De nationalité chinoise, Steven Wang est venu compléter sa formation en France en intégrant un Master à SKEMA Business School. Après des débuts dans l’industrie de la mode en Chine, il est aujourd’hui directeur logistique pour LVMH Fashion group à Hong Kong.
EN PARTENARIAT AVEC SKEMA ALUMNI
lepetitjournal.com : Pourquoi avez-vous choisi de poursuivre une formation en France ?
Steven Wang : J’ai grandi en Chine et j’ai étudié le commerce international à l’université de Beijing. Jeune diplômé, j’ai commencé à travailler comme acheteur à Shanghai pour un détaillant américain. Au bout de 4 ans, en 2002, j’ai souhaité poursuivre ma formation. J’avais toujours rêvé étudier à l’étranger. J’ai postulé dans différentes universités, notamment en Australie, mais j’ai été pris en Master de management international à SKEMA business school (anciennement ESC Lille). Une fois le visa obtenu, je suis donc venu en France, mais au bout d’un semestre, j’ai voulu changer de projet. J’ai eu connaissance d’un autre Master de SKEMA qui me semblait plus en phase avec ma formation initiale, un Master of science en supply-chain management et achats. Je voulais continuer dans le domaine des achats. Mon expérience professionnelle m’a permis de rejoindre ce programme.
L’enseignement était-il différent de celui auquel vous aviez l’habitude en Chine ?
En général, dans les universités chinoises, on écoute le professeur, et on prend des notes. A SKEMA c’était complètement différent. Il y a beaucoup de sujets ouverts, de discussions, de projets ou travaux à réaliser en équipe, des présentations. J’ai eu l’opportunité de réaliser deux stages qui m’ont également beaucoup appris. J’ai commencé par 6 mois à La Halle aux Vêtements, aux achats à Paris. C’était un emploi assez similaire à celui que j’avais eu en Chine : être en contact avec les fournisseurs en Chine, négocier les prix…
J’ai ensuite intégré Okaïdi, une marque française de vêtements pour enfants. Là j’étais stagiaire au service logistique, dans les entrepôts. Là j’ai vraiment eu le challenge de la langue. Les cours en Master sont en anglais, donc je n’avais pas eu la barrière linguistique directement en arrivant à Lille. Mais dans les entrepôts, les employés parlent rarement anglais ou chinois ! Il a fallu faire beaucoup d’efforts de part et d’autre, utiliser le langage corporel (rires)… Ils ont été très gentils avec moi et m’ont beaucoup appris.
Vous avez ensuite été embauché par Okaïdi…
Okaïdi souhaitait se développer en Chine et ouvrir une filiale là-bas. Au bout des 6 mois de stage, j’ai été embauché à Lille pendant un an pour préparer le terrain. Il y a eu beaucoup de travail administratif, de choix stratégiques à faire sur l’emplacement du bureau, des premiers magasins, recruter sur place avec des agents RH, prendre contact avec des agents comptables… En juin 2004, je suis devenu le premier employé de la filiale chinoise d’Okaïdi, basé à Shanghai à partir de mai 2005. J’y suis resté encore 5 ans, c’était très intéressant de développer cette marque, sur un plan logistique mais également pour la partie administrative, marketing et développement.
A ce moment-là de très nombreuses marques de prêt-à-porter sont venues sur le marché chinois. Que fallait-il pour réussir ?
En effet, les marques de mode étrangères comme Zara, Uniqlo ou H&M sont toutes arrivées dans ces années-là en Chine. J’ai rejoint en 2011 la société Gap, qui venait d’arriver en 2010. J’avais le bon profil pour les aider à réussir sur ce marché. Comme pour Okaïdi, il fallait mettre en place les structures, les opérations en entrepôts… La différence que j’ai constatée entre Gap et Okaïdi, c’est que la stratégie de Gap était plus agressive. Gap a beaucoup investi. Ils ont choisi les meilleures zones de chalandise, et ils ont vite été très populaires.
En 5 ans d’activité, Okaïdi n’a pas atteint ses objectifs initiaux car ils ont été plus prudents, étaient moins bien situés. Je crois que les consommateurs chinois ne connaissaient toujours pas cette marque.
Les volumes de Gap étaient bien plus gros. Il y avait beaucoup plus de procédures. On travaillait en SOP (Standard Operating Procedures) dans les entrepôts, chaque étape était détaillée. J’y suis resté moins de 3 ans : quand je suis arrivé il y avait peut-être 4 magasins en Chine, quand j’ai quitté la société, il y en avait près de 100 !
Cette croissance rapide devait être un vrai défi logistique !
Oui, nos bureaux étaient en charge de la Chine, mais aussi de Hong Kong et Taïwan. Je devais gérer les arrivées de marchandise de nos usines mais aussi la distribution dans l’ensemble de nos magasins (inbound et outbound). Mon équipe a dû s’étoffer, je n’avais au départ qu’une personne dans mon équipe, il a fallu recruter. Je suis devenu Senior manager, avec un équipe de 5 personnes, et je reportais à un Américain. Il y avait un aspect interculturel et mon cursus à l’étranger m’a aidé à être plus adaptable dans ce contexte. J’étais l’interface entre mon équipe chinoise et mon management américain.
D’un management par des Américains, vous avez ensuite retrouvé un peu de culture française en intégrant LVMH ?
Le style américain est plus direct, plus agressif. Je pense en effet que les Français font plus attention à l’ambiance générale, favorisent le travail en équipe. Et les Français sont meilleurs pour préserver un bon équilibre vie professionnelle/vie privée. Je crois que mon séjour en France fait que je comprends mieux les Français, le vin, la culture… (rires) cela m’a aidé et lors de mon entretien d’embauche chez LVMH Fashion group China, en 2013, j’ai été content de voir que j’allais retrouver cette culture d’entreprise. Il y a des marques américaines, espagnoles, italiennes chez LVMH, mais c’est définitivement une société française !
Au bureau de Shanghai, j’étais en charge des opérations de logistique en Chine pour nos différentes marques de produits en cuir. Les ventes du groupe se sont beaucoup développé ces années-là, notamment à partir de 2015, car le revenu moyen des ménages a fortement augmenté en Chine.
Vous travaillez maintenant depuis quelques mois au bureau de Hong Kong, qu’est-ce qui a justifié cette mobilité ?
C’est une politique d’entreprise, mise en place par nos ressources humaines. On vous encourage à changer de marché, de fonctions, ou de type de produits (par exemple passer aux produits cosmétiques ou aux vins et spiritueux). C’est une façon de continuer à apprendre, par exemple, il y aura des spécificités propres en termes de logistique, des réglementations pour les différents types de produits, qu’il faut connaître. En ce qui me concerne, une opportunité s’est présentée pour que je rejoigne nos bureaux de Hong Kong, en charge de l’Asie Pacifique, hors Chine (siège à Shanghai) et Japon (siège à Tokyo).
Depuis Hong Kong, nous gérons nos marchés d’Asie du Sud-Est (Malaisie, Thaïlande, Singapour..) mais aussi l’Australie ou encore la Corée. C’est complexe parce que nous devons tenir compte des différentes législations, des droits de douane etc.
J’aime beaucoup ce nouveau travail, je suis en relation avec différentes cultures, c’est plus international. Je gère une équipe dans plusieurs pays, avec différentes nationalités. C’est très enrichissant. Mais la vie à Hong Kong est agréable, ma famille m’a rejoint en janvier et nous apprécions cette nouvelle vie.
Avez-vous des conseils à formuler à ceux qui souhaitent faire une carrière internationale ?
Pour moi, il est important d’avoir une ligne directrice dans son projet. Lorsqu’on est jeune, il faut être adaptable et avoir des plans à court terme, mais c’est aussi intéressant de se projeter à moyen, voire à long terme. Je voulais avoir une formation internationale, après quelques années professionnelles, j’ai pu partir en France. Dès les tout premiers mois, j’ai pris de contacts, fait du networking, je voulais envoyer autour de moi le message que j’étais disponible. En retour, les gens qui vous entourent vous conseillent, vous proposent des choses. C’est important de nouer des contacts, de vous montrer, il faut être proactif. Je suis heureux de cette expérience à l’étranger, je suis heureux d’avoir pu rencontrer autant de personnes intéressantes.
Propos recueillis par Marie-Pierre Parlange