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Mes parents passent leurs vacances chez moi, help!

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Écrit par Nicolas Serres-Cousiné
Publié le 25 juillet 2019, mis à jour le 28 septembre 2023

Ils vont arriver à Rio le 1er août et rester deux semaines entières chez leur fille, « tu es sure, ma puce, que l’on ne va pas te déranger ? ». Éva répond sans hésiter « mais non, maman ! », alors que sa première intention est de crier au secours.

 

Sa mère lui ramène son chocolat préféré, « à la noisette et à l’amande » et a hâte de rencontrer ses amis brésiliens et son petit chéri. Son père veut aller dans un club de Samba,  assister à un match de foot local et regarder le coucher de soleil assis sur la plage de Copacabana, un cocktail exotique à la main. Il compte bien lui donner des conseils précieux sur sa carrière, conseils qu’Éva fera semblant d’écouter, « je n’y connais rien en fringues ma cocotte, mais le business c’est le business ». Elle a promis d’aller les chercher à l’aéroport. Elle les adore, ils lui ont manqué, mais elle se sent envahie, jugée, soupesée. L’idée d’avoir à se justifier sur le mode de vie qu’elle a choisi l’angoisse d’avance. Ses parents viennent de passer la douane et lui font coucou à travers la baie vitrée. Éva leur sourit alors qu’elle songe déjà à leur départ. 

 

« Je ne suis vraiment qu’une fille ingrate », Éva allongé sur son hamac, son ordinateur sur les genoux, vient de passer notre séance de coaching à s’autoflageller. J’avais espéré que le doux soleil de la fin du mois d’aout allait adoucir ses propos. Pas du tout. Ses parents sont rentrés à Issy-les-Moulineaux et même s’il elle pense qu’ils ne se sont rendu compte de rien, leur séjour, en ce qui la concerne, a été une catastrophe. Même à travers Skype, je peux voir les traits tirés d’une femme en plein doute. Je referme mon Mac en pensant au chemin qu’Éva a déjà parcouru. J’a travaillé avec elle, il y a trois ans de cela. Elle vivait à New York et était en pleine recherche de sa vocation. Depuis, elle a déménagé au Brésil, créé sa propre boutique de vêtements pour enfants et rencontré Bernardo, analyste financier à la Banco Bradesco. Sa vie, bien que toujours en construction, est devenue beaucoup plus harmonieuse. Son email me demandant de l’aide m’a d’abord étonné. Comment ne pas se réjouir de l’arrivée de ses parents ? Et puis elle s’est expliquée, « à chaque fois que je suis confrontée à mon enfance et à ma culture, j’ai l’impression que tout ce que j’ai bâti à la force du poignet, à New York et maintenant ici, peut s’écrouler à tout moment ». Ne parvenant pas à être objective, elle a pris conscience que seul un oeil extérieur peut l’aider à appréhender son dilemme sous un angle différent. 

 

Je suis de nature curieuse alors j’écoute attentivement ce qu’elle me dit, et surtout ce qu’elle ne me dit pas. Je la challenge en lui posant des questions qui ne lui font pas toujours plaisir mais qui la font réfléchir. Mon but est de créer de l’espace dans son cerveau embrumé. La solution de mes clients est toujours en eux. Je ne suis là que pour les aider à la trouver en fournissant les outils adéquats. « Quand je suis avec mon père et ma mère, je redeviens immédiatement cette petite fille triste, seule et moche de la banlieue parisienne qui se cachait pour qu’on ne la blesse pas. Je n’ai que de mauvais souvenirs de mon enfance, mes parents se disputaient souvent, je n’avais pas d’amis alors je me réfugiais dans mon univers et laissais le temps filer ». Quoi d’autre ? « Mes parents symbolisent tout ce que j’ai voulu quitter, l’étroitesse d’esprit à la Française, le manque d’ambition professionnelle, la suspicion continuelle, les commérages de quartiers, les économies « à trois francs six sous », les jugements hâtifs, les interdictions de rêver et l’obligation de faire des études pour être à l’abri de je ne sais quoi ». Et ce sont ces gens monstrueux qui ont élevé une femme aussi brillante que toi ? Elle baisse les yeux. « Je me sens coupable d’être si négatif lorsque je parle d’eux, c’est vrai, ce sont des gens bien ». Éva les tient responsable de toutes ses insécurités sans savoir pourquoi, « aide-moi à les pardonner ». Oh la la, je suis loin d’être convaincu de la culpabilité de papa et maman. Éva doit m’offrir des arguments plus plausibles avant que je ne change d’avis.

 

La semaine suivante, c’est à l’aube et dans son magasin que nous nous rencontrons sur Skype. Elle s’est calmée. Elle s’est même persuadée que son dilemme est réglé, « il y a prescription, c’était il y a 25 ans ! ». Mon sourire lui est familier. Elle sait que je n’ai pas terminé de creuser. Qu’est-ce qui peut bien mettre Éva dans des états pareils ? Qu’est-ce qui la fait tant douter malgré ce qu’elle a accompli ces dernières années ? « Aux yeux de mes amis et de ma famille, mon aventure à l’étranger est totalement glamour et représente la parfaite success story. J’ai joué le jeu alors qu’en réalité, mon départ aux États-Unis, puis au Brésil, est aussi la fuite d’une jeune femme en colère contre son pays natal et ses habitants. J’ai voulu réussir pour prouver à mes parents que je pouvais le faire « à ma façon », loin d’eux. Je me suis oubliée au passage. Les revoir fait ressortir le côté moins romantique de mon aventure ». Et tu leur en veux terriblement pour cela ? Son visage se détend, Éva est soulagée. Elle ne le sait peut-être pas encore, mais elle vient de découvrir les vraies raisons de ses souffrances. Fini de se planquer derrière de fausses excuses, même si celles-ci sont douloureuses. Son dilemme est avant tout entre elle et elle. C’est le moment d’aller à la découverte de soi.

 

« Je ne veux plus me tourmenter quand je vois mes parents, je souhaite me débarrasser de cette amertume injustifiée à leur égard ». Nos séances suivantes sont destinées à déterminer quelles sont les options d’Éva pour parvenir à ses fins. Elle a tendance à s’enivrer de monologues nébuleux. Je la coupe rapidement, elle est trop proche du but pour que je la laisse s’égarer. J’ai une bonne idée de ce qu’elle pourrait faire, mais je reste fidèle à mes convictions. C’est à elle de trouver ce qui lui convient, cela aura tellement plus de force qu’une leçon d’un coach-gourou répétée par coeur. « J’ai besoin de parler à mes parents du travail que j’ai fait avec toi. ils sont en droit de savoir ce que je pense parfois d’eux. Je veux aussi leur dire que je les aime, malgré tout et malgré moi ». C’est bien, et ensuite ? « Je veux m’accepter comme je suis. Jouer la victime ne me ressemble plus ». Quoi d’autre ? Mon insistance l’amuse. Je ne la lâcherai que lorsque son horizon s’éclaircira pour de bon, « je veux réussir professionnellement pour moi et avec moi, c’est ma grande découverte de l’année ! ». Tout à fait, C’est elle qui s’empêchait d’avancer. Elle cherchait des maigres excuses enfouies dans le passé au lieu de faire face à la réalité d’aujourd’hui. Son angle de vue tronqué, elle ne pouvait que continuer à se cogner la tête contre les murs. Notre coaching l’a aidé à ne plus se mentir, à se retrouver, à s’apprécier et à enfin, s’épanouir complètement.

 

Il ne nous a pas fallu longtemps pour remettre le « puzzle-Éva » en place, à coup de discussions sincères et profondes sur la source de son dilemme. Être honnête avec elle-même en se regardant telle qu’elle est était l’outil qui lui manquait. Depuis, Éva rayonne...et pas que sur la plage de Copacabana !

 

 

Nicolas Serres Cousiné, le life coach des expats français à travers le monde 

 

En savoir plus:

Le site de Nicolas Serres Cousiné  www.nicolasserres-cousine.com

 

Avertissement : Les chroniques de Nicolas Serres-Cousiné sur lepetitjournal.com s’inspirent de sa pratique professionnelle. Chaque chronique est un mélange romancé de plusieurs témoignages sur le même thème. Ils ont été modifiés de manière à préserver l’anonymat de leur auteur.