

Blocage de la Socamaine, plate-forme d'approvisionnement de Leclerc, à Champagné (Finistère) par des producteurs de lait en colère. (AFP)
Depuis le début du moi de mai, les producteurs laitiers en colère manifestent dans toute la France. Des journées de protestation nationales, des blocages de laiteries et de plates-formes d'approvisionnement de la grande distribution ainsi que des distributions gratuites de lait, des opérations de déréférencement de produits laitiers ou de blocage des accès ont été menées un peu partout en France et notamment dans le Grand Ouest (Finistère, Sarthe, Loire-Atlantique).
Les manifestations s'orientent contre la baisse du prix du lait, qui a plongé de 29% en moyenne annuelle sur un an, amenant ainsi les producteurs à toucher environ 210 euros pour 1000 litres (prix moyen annuel), en deçà de leur coût de production. Les producteurs réclamaient initialement un montant de 305 euros pour 1000 litres, tandis que les industriels restaient sur leur position à 267 euros les mille litres. Lors des précédentes réunions interprofessionnelles, les producteurs avaient fait un geste, abaissant leur revendication à 290 euros. Alors que le dossier n'avançait plus, producteurs, coopératives et industriels sont finalement parvenus à signer un accord le 3 juin lors d'une "réunion de la dernière chance"au Ministère de l'agriculture. L'accord fixe un prix variable entre 262 et 280 les 1000 litres en moyenne annuelle, assorti d'aides d'Etat pour les producteurs.
Une crise profonde
La crise du secteur laitier est le produit de deux facteurs. D'abord, une baisse de la consommation et des exportations de poudre de lait et de beurre sur le marché mondial, qui fait chuter les cours. Par ailleurs, en mai 2008, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DFCCRF) a interdit la fixation du prix du lait par un accord interprofessionnel au motif d'une distorsion de concurrence, laissant par conséquent les industriels fixer seuls les prix. Une décision qualifiée «d'énorme bêtise » par Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA.
Enfin, la décision prise en 2004 de supprimer les quotas laitiers en 2015 n'a pas été retenue au sein de l'UE malgré les demandes de Berlin, soutenues par la France. La réalisation d'un rapport d'impact de cette mesure en 2010 a néanmoins été négociée. Cet accord du 3 juin, qui ne satisfait personne à l'heure actuelle, semble bien avoir été pris par mesure de nécessité calendaire. Les agriculteurs avaient jusqu'au 5 juin pour payer les commandes de mai et ne pas parvenir à un accord aurait certainement entraîné une nouvelle baisse des prix.
Á surveiller, comme le lait sur le feu
Depuis le 3 juin, les manifestations continuent. Les producteurs se sentent trahis par la FNSEA, signataire de l'accord. Les dissensions sont manifestes au sein de la fédération. De nombreuses actions s'organisent. Thierry Roquefeuille, secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs de lait, confie son désarroi. Il reconnaît que les prix du lait recommandés par l'accord sont "difficiles à accepter". Mais il nie qu'ils aient été négociés dans l'urgence "pour faire plaisir à Michel Barnier (le ministre de l'agriculture, ndlr) ou à qui que ce soit avant les élections européennes", avant d'ajouter qu'il n'aurait pas été possible d'obtenir plus.
Les grands groupes laitiers et la grande distribution, accusés de ne pas répercuter les baisses de prix vers les consommateurs et de pratiquer des marges importantes, ne sont pas plus heureux. Ils dénoncent un compromis "très éloigné des réalités économiques auxquelles l'industrie laitière française est confrontée en Europe et dans le monde", soulignant que le prix du lait à la production était 20 % plus élevé en France que chez ses principaux concurrents. Thierry Roquefeuille, précise : "Il était de notre responsabilité de négocier, nous assumons". Il promet en retour de scruter avec attention les résultats annuels des grands groupes laitiers. Les tensions devraient donc persister, d'autant que cet accord est conclu sur la base d'un an et ne répond pas durablement aux demandes profondes de régulation du marché.
Laetitia Gueugnon (www.lepetitjournal.com) mardi 9 juin 2009.
Voir aussi :
Le NouvelObs : Les producteurs bloquent la préfecture de la Loire
Le Figaro : Lait/Cantal: poursuite des blocages
Challenges : L'accord sur les prix convainc peu de monde


































