Annick est allée dans les Nilgiris, appelées aussi les « collines bleues » en Inde du Sud dans le Tamil Nadu. Là-bas, les plantations de thé sont au cœur de la vie de la région et il est possible d’y plonger pleinement. Récit marquant.
Vivre l’expérience de l’Eco-tourisme en Inde
Eco-tourisme, tourisme solidaire, tourisme responsable, tourisme équitable. Les termes sont nombreux et reçoivent aujourd’hui de plus en plus d’écho. Ils ne couvrent pas exactement les mêmes notions, cependant ils répondent tous à un besoin de voyager autrement. Les motivations sont multiples et complémentaires :
- sortir des sentiers battus
- ne pas se retrouver dans le tourisme de masse
- s’intéresser avant tout aux hommes, et pas uniquement aux monuments et paysages,
- respecter l’environnement en évitant les grands complexes hôteliers et les sites surpeuplés
- contribuer au développement économique de la région visitée et directement de ses habitants
Des initiatives sont souvent mises en avant au Népal, dans l’Inde du Nord, au Kerala, mais le Tamil Nadu voit aussi apparaitre aujourd’hui des solutions touristiques alternatives comme celle menée par Albert dans les montagnes des Nilgiris. Albert est un franco indien, arrivé enfant en France avec sa maman et son jeune frère. Après une carrière en France et à l’international, il décide de rejoindre sa région d’origine et s'installe à Gudalur, petite agglomération à une quarantaine de kilomètres de Ooty, ville d’altitude (à 2200m), connue, entre autres, pour ses légumes.
L’ambition d’Albert est de créer de l’activité économique pour aider des femmes en grandes difficultés, veuves, divorcées, travaillant à la tache dans les plantations de thé. D’un côté, il cherche à développer des emplois par la production de café, thé, miel et épices, labélisés bio et vendus dans le cadre du commerce équitable. De l’autre, faire venir des touristes pour rencontrer ces populations défavorisées. Plusieurs membres de la communauté française de Chennai ont déjà profité de l’offre d’Albert à travers Solidestinations, structure de tourisme solidaire. Parmi eux, Annick Jourdaine. Elle nous raconte.
Au cœur des plantations de thé du Tamil Nadu
« Pour gagner Ooty puis Gudalur, la solution la plus simple est de prendre un autocar de nuit depuis Chennai. Départ 20h, arrivée 6h du matin après un voyage plutôt confortable dans un car couchette, climatisé. L’altitude d’Ooty garantit une température clémente. Albert m’y attend et propose un petit déjeuner avant de gagner Gudalur. La route, sinueuse, longe des forêts d’eucalyptus. Gudalur occupe un fond de vallée ; c’est une petite ville commerçante qui vit de l’économie du thé et des épices. Je loge dans un gite au cœur d’une belle ferme. Le potager est riche en haricots, choux, carottes. Le domaine cultive du café, du thé et des épices (poivre, gingembre, curcuma, cardamome…). Un petit troupeau de vaches et de zébus complète la production. Un lever à 5h30 me permet d’assister à la traite des 3 vaches en lactation. La technique est celle de nos paysans avant la mécanisation. Pendant une grande partie de mon séjour, je suis prise en charge par Bindou et sa famille. Bindou, 38 ans, est veuve avec 2 adolescents. Comme beaucoup de femmes de la région, elle travaille dans les plantations de thé. Elle est employée à la journée, sans garantie de revenu, payée en fonction du poids récolté. Elle m’accueille chez elle pour rencontrer sa famille, ses enfants, sa mère, sa sœur, ses neveux et nièces.
Au total, 13 personnes vivent sous le même toit, dans une maison de moins de 30 m2. 3 pièces : cuisine, chambre avec un grand lit et la télé, pièce multi fonction pour les repas et dormir… Dans cette pièce à vivre, une petite table pour tout équipement. Aux murs, trônent la photo du grand père et des images religieuses. Pour manger, c’est par terre, par roulement. Pour dormir, on sort des nattes en feuilles de palmier. Le dénuement est total et pourtant, j’ai été accueillie comme une princesse. On a chanté, on a dansé, on a mangé et bien ri. La famille m’a fait découvrir les alentours de Gudalur, la rivière boueuse où les femmes viennent laver le linge, les rizières, les plantations de bananes, les champs de gingembre et de curcuma. J’ai eu beaucoup de succès en chantant aux enfants quelques comptines en Français.
« Une immersion réussie d’où l’on revient avec tant de questions… »
Dans ce territoire isolé, l’environnement est splendide. Des champs de thé à perte de vue, abrités par des mimosas en fleur (eh oui comme ceux de notre Riviera) et des eucalyptus, des cours d’eau qui serpentent, des cultures maraichères en terrasse.
Bindou et Albert m’ont également initiée à la production de thé vert. Dans un domaine loué par Albert, j’ai ainsi passé une journée à récolter les premières feuilles tendres sur les arbrisseaux, les trier, les ébouillanter puis les étaler pour un premier séchage. Vient ensuite l’opération la plus délicate, le roulage ; les feuilles sont écrasées et roulées à la main dans des corbeilles en feuilles de cocotier. Le travail demande du temps et de l’énergie. Enfin, le thé est placé en séchoir. J’ai ainsi récupéré le lendemain plus d’un kilo de thé vert, très parfumé, dont je me régale tous les matins.
Autre temps fort de mon séjour : la journée dans une école élémentaire d’un hameau à plus de 2 heures de voiture de Gudalur. La route d’accès est très chaotique, seules des Jeep peuvent l’emprunter. J’ai vu là des familles particulièrement isolées et très pauvres. Même Bindou dit qu’elle ne voudrait pas y vivre. Certaines familles occupent des logements construits du temps des Anglais sans que rien n’ait changé depuis. Pour faire face à la baisse du marché du thé, certains villages développent des cultures vivrières, carottes, choux, betteraves, raves. L’école primaire accueille une quarantaine d’enfants entre 6 et 10 ans, dont les parents travaillent tous dans les plantations de thé. Il s’agit d’une école dite « sociale », dont les deux enseignants sont payés par le gouvernement qui prend en charge également le repas du midi. Albert y apporte régulièrement un soutien financier par l’achat de matériel pédagogique et la fourniture d’un repas amélioré lors de sa visite. Pendant une journée entière, j’ai donc accompagné les enfants dans leurs activités et jeux. Faute de communication orale, les dessins sont de bons moyens d’échange et de partage.
Une immersion dans l'environnement rural indien très réussie, d’où l’on revient avec moult questions, mais aussi de belles images qui restent longtemps dans la tête. Au fait, savez-vous comment font ces femmes qui, sans salle de bain, machine à laver et coiffeur, paraissent toujours pimpantes et coquettes ? Question futile me direz vous, mais on peut aussi parler de dignité et soif de vie.
Pour en savoir plus sur Solidestinations et ses séjours éco-touristiques, visitez leur site ou contactez Albert Kumar Rochet .