromis d'un voyage unique en Antarctique doivent être mis en balance avec les impacts environnementaux. Avec la fonte des glaces et la contraction des glaciers, les sites de nidification et d'alimentation des manchots empereurs, des manchots Adélie et d'autres espèces, sont menacés. Fodor’s Travel précise : “Si vous décidez d'y aller, choisissez un opérateur responsable, impliquez-vous dans un programme de science citoyenne et réfléchissez aux moyens de limiter votre empreinte.”
Venise, côte amalfitaine…. Les destinations les plus populaires d'Italie à éviter
Venise pourrait être presque comparable à un iceberg. D’apparence, les ruelles et hôtels de cette ville semblent être la planque parfaite pour un week-end amoureux. Pourtant, l’histoire d’amour entre les habitants et les touristes est devenue toxique. En 50 ans, Venise a perdu plus des deux tiers de ses habitants. La plupart des logements sont devenus des hébergements pour touristes. Et il en va de même pour les commerces de bouche supplantés les uns après les autres par les boutiques de souvenirs. Selon le guide officiel des visiteurs de la ville, Venise a reçu jusqu'à 80.000 touristes par jour pendant l’été de réouverture après la pandémie.
Diverses mesures ont été mises en place. À l'été 2021, les grands paquebots de croisière (navires de plus de 25.000 tonnes) ont été bannis du centre historique pour préserver le fragile écosystème lagunaire. À partir de 2023, Venise commencera à facturer un droit d'entrée compris entre 3 et 10 euros, qui fluctue en fonction de la demande.
La côte amalfitaine est, elle aussi, victime de son succès. Face à la pollution exponentielle liée au tourisme de masse, un système de plaque d'immatriculation alternatif a été introduit afin d’atténuer les embouteillages cauchemardesques de plusieurs kilomètres. S'inspirant de la politique de circulation colombienne “Pico y Placa”, les conducteurs dont les plaques d'immatriculation se terminent par des chiffres impairs ne peuvent désormais conduire qu'aux dates impaires.
Les Cornouailles, victime de leur succès
Situé au sud-ouest de l’Angleterre, Les Cornouailles attirent bon nombre de touristes chaque année. Les premiers clients sont les adeptes de sports nautiques (surf, windsurf, kitesurf…etc). Avec des routes étroites et des parkings limités sur de nombreux sites populaires, des embouteillages se créent et la pollution de l’air et des déchets augmente. Au cours des années passées, il est même recommandé aux visiteurs de rester à l'écart des plages. L’eau était devenue trop polluée et donc, dangereuse pour la santé.
Amsterdam, une limite de voyageurs imposée
Le nombre annuel de touristes à Amsterdam - 17 millions selon Fodor’s Travel - équivaut voire dépasse l'ensemble de la population néerlandaise. En 2019, l'office néerlandais du tourisme a également ajusté sa stratégie marketing en passant de la promotion de la destination à la gestion de la destination. Dans un plan décennal intitulé Perspective 2030, l'organisation s'est engagée à "attirer différents visiteurs dans différentes zones à des moments divers" et à donner la priorité aux résidents locaux. À l'été 2022, invoquant des problèmes de personnel, l'aéroport Schiphol d'Amsterdam, un hub européen majeur, a plafonné le nombre de passagers voyageant quotidiennement à travers l'aéroport. Le nombre maximum de voyageurs au départ était jusqu'ici limité à 67.500. Le nouveau maximum étant de 57.000 voyageurs.
La Thaïlande et le tourisme de masse
La Thaïlande, qui a accueilli près de 40 millions de visiteurs en 2019, aimerait se débarrasser de sa réputation de tourisme de masse et attirer un autre type de voyageur après la pandémie. Le ministre du Tourisme, Phiphat Ratchakitprakarn, a proposé que l'accent soit mis sur "les voyageurs haut de gamme, plutôt que sur un grand nombre de visiteurs". Voyant les avantages environnementaux récoltés pendant la pandémie lorsque les 155 parcs naturels de Thaïlande ont fermé, le ministre des Ressources naturelles et de l'Environnement, Varawut Silpa-archa, a ordonné à chaque parc de fermer chaque année pendant au moins un mois.
À titre d’exemple, Maya Bay, Phi Phi Leh - rendue célèbre par le film réalisé par Danny Boyle The Beach avec Leonardo DiCaprio - a dû fermer en 2018 en raison de graves dommages écologiques causés par les quelque 3.000 visiteurs quotidiens et les bateaux d'amarrage. Cette plage reste encore fragile. Sa dernière fermeture remonte à août et septembre 2022.
Une pénurie d’eau à Hawaï
Selon une étude menée par la Sustainable Hospitality Alliance, les pays qui devraient connaître le stress le plus élevé dans les années à venir font partie de ceux qui connaissent une croissance touristique importante, cette dernière exacerbant la crise de l'eau.
Au cours de l'été 2022, le gouvernement hawaïen a imposé des restrictions d'eau aux résidents des communautés de West Maui et Upcountry, sous peine d’une amende de 500 $. Cette contravention était appliquée pour l'utilisation non essentielle de l'eau, comme l'arrosage des pelouses ou le lavage des voitures.
Aucune limitation de ce type n'a été imposée aux stations balnéaires du sud et du centre de Maui, dont beaucoup disposent de piscines, de vastes pelouses et de terrains de golf. Alors que les voyages reviennent aux niveaux d'avant la pandémie - environ 8.000 voyageurs par jour à Maui - la disparité dans la distribution de l'eau entraîne des conflits entre l'industrie hôtelière et les utilisateurs domestiques.
Des coupures d’eau en Californie
L'Arizona et le Nevada seront confrontés à des coupures d'eau à partir de janvier 2023. Le niveau d'eau du lac Mead - lac artificiel créé sur le cours du Colorado - sera inférieur à 0,3 centimètres en 2023, dû au dérèglement climatique. Cette baisse pourrait affecter considérablement la capacité du barrage Hoover à produire de l'hydroélectricité. Près de 1,3 million de personnes en Californie dépendent de cette énergie.
Comment repenser le voyage en 2023 ?
Le tourisme est le principal moteur économique dans la majorité des îles et des pays en développement. Bien qu'il apporte un large éventail d'avantages aux communautés, il pose également des défis qui, sans une bonne gestion des ressources et des voyageurs consciencieux, pourraient amplifier les malheurs d'une région. Fodor’s Travel ajoute: “pour les économies qui dépendent du tourisme, équilibrer les avantages avec les effets négatifs est délicat.”
Mais plusieurs alternatives existent. Des sites, tels que Aqueduct - World Resources Institute permettent de voir quelles zones sont les plus touchées par la pénurie d’eau potable. Vous pouvez décider et modifier votre itinéraire en conséquence. Il est également possible de participer à du tourisme durable, en faisant du nettoyage des plages ou en participant à la restauration des récifs coralliens. Certaines agences de voyages, comme Tripseed, peuvent vous aider à organiser et penser différemment vos voyages.
De manière générale, les voyages hors saison, en milieu de semaine ou en intersaison, sont une autre victoire pour la Terre (et votre portefeuille). Les vacances ne sont pas un joker aux gestes écolo. Évitez de prendre des bains, réutilisez les serviettes, vous pouvez même refuser le nettoyage quotidien des chambres. Si le client est roi, peut-être faudrait-il opter pour une couronne verte.
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