Comment faire en sorte que ce « frenglish » ou « franglais » ne devienne pas la langue familiale ? Comment faire pour que notre enfant renoue facilement et naturellement avec le français lorsqu’il s’adresse à nous ? Et surtout comment maintenir cette belle langue sans que ce soit vécu comme une contrainte ?
Ecrit pour Expat Pro par Catherine Allibert
« Mom, aujourd’hui à l’école, c’était amazing ! Il y avait des firefighters qui sont venus, avec leurs camions ! » Ceci est un petit extrait de la vie d’une famille expatriée aux Etats-Unis depuis quelques années. Ces propos sont tirés d’un enfant de 7 ans qui a su s’intégrer dans son école américaine locale. Un joyeux mélange des deux langues qui peut parfois nous faire sourire ou parfois nous faire grincer des dents, nous parents.
Notre enfant apprend ou connaît des mots en français, mais s’il ne les pratique pas, son cerveau va avoir tendance à les mettre de côté.
Comprendre pourquoi notre enfant perd son français
Il nous semble facile pour nous adultes de faire la part des choses et de séparer les deux langues (du moins la plupart du temps). Pourquoi notre enfant mélange-t-il autant les langues ? Tout d’abord le cerveau a besoin d’efficacité ! Il n’aime pas perdre du temps à chercher. Aussi dans une conversation spontanée, il va prendre le mot qu’il a rencontré le plus récemment, ou celui qu’il utilise le plus souvent. Ainsi, les « firefighters » de notre exemple ont surgi parce qu’il est à parier que toute la journée, notre enfant a entendu et utilisé ce mot, reléguant aux oubliettes le terme « pompiers » qu’il connaît pourtant bien. L’enthousiasme, l’élan, la spontanéité font que le flot de paroles est moins réfléchi et notre enfant, comme il sait que nous parlons aussi anglais, ne fait pas l’effort pour trouver le bon mot en français.
Ensuite, le cerveau a tendance à oublier ! Notre enfant apprend ou connaît des mots en français, mais s’il ne les pratique pas, son cerveau va avoir tendance à les mettre de côté. Ces mots ne sont pas complètement perdus pour autant : ils ont tendance à revenir lors par exemple d’un séjour prolongé en France. Au bout de quelques jours, notre enfant déploie de nouveau le vocabulaire qu’il semblait avoir oublié. Mais en expatriation, ils vont perdre petit à petit ce vocabulaire puisque, à part dans la cellule familiale, ils n’ont pas d’occasions de pratiquer leur langue maternelle.
Pour s'intégrer, le français n’aura plus toute notre attention. Et c’est normal.
Autre point important surtout en expatriation : notre enfant a un besoin important de s’intégrer. Il va donc mettre tous ses efforts pour apprendre la langue du pays afin de pouvoir faire partie du groupe. Le français n’aura plus toute son attention. Et c’est normal. D’ailleurs, nous sommes les premiers à lui proposer des activités avec ses amis, afin qu’il vive l’expatriation dans toute son ampleur, dans toute sa dimension. Le français étant peu utilisé socialement et étant un élément de différence avec les autres, son apprentissage et son maintien ne vont donc plus être jugés prioritaires par notre enfant.
Votre enfant continue de parler en franglais avec vous : comment réagissez-vous ?
Remettre le français au cœur de la famille expatriée
Dans nos vies souvent bien remplies, il paraît difficile de maintenir le français. Nous n’avons pas toujours le cœur de rajouter à nos enfants des heures de leçons de français en plus de son cursus scolaire. Et quand bien même nous y réussissons, la bonne humeur n’est pas toujours au rendez-vous et les leçons sont vécues comme des contraintes, des corvées, un travail laborieux, tant pour l’enfant que pour les parents. Ne baissons pas les bras pour autant ! Ces quelques pistes vous inspireront peut-être pour que le français se fasse plus léger.
1. Préserver le lien
La première des choses est de préserver le lien parents-enfants pour que votre enfant se sente toujours en confiance lorsqu’il parle. Ce sont souvent les parents qui restent le premier lien avec la France et sa culture. Il est aussi possible de créer ou de renforcer des liens existants : votre famille est-elle disponible pour un contact régulier avec votre enfant ? Votre enfant a-t-il encore des amis en France ? Les contacte-t-il souvent ? Dans votre pays d’expatriation, une communauté française existe-t-elle ? Est-il possible de s’en rapprocher ? Et - pourquoi pas ? - de participer ou proposer des activités autour de la culture française ? Ce lien doit être régulièrement nourri pour devenir solide.
2. Soigner l’environnement
Vous connaissez probablement les deux principes généraux pour maintenir le français à la maison : le premier est « un endroit, une langue ». Ainsi une fois que votre enfant a passé le seuil de la maison, il sait qu’il doit parler uniquement français. Le deuxième (qui s’applique plus pour les couples bi-nationaux) est « un parent, une langue ». L’enfant sait que, quand il s’adresse à l’un des parents, il devra le faire en français.
Mais ça ne s’arrête pas là. Si dans notre maison, tous les livres sont en anglais, ou la majorité des films ou des dessins-animés sont regardés en anglais, ou encore si tous les jeux de société sont en anglais… il va être difficile de maintenir le cap. Inviter le plus possible le français à la maison permettra à notre enfant de s’y retrouver.
3. Ne pas stigmatiser
Votre enfant continue de parler en franglais avec vous : comment réagissez-vous ? Oui, c’est contrariant. Mais nous oublions parfois que notre enfant nous parle, qu’il a envie de nous parler, qu’il cherche à partager des choses, des expériences, des émotions avec nous. Trouvons le bon moment pour lui indiquer les erreurs et ne le reprenons pas systématiquement. Personne n’aime être interrompu quand il raconte une histoire.
Par ailleurs, si notre enfant a du mal à se mettre aux leçons ou cours qu’il doit faire, essayons de voir pourquoi ça coince. Ouvrons le dialogue, détectons les pensées parasites, les a priori, les freins qui empêchent notre enfant s’immerger naturellement dans le français.
Comment prouver le niveau de français de mon enfant ?
4. Donner envie
En s’appuyant sur ce qu’aime l’enfant, trouvons le bon jeu, le bon livre, la bonne chanson, le bon film pour capter et garder son intérêt. Montrons l’exemple en lisant des livres. Partageons les choses qu’on aime de la France. Transmettons les bons petits plats. Créons un environnement sympa et chaleureux où nous nous retrouvons aussi ! Le plaisir partagé est une clé pour transmettre notre belle langue !
Où et comment se procurer des livres en français en expatriation ?
5. Élargir le périmètre des possibilités
Nous avons tendance à répéter l’éducation que nous avons connue. Apprendre, ça revient souvent à un manuel, une leçon, des exercices pratiques, une évaluation pour voir si tout a été compris et assimilé. De nos jours, la pédagogie a fait de grands bonds et nous savons qu’apprendre peut se faire de différentes manières, toutes intéressantes et qui s’adaptent au plus près aux besoins et aux compétences de l’enfant. S’intéresser à ces solutions alternatives (ateliers d’écriture, jeux de rôle, théâtres, échanges épistolaires, applications en ligne, mind-mapping, classe inversée… pour n’en citer que quelques unes) permet d’élargir les possibilités d’apprendre et surtout de trouver celle qui convient le mieux à notre enfant et à notre famille.
Le maintien du français, s’il paraît difficile au premier abord, n’est pas une mission impossible. À nous d’inventer cet environnement, un peu chaque jour, au gré des besoins et des envies de chacun. Faisons du français une langue qui nous rapproche autour de moments partagés. Selon nos valeurs, nos habitudes, nos cercles de connaissances, nous avons la possibilité de créer un terreau fertile pour que notre enfant développe son envie de garder et de parler le français.
Ecrit pour Expat Pro par Catherine Allibert
Écrivain et exploratrice de la langue française, elle embarque les enfants expatriés dans le monde passionnant de la grammaire et de l’orthographe, en leur proposant des ateliers d’écriture originaux et plein de bonne humeur.