La ville de Trichy ou Tiruchirappalli dans le Tamil Nadu au sud de l’Inde est connue pour son « rock fort temple » perché sur un promontoire rocheux et le temple de Sri Ranganathaswamy dédié à Vishnu. Vous pouvez aussi l’apprécier pour son fleuve, la Kaveri (ou Cauvery).
Baignade dans l’eau limpide d’un bras du fleuve Kaveri en Inde du sud
N’hésitez pas, la baignade dans la Kaveri ou plutôt dans un de ses bras est une expérience sans danger pour la santé et même très bénéfique pour se détendre. C’est d’autant plus facile en faisant une halte à l’auberge-chambre d’hôtes « Tranquillity », créée et tenue par Raja Balasubramanian, un Indien parfaitement francophone, passionné par sa région et son pays.
Tranquility est un havre de paix, en pleine campagne, bâti sur l'île formée au niveau de Trichy par la division en deux bras du fleuve Kaveri. C’est sur le bras nord, appelé Kolidam que l’on peut se baigner car l’eau y est limpide. En amont, l’eau a traversé des sables filtrants, éliminant ainsi les pollutions. Le lit du Kolidam est large et bordé de plantes aquatiques qui abritent une multitude d’oiseaux. C’est le domaine des enfants des villages et des pêcheurs. Le dimanche, quelques familles viennent s’y reposer. Des bovins trouvent leur nourriture dans les zones herbacées alluvionnaires. On dit qu’un jeune veau mâle né et élevé ainsi en pleine liberté est recherché pour le Jallikattu de Pongal. Il sera sauvage et fort.
La Kaveri, fleuve sacré du sud de l’Inde
La Kaveri est un long fleuve de 800 kms qui prend sa source dans les Ghats occidentaux du Karnataka. Environ 400 kms plus loin, il rejoint le Tamil Nadu et coupe l’état en deux parties, nord et sud, pour se jeter enfin dans le golfe du Bengale par un large delta. De multiples canaux d’irrigation quadrillent la région, dont certains sont très anciens. A une quinzaine de kilomètres en aval de Trichy, est toujours en fonctionnement un barrage construit au premier ou second siècle de notre ère, sous le roi Karikalan de la dynastie Chola.
La Kaveri fait partie des grands fleuves sacrés de l’Inde et le fleuve est souvent appelé « le Gange du Sud ». De nombreuses cérémonies post-crématoires y sont organisées.
Comme toujours, les récits et légendes foisonnent pour justifier le caractère sacré du fleuve. Une version parle du roi Kavera qui se lamentait d’être sans enfant. Shiva en eut pitié et lui donna une fille, nommée Kaveri. Le pays souffrait d’une grande sécheresse. Par abnégation, la jeune fille se transforma en eau, créant une large rivière capable d’irriguer toute la région.
La Kaveri, un enjeu économique majeur pour l’Inde du sud
Aujourd’hui, la Kaveri est surtout connue pour son importance économique. Le bassin du fleuve dans l’état du Tamil Nadu correspond à un vaste espace de productions agricoles irriguées, en particulier des rizières où il est possible d’obtenir trois récoltes par an quand les conditions climatiques sont favorables. C’est un véritable grenier à riz. Depuis des années, les différents gouvernements ont encouragé la production en soutenant les cours de vente, en subventionnant la mécanisation et en développant les systèmes d’irrigation. Les besoins en irrigation dépassent les ressources aquifères disponibles, d’où un épuisement des nappes phréatiques. L’apport de l’eau de la Kaveri, venue du Karnataka, est donc capital.
Un partage de l’eau conflictuel
Le problème de la répartition annuelle des eaux de la Kaveri entre le Tamil Nadu et le Karnataka est rendu encore plus complexe par les variations climatiques de la mousson. Tardives certaines années et cause de sécheresse, les pluies de mousson peuvent provoquer des inondations catastrophiques d'autres années. Dans ces conditions, l'évolution annuelle du débit du fleuve est difficilement mesurable et les prévisions aléatoires.
Le conflit entre les deux états date de plusieurs siècles. Cependant, il est exacerbé depuis les années 1990, date à laquelle a été mis en place un tribunal pour trancher les différends. Les crises se sont succédées en période de moussons insuffisantes comme en 1995, 2002 et 2016. En septembre 2016, la foule a violemment manifesté à Bangalore : 10 morts et des centaines de blessés.
Bengaluru: Additional security forces deployed across the city to prevent attacks over #CauveryIssue pic.twitter.com/tqvR5yGKE6
— ANI (@ANI) September 12, 2016
Après plusieurs verdicts systématiquement contestés par les différentes parties, la cour suprême a finalement tranché en février 2018. Une haute autorité de gestion de l’eau est créée (CWMA) et chacun des quatre états concernés (le Kerala et Pondichéry en moindre mesure) reçoit un pourcentage fixe de mètres cubes utilisables (55,68 % pour le Tamil Nadu). Personne n’est vraiment satisfait et le conflit est toujours susceptible d’éclater en cas de pénurie d’eau.
Au-delà des questions de justice pour le partage de l’eau se pose la question générale de l’épuisement de cette ressource, avec l’intensification de l’agriculture et l’urbanisation des zones fluviales. Le partage des eaux de la Kaveri est devenu un enjeu entre Bangalore et Chennai qui pompent indirectement l’eau du fleuve pour leurs besoins d’expansion.