Alors que le soir du 12 Novembre 2023, les pétards claquent dans les rues et les feux d’artifice fusent depuis les toits pour célébrer la fête de Diwali, Nathalie Geetha Babouraj alias DocLaLuna, une Française d’origine indienne, présente à l’Alliance française de Pondichéry, une conférence spectacle sur « la santé du futur ».
DocLaLuna, danse avec le chaos, le show qui va sauver la planète ou pas…
Au début du spectacle de Nathalie Geetha Babouraj, sur la scène nous accueille une femme, lunettes sur le nez, engoncée dans son uniforme bleu marine. On découvre qu’elle est médecin de prévention chez les pompiers de Paris. Chemin faisant, elle nous raconte ses empêchements, l’étroitesse de la médecine conventionnelle qui l’étouffe. Soudain, dans une séance d’effeuillage inattendue, le médecin-capitaine se débarrasse de son enveloppe, pour donner naissance à DocLaLuna.
DocLa Luna, alias Nathalie Geetha Babouraj, se lance alors dans un one-woman-show, sans lunettes, nous éblouissant dans ses habits de lumière et dans une envolée de paillettes, elle nous invite à la suivre.
Chacun doit se reconnecter à sa lumière intérieure de la plante des pieds à la tête, en passant par l’utérus pour celles qui en ont, au plexus solaire, puis au cœur pour « activer son intelligence naturelle ».
Nathalie Geetha Babouraj est une militante du vivant en soi. Elle considère que chacun a sa sagesse intuitive, son intelligence du cœur et ce, dans un monde où l’intelligence artificielle prédomine, vole trop souvent le temps et uniformise ce qui est pourtant singulier.
Si vous aviez prévu de rester assis dans votre fauteuil, elle vous attrapera comme tous les autres et vous vous lèverez pour inspirer, expirer avec elle, pour sentir bouger votre corps et danser.
Pour notre expérience du microbiote, on va se lever et respirer en faisant bouger son ventre. Il va falloir vous effeuiller pour enlever les couches de l’oignon, bouger les hanches, faire un saut de cabri.
DocLaLuna fait rire le public conquis par son énergie et son humour, il accompagne l’artiste jusque sur scène en suivant les rythmes musicaux de la musique Bollywood ou du Michael Jackson tamoul.
Au cours du spectacle, une certaine Madame Leclerc, institutrice en CE1, en prend pour son grade, celle-là même qui demandait à ses élèves comment appelle-t-on les Indiens qui vivent en Inde ? Devinez…
Nathalie, Indienne de nationalité française, semble beaucoup apprécier les masala dosas. Dans son spectacle, elle raconte le poids de sa double culture qui n’a pas été facile à porter et nous offre son message “prenons soin du vivant”.
À la fin de la soirée, chaque spectateur, rayonnant d’énergie, repart un peu “expert.e en chaos créateur”, avec son badge en guise de diplôme.
La rédaction a eu le plaisir de rencontrer Nathalie Geetha Babouraj en off, attablées devant un chai. Nous avons retracé son parcours depuis la France, puis l’Inde, puis de nouveau la France métropolitaine et maintenant la Guadeloupe.
Nathalie Geetha Babouraj, une adolescence à Pondichéry, la ville des origines familiales
Nathalie est née en France de parents d’origine indienne, son papa étant dans l’armée française, la famille se déplace tous les cinq ans.
Lorsqu’ils habitent à Berlin, Nathalie commence à réaliser que le monde ne tourne pas si rond car, à l’époque, les Allemands de l’Ouest peuvent se rendre à l’Est, avec une autorisation, mais l’inverse est interdit. Un mur les sépare, il tombera trois ans plus tard.
Nathalie a 10 ans lorsque son père prend sa retraite. Il souhaite la passer à Pondichéry, le pays des origines familiales, qu’elle ne connaît que pour y avoir passé ses vacances scolaires. Ses grands-parents et des tantes et oncles y vivent.
Nathalie nous explique que son père lui “a vendu l’Inde” en lui garantissant qu’elle continuerait sa scolarité au lycée français. Passer des vacances en Inde est une chose, y vivre alors qu’on ne l’a pas choisi en est une autre. Dans son enveloppe 100 % indienne, Nathalie est 100 % française, avec 100 % d’accent parisien.
Pour la première fois, elle ne se reconnaît pas dans cette famille et ne se sent pas à sa place dans un pays où elle découvre, entre autres, que les petites filles sont parfois tuées à la naissance, à cause de la dot que devra donner la famille pour les marier, que les filles et les garçons ne reçoivent pas la même éducation et qu’ adolescents, ils ne peuvent plus se mélanger.
Nathalie n’aime pas sa nouvelle vie, elle est une adolescente libre. Elle ira jusqu’au baccalauréat soutenue par la promesse faite par son père “si tu as le bac avec mention, tu iras en France continuer des études”. Alors elle s’investit à “2000 %” dans ses études en ne rêvant que de repartir en France. Elle reste dans son cocon, introvertie, couvant sa révolte et regarde ses cousines se marier dans des unions arrangées par leurs parents. Qui pourrait comprendre ses révoltes ?
Étudier est sa porte de sortie et elle trouve heureusement à s’exprimer dans des cours de théâtre et de danse. Elle parle le tamoul, la langue des origines familiales, l’espagnol et l’anglais appris au lycée français de Pondichéry. Aujourd’hui encore, elle est reconnaissante envers ses professeurs qui ont stimulé sa créativité et l’ont confortée dans sa certitude que l’instruction était synonyme de sa liberté.
Elle obtient son baccalauréat avec mention à 18 ans. Lorsqu’elle arrive à l’aéroport de Chennai pour revenir étudier en France, elle se fait une promesse, “plus jamais elle ne mettra les pieds en Inde”.
Nathalie Geetha Babouraj, étudiante en médecine à Montpellier
Bien que tout le monde la pensait destinée à suivre des études scientifiques ou économiques, Nathalie qui aime la biologie, s’inscrit à la faculté de médecine de Montpellier. Ces années-là, 1997 et 1998, deux femmes qui ont marqué Nathalie pour leurs actions dans l’aide humanitaire, Mère Thérésa et la princesse Diana, décèdent. Nathalie, qui veut se rendre utile, décide de se spécialiser dans la médecine humanitaire. Et pour se décharger de temps en temps de la pression que génère ses études, elle ajoute des cours de danse à son programme déjà complet.
Cependant, au cours de ses études, Nathalie réalise que la médecine humanitaire ne fonctionne que dans un sens, c'est-à-dire qu’elle importe la médecine occidentale ailleurs. Celle qui déjà trouvait injuste les sens interdits décide, par esprit de contradiction, d’écrire un mémoire universitaire sur la médecine tropicale en Inde 2000 ans plus tôt.
Pétrie de sa double identité, malgré un premier rejet de la société indienne, Nathalie refuse l’idée que la seule médecine qui vaille soit occidentale. Dans les rayons de la bibliothèque universitaire, elle découvre la médecine ayurvédique et réalise que les pratiques de ses grands-mères s’appuyaient sur des savoirs ancestraux.
Je commence alors, le chemin de réconciliation qui rassemble toutes ces parties de moi.
Nathalie Geetha Babouraj, médecin chez les pompiers de Paris
Diplômée, Nathalie obtient un poste de médecin de prévention chez les pompiers de Paris et devient donc médecin militaire. Avant de s’engager dans l’armée, elle profite de trois mois de vacances et choisit, cette fois librement, de partir se former en médecine ayurvédique dans le Kerala.
Dans le cadre de sa fonction de médecin de prévention, elle crée un programme de gestion du stress, en utilisant des techniques de respiration du yoga, et fait profiter les pompiers de ses connaissances en médecine traditionnelle ayurvédique. En effet, un pompier qui suit un traitement allopathique n’est pas toujours autorisé à monter dans les camions.
Cinq ans passent, Nathalie a le sentiment d’être une OVNI, officier, femme, célibataire, d’origine étrangère et dans ”une prison dorée”. Elle quitte alors l’uniforme de médecin chez les pompiers de Paris et reprend son envol.
Depuis longtemps elle sait qu’elle veut voyager et rencontrer des gens et Nathalie n’abandonne jamais ses projets.
Après avoir vu un court-métrage ayant pour thème une expérimentation de médecine intégrative aux États-Unis, elle s’y rend pour y rencontrer des médecins praticiens et savoir où en est cette expérience.
Nathalie Geetha Babouraj découvre la médecine intégrative aux États Unis
Le terme de médecine intégrative est apparu aux États-Unis dans les années 1990, c’est une médecine qui associe des médecines complémentaires (médecine ayurvédique ou chinoise par exemple) aux médecines conventionnelles et qui veut redonner au patient la capacité d’auto-gérer sa maladie (réapprendre à s’écouter, à se connaître, mettre en place des techniques et des pratiques qui font du sens et du bien).
Nathalie apprend des médecins qu’elle rencontre, dont Deepak Chopra né à New Delhi, penseur, médecin spécialisé en spiritualité et médecine alternative et elle constate que cette technique est couramment utilisée aux États Unis et qu’elle semble efficace et moins onéreuse.
Elle serait bien restée au États-Unis, mais la France la rappelle. En rentrant, elle crée l’institut de Santé intégrative : l’iSi.
L’iSi, l’institut de Santé intégrative fondé par Nathalie Geetha Babouraj
À partir de l'iSi, Nathalie va diffuser des formations et des conférences, y compris aux soignants dans les hôpitaux. La médecin écoféministe, passionnée du vivant a déployé ses ailes.
L'écoféminisme est incarné depuis les années 1990 par l’Indienne Vandana Shiva. Écrivaine et militante, Vandana Shiva dirige la Fondation de la recherche pour la science. Le mouvement écoféministe considère qu’il existe des similitudes et des causes communes entre les systèmes d’oppression des femmes par les hommes et la surexploitation de la nature par les humains.
En conséquence, l’écologie revient à repenser les relations entre les hommes et les femmes et entre les humains et la nature.
Nathalie Geetha Babouraj part à la Guadeloupe, source de créations
La vie amène Nathalie à s’installer en Guadeloupe, un peu Inde, un peu France, tout comme elle. Elle a “un coup de cœur” pour l’île et pour un homme.
C’est là qu’elle va initier ses premiers programmes de formation en ligne, SexySmartSpirituelles et la Tribe Empowering school.
Elle écrit aussi deux livres Devenir sa propre médecine, paru aux éditions Eyrolles et Ma détox ayurvédique colorée aux éditions Courrier du livre.
Et depuis sept ans, elle effectue en parallèle des séjours dans le sud de l’Inde qui allient des stages de danse, des cures ayurvédiques et des ateliers d’écriture, Les Bulles #AyurIndia.
Pour rappel, à partir de 1853, la Guadeloupe a accueilli 42.000 engagés indiens qui venaient travailler dans les plantations de canne à sucre. Leurs descendants ont acquis la nationalité française en 1923.
Jamais à court d’inventivité, l’idée germe de créer un spectacle de deux heures “qui parle de tout ce qui la passionne depuis 20 ans”. Nathalie a déjà l’expérience de la scène et la pensée de renouer avec l’énergie partagée entre les spectateurs et les acteurs lui plait.
La conférence spectacle, Danse avec le chaos, est née à Pointe à Pitre le 3 mars 2023 et a déjà voyagé lors de différents festivals en France métropolitaine et en Belgique.
Comment une chrysalide est devenue un papillon prenant son envol ?
Le passage de la chrysalide à l’état de papillon s’appelle la mue “imaginale”, terme aussi utilisé pour parler des épopées et des mondes initiatiques auxquels l’imagination offre accès à l’intelligible.
Nathalie nous dit qu’elle a accompli sa mue en suivant ses propres épopées et en déployant une énergie sans faille. Elle a concocté une sorte de “masala” fait de ses connaissances en médecine et en médecine ayurvédique, additionnée de techniques de yoga et d’effeuillage burlesque, et expérimentée sur les scènes ouvertes parisiennes et de danse Bollywood semi-professionnelle.
Elle vole en liberté, reliant ses mondes en un tout, dans lequel elle a puisé ce qui est devenu sa passion.
Mon rêve serait de faire danser, sur de la musique Bollywood, les chefs d'État avant les réunions au sommet. Pour revenir à notre humanité ! Sri Aurobindo et la Mère m’accompagnent dans ce chemin de spiritualité incarnée dans le corps.
En attendant :
Respire, Namaste…
Pour suivre le tour du monde de Nathalie Geetha Babouraj, rendez-vous ici : www.doclaluna.com