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Workers Blood du rappeur Kea Sokun dans le collimateur du ministère de la Culture

VOD Manif de janvier 2014VOD Manif de janvier 2014
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Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 10 janvier 2023, mis à jour le 11 janvier 2023

Le ministère de la Culture a demandé à la police d'empêcher la diffusion d’une vidéo du rappeur Kea Sokun qui parle des manifestations de 2014 dans lesquelles 4 personnes avaient perdu la vie.

 

Le ministère de la Culture a demandé à la police nationale empêcher la diffusion d’une nouvelle vidéo du rappeur Kea Sokun qui réclame justice pour les autorités qui ont tiré et tué au moins quatre travailleurs lors de la répression d'une manifestation sur le boulevard Veng Sreng à Phnom Penh en 2014.

Dans une lettre datée de vendredi, la ministre de la Culture, Phoeurng Sackona, a demandé au chef de la police nationale, Neth Savoeun, de prendre des mesures pour empêcher la diffusion du rap de Sokun "Workers Blood" (Le sang des travailleurs) sur les médias sociaux.

 

Les images de "Workers Blood” 

La dernière chanson de Sokun a été publiée sur Facebook le 3 janvier, à l'occasion du neuvième anniversaire des tirs des autorités sur les travailleurs lors des manifestations en faveur d'une augmentation du salaire minimum. Au moins quatre civils ont été tués, 38 autres ont été blessés et un garçon de 15 ans a disparu, on pense qu'il est mort.

La vidéo reprend d'anciennes images des manifestations de 2014, y compris des reportages de Radio Free Asia, une station américaine : on y voit des foules de gens qui défilent et pleurent ; la police militaire qui descend sur la foule et les complexes d'habitation du boulevard Veng Sreng en tenue anti-émeute ; et des travailleurs en sang emportés par des tuk-tuks, des motos et des civières de fortune.

Dans sa lettre, la ministre demande que des mesures soient prises pour "prévenir les irrégularités potentielles" de la chanson, qui, selon elle, "a un contenu provocateur et incitatif susceptible de provoquer l'insécurité et le désordre social". La lettre mentionne que Sokun a déjà été sanctionné par le ministère de l'intérieur.

 

Kean Sokun, un rapper contestataire

En effet, Sokun, 24 ans, a été condamné à un an de prison en 2020 pour incitation, avec un collaborateur, pour avoir produit une chanson nationaliste où il rappe "stand up", "je suis opposé au dictateur" et "l'autre race empiète”

 

"Workers Blood", qui a été coédité par le groupe de défense des droits des travailleurs Central et l'organisation de défense des droits de l'homme Licadho, avait été vu environ 6 300 fois sur la page Facebook de Central mardi matin.

 

Sur la vidéo, Sokun rappe sur le manque de justice pour les travailleurs qui sont morts et ont disparu dans des "gestes pleins de sang".

"Ces neuf dernières années, ils ont été laissés dans la douleur et la tristesse par des gestes pleins de sang", dit-il dans la chanson.

"Il n'y a aucune information et ils ne savent pas où ils ont déraillé. Il n'y a personne qui sait, et ils attendent la justice depuis neuf ans, ils attendent depuis si longtemps mais personne n'est tenu pour responsable."

Sokun a déclaré à VOD qu'il était au courant de la lettre.

Il a nié les allégations du ministère selon lesquelles il incitait les auditeurs ( à commettre des troubles), mais a ajouté qu'il n'était pas inquiet à ce sujet pour le moment : "Je vais bien, et ici c'est bien, mais je ne sais pas ce qui va se passer".

Depuis sa sortie de prison en 2021, Sokun a travaillé pour Central, et il a précédemment publié un rap soutenu par la Licadho intitulé "Lake of Tears", critiquant la décision de remplir les lacs pour de nouveaux développements immobiliers au détriment des résidents et de l'environnement.

 

Des dirigeants d’ONG interrogés par la police.

Hier Lundi, Am Sam Ath, directeur des opérations de Licadho, a été interrogé lundi par l'unité de cybercriminalité de la police municipale de Phnom Penh. Am Sam Ath a déclaré qu'on lui avait demandé où l'ONG avait obtenu les images et les vidéos du clip, et que des fonctionnaires de police avaient demandé à l'ONG de retirer la vidéo.

il a déclaré que la vidéo n'avait pas pour but d'inciter et que l'ONG ne veut pas que des violences comme celles qui ont été vues en 2014 se répètent.

"Nous ne soutenons pas les événements violents. C'est pourquoi nous demandons à ce que cela ne se reproduise plus, ce qui signifie que nous ne soutenons pas la violence, quel que soit le parti qui la commet", a-t-il déclaré.

Sam Ath a ajouté que seul le comité de gestion de la Licadho dans son ensemble pouvait décider de retirer la vidéo.

 

En dehors de Sam Ath, VOD a vu des lettres de convocation pour trois autres leaders de la société civile : Moeun Tola, qui dirige Central ; Vorn Pov, président de l'association de travailleurs informels IDEA ; et Theng Savoeun, leader de la Coalition de la communauté des agriculteurs cambodgiens.

Tola et Pov sont convoqués mardi, et il est prévu que Savoeun soit interrogé mercredi.

Tola a déclaré qu'il se présenterait mardi, mais qu'il ne savait pas quelles questions la police lui poserait.

"On se souvient que cela fait neuf ans que les violences ont eu lieu. ... Je vais attendre et voir ce que la police veut savoir à ce sujet", a-t-il déclaré dans de brefs commentaires.

 

San Sokseyha, porte-parole de la police municipale de Phnom Penh, a déclaré que le ministère de la Culture avait demandé à la police d'examiner la vidéo en raison de ses paroles incendiaires. Il a confirmé que quatre personnes avaient été convoquées.

 

"Nous venons de le convoquer, de l'interroger et de le conseiller à ce sujet afin d'éviter [les problèmes], comme l'a déclaré le ministère, que [la vidéo] peut provoquer et inciter, ce qui pourrait affecter la sécurité et l'ordre public", a-t-il déclaré.

Nhim Sokhorn

avec des informations complémentaires apportées par Mech Dara

Avec l'aimable autorisation de VOD, qui a permis de traduire cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.

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