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EXPATRIATION - Le grand plongeon

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Écrit par Nicolas Serres-Cousiné
Publié le 2 octobre 2018, mis à jour le 18 juin 2019

Même si Isabelle adore son pays, sa culture, sa famille et ses amis, cela ne l’a pas empêché de se sentir différente des autres lorsqu’elle vivait en France. « Là-bas, c’était un peu comme être en prison, avec un avenir tracé d’office. J’avais cette impression d’être en décalage avec les autres. Je me voyais avec un temps d’avance alors qu’eux me voyaient plutôt avec un temps de retard ! J’avais aussi envie de laisser mon imagination prendre les rênes de ma vie, et lorsque je m’y aventurais, je me prenais en retour cette réponse cinglante qui me faisait froid dans le dos, « faut pas rêver, ma belle ! ». Alors je me taisais pour ne pas passer pour une idiote et en cachette, je rêvais justement qu’un jour, je partirais, moi aussi, pour des terres inconnues où tout est possible, même l’impossible ».

 

Cela fait deux ans qu'Isabelle est à Kuala Lumpur. Jusqu'à présent, son plan a fonctionné à merveille. Elle a un bon poste de stratégie d’entreprise dans une compagnie malaisienne. Elle est comme un docteur qui diagnostique et soigne ses malades du mieux qu’il le peut. Cela lui a permis de s’installer dans la ville, de prendre ses marques et de faire quelques économies. « C’est un métier qui me passionne mais où je suis souvent confrontée à des CEO qui n’ont que leur propre intérêt en jeu, pas ceux de leurs entreprises et encore moins ceux de leurs employés ». Elle voit toujours tout plus vite que ses collègues, son patron est élogieux à son sujet, et elle sait qu’il est temps de voler de ses propres ailes afin d’exprimer sa vision sur le monde. « Mais comment faire ? ». Son élan est brisé, la voilà perdue. Son job devait être un tremplin vers ses rêves les plus fous, mais elle est bloquée en haut de son propre plongeoir, celui de ses envies, paralysée, incapable de sauter dans sa nouvelle vie.

 

 

Il y a une partie de moi, très française, qui se demande ce que je dois faire avant tout, alors que l’autre, très “expat”, ne pense qu’à ce qu’elle veut faire.

 

« Ma vie n’a pas l’originalité de ma façon de penser. J’ai besoin d’aide car je n’arrive pas à savoir quelle est la voie professionnelle qui m’apportera totale satisfaction, celle où j’aurai le sentiment d’utiliser mes facultés à 100% en restant fidèle à mes principes de vie ». Qu’est-ce qui empêche Isabelle d’atteindre son but ? « C’est moi, c’est évident. Il y a une partie de moi, très française, qui se demande ce que je dois faire avant tout, alors que l’autre, très “expat”, ne pense qu’à ce qu’elle veut faire. Autant c’est bien de partir à l’aventure, il ne faut pas non plus faire n’importe quoi. C’est donc une lutte constante et épuisante entre le vouloir et le devoir. Qui doit l’emporter ? Je n’arrive pas à me décider »

 

Pour que l’esprit d’Isabelle se calme, je lui impose de rester dans le domaine du vouloir. Que voulez-vous qu’il se passe dans votre vie ? Le silence qui suit en dit long sur la difficulté de la question qui pourtant paraît si simple.
Eh oui, faire totale abstraction du domaine du devoir est tellement à contre-courant de ce que l’on nous a appris. Elle se lance, tout de même. « Je voudrais monter ma société de stratégie d’entreprise, en ne travaillant que pour des CEO qui croient en leur compagnie, pas pour ceux qui sont là pour prendre la caisse et s’enfuir en courant. Mon idée est dans l’air du temps, mais j’ai peur de me griller dans ma profession et perdre ce métier que j’aime tant. Un ami m’a parlé de ce jeune agent d’acteurs américains qui s’était lancé dans le business dans les années 50 lors de la chasse aux sorcières. Il avait décidé de ne travailler qu’avec ceux qui étaient sur la liste noire, soi-disant communistes. Au-delà de sa carrière couronnée de succès, ce qui m’inspire dans son histoire c’est son courage, sa passion et sa volonté de rester fidèle à ses convictions ». Et alors ? « Et alors, j’ai peur de tout. Peur de me lancer, peur d’échouer, peur de réussir, peur d’avoir peur, au secours, Nicolas ! ».

 

Malgré l’excitation de découvrir de ce qu’elle veut vraiment faire lui procure, Isabelle reste paralysée en haut de son plongeoir. Quand elle regarde en bas, elle se demande si l’eau n’est pas trop froide alors que la seule question qu’elle devrait se poser est s’il y a assez d’eau au fond de la piscine. Ce n’est que dans le saut, c’est-à-dire l’action, qu’elle apaisera ses craintes. J’ai envie de lui murmurer à l’oreille « Allez-y sautez ! » mais c’est à elle de se lancer lorsqu’elle sentira le moment venu.

Le rôle du coach n’est pas de précipiter son client du haut de la falaise, mais de rester dans le tempo de son client et de s’assurer qu’il y a bien de l’eau au fond de la piscine.
Isabelle a besoin de temps. Nous avons continué de nous parler et de décortiquer les freins à ses envies. Séance après séance, son horizon s’est éclairci. En échangeant ses peurs, ses doutes et ses aspirations avec son coach, elle a appris non pas à les éliminer ou à les combattre, mais à les apprivoiser. Et à s’en servir pour avancer. Je ne fus donc pas étonné, un jour, de l’entendre me dire, émoustillée, « j’ai avoué mes ambitions à mon patron. À ma grande surprise, il s’est montré enthousiaste. C’est ce qu’il aurait voulu faire sans jamais vraiment oser. Il se dit prêt à m’aider, en toute discrétion bien sûr, mais il aimerait en savoir plus sur mon projet. J’y vais ? j’y vais pas ? ». Oh Isabelle, vous n’allez pas recommencer !

 

Plouf ! À peine le temps de finir ma phrase qu’Isabelle s’élança le cœur léger vers sa nouvelle vie.

 

 

En savoir plus:

Le site de Nicolas Serres Cousiné  www.monlifecoach.com,

 

Avertissement: Les chroniques de Nicolas Serres-Cousiné sur lepetitjournal.com s’inspirent de sa pratique professionnelle. Chaque chronique est un mélange romancé de plusieurs témoignages sur le même thème. Ils ont été modifiés de manière à préserver l’anonymat de leurs auteurs.

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