En créant une nouvelle marque de cidre, Maison Sassy, Pierre-Emmanuel Racine Jourdren s’est lancé le défi de dépoussiérer l’image de cette boisson. Entre tradition normande et démarche qualité, retour sur cette aventure entrepreneuriale pétillante.
EN PARTENARIAT AVEC SKEMA ALUMNI
Pierre-Emmanuel Racine Jourdren (SKEMA PGE 2010) débute professionnellement dans la finance chez Arkea Banque E&I. Ses nombreuses rencontres avec des entrepreneurs lui donnent envie de tenter l’aventure entrepreneuriale. En 2014, il crée avec son associé Maison Sassy, entreprise spécialisée dans la production de cidre. Quatre ans plus tard, la société compte une quinzaine de salariés et vend plus de deux millions de bouteilles par an dans le monde entier.
Pourquoi avez-vous choisi le cidre ?
Le cidre, c’était pratiquement une évidence. Xavier – mon associé – et moi avons grandi dans les pommes en Normandie. Sassy, c’est le nom du château de mon associé dans lequel sa famille fait du cidre et du calvados uniquement pour leur consommation personnelle. C’est la première boisson alcoolisée que nos parents nous ont permis de déguster. Quand on est parti à l’étranger dans le cadre de notre cursus académique, on a vu que le cidre était quelque chose de très répandu en Angleterre et en Irlande, mais il était beaucoup moins qualitatif qu’en France. Pourtant le cidre souffrait en France d’un vrai déficit d’image alors qu’il est 100% naturel, sans gluten et peu calorique. De par notre histoire et tout le patrimoine normand qu’on souhaitait remettre un peu sur le devant de la scène, c’était le produit idéal pour se lancer dans une aventure entrepreneuriale.
Comment est née la Maison Sassy ?
Nous avons fait un gros sourcing en allant déguster pas mal de produits différents en Normandie. La conception des recettes a duré au moins un an et demi. On faisait des dégustations à l’aveugle avec des grilles de notation et, quand nos produits sont ressortis premier à chaque dégustation, on s’est intéressé au packaging. Le premier impact sur le consommateur, c’est le visuel. Il nous fallait quelque chose de joli et de contemporain. Une fois satisfaits sur la forme et sur le fond, on a lancé le produit.
Votre souhait est de dépoussiérer l’image du cidre. Pourquoi pensez-vous que cette boisson n’est pas appréciée à sa juste valeur ?
D’une part, les recettes n’étaient pas forcément adaptées au goût actuel. Aujourd’hui le consommateur cherche des produits intéressants au niveau gustatif. C’est pourquoi nous avons voulu faire des produits équilibrés. D’autre part, la partie packaging était un peu à la traîne. On s’est dit qu’il fallait faire l’inverse de ce qui se faisait déjà et on a voulu faire quelque chose de plus attrayant. La partie communication a aussi été négligée. Aujourd’hui, pour faire briller un produit, aussi bon soit-il, le marketing et la communication sont indispensables.
Il existe de nombreuses marques de cidre sur le marché. Comment faites-vous face à la concurrence ?
On a des concurrents mais on n’a pas le même positionnement ni la même démarche. Il y a soit des produits très industriels soit des cidres très portés sur les méthodes traditionnelles champenoises. Nous, au niveau gustatif, on a une vraie signature qui nous caractérise plutôt bien. Depuis quelques années, on voit arriver de nouveaux concurrents sur le marché. C’est sûr que le fait de voir une entreprise qui se débrouille un petit peu, ça attise les convoitises ! Mais on voit ça d’un bon œil étant donné que ça va permettre d’évangéliser le marché. On ne sera pas trop de quelques acteurs pour faire bouger les lignes et la perception du produit !
Vos produits sont désormais disponibles dans des restaurants étoilés, dans des bars branchés. Comment avez-vous réussi à convaincre ces grandes enseignes ?
On était une petite marque avec une notoriété relativement faible. On n’avait aucun contact, on ne connaissait personne dans le monde de la gastronomie. On y est allé au culot. Xavier et moi, on partait avec nos bouteilles sous le bras pour démarcher des grands chefs comme Alain Ducasse. On s’est pris pas mal de bâches mais on a aussi eu de belles surprises. Travailler avec des grands chefs nous a permis d’avoir une visibilité et une légitimité au niveau du jus. Au quotidien, on travaille dur pour donner une belle notoriété à la marque Sassy.
Votre cidre remporte-t-il un certain succès à l’étranger ?
Il est exporté dans énormément de pays. Les marchés anglo-saxons (Angleterre, Australie Afrique du Sud) consomment beaucoup de cidre. Les Etats-Unis sont à la recherche de vrais produits artisanaux et la consommation double chaque année. Il y a aussi des pays qui ont une vraie appétence pour les cidres français comme la Suède, la Norvège ou la Finlande. Le marché français, c’est un petit marché à l’échelle mondiale. Même si on a le plus gros verger d’Europe de pommes à cidre, on reste un petit consommateur. C’est encore très localisé Bretagne-Normandie, mais ça se développe de plus en plus à Paris.
Quelles sont les difficultés rencontrées à l’international ?
Il y a des contraintes réglementaires et administratives quand on commence à exporter vers un pays. Par exemple, la Corée du Sud et le Japon sont des marchés compliqués. Il faut montrer de nombreux documents, faire valider plein de choses. Mais au moins quand on exporte là-bas, on est capable d’exporter un peu partout dans le monde. Ma formation en finance m’a pas mal aidé au début étant donné qu’il fallait convaincre des banquiers. Au quotidien, je m’occupe de la partie finance et administrative : j’avais du coup des bonnes bases pour me lancer.
Quels sont vos projets pour l’avenir de la Maison Sassy ?
Nous voulons continuer à avoir une belle régularité dans nos produits et mettre en avant un peu plus le savoir-faire de la maison Sassy. C’est quelque chose qui va nous tenir à cœur dans les prochains mois et les prochaines années. On a replanté une dizaine d’hectares de pommiers au sein même du château de Sassy. On a également fait l’acquisition de pressoirs pneumatiques utilisés dans le domaine du champagne : ce sont des outils de haute qualité qui vont nous permettre de sortir des produits encore plus qualitatifs. Et enfin, partir à l’assaut d’autres marchés à l’international.
Alhéna Domela