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​Un sculpteur français naturaliste, Cyril Berthet, s'implante au Cambodge

L'Exposition artistique EKARIEACH 24 vient de prendre place dans la Galerie d'Art de l'Hotel Sofitel Phnom Penh Phokeethra. Dans le lobby de ce grand établissement s'installait une structure imposante alors que le Petit Journal venait découvrir cet évènement attendu. Il s'agissait d'une oeuvre en compétition dont l'auteur, Français, était présent, Cyril Berthet. 

 Cyril Berthet sculpteur  Cyril Berthet sculpteur
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 11 janvier 2025

Nous lui avons posé quelques questions sur cette oeuvre et surtout nous avons découvert un artiste original établi au Cambodge depuis quelques années :

LePetitJournal - C'est impressionnant, Cyril, de voir dix personnes soulever un lourd "machin" sur socle métallique qui prend position et prend forme, sous votre direction, et devient une sculpture en compétition. Pouvez-vous nous parler de l'œuvre que vous présentez et quelle en est son inspiration ?

Cyril  Berthet - L'an dernier, j'avais travaillé une sculpture sur base de pierre. Cette année je présente une composition de travail du bois. C'est une pluri-métaphore qui évoque l’eau sous différentes formes. L'oeuvre s'appelle "Stalact" et mesure plus de trois mètres de haut. Elle évoque par des bois effilés verticaux (ma petite entreprise s'appelle d'ailleurs Vertic'All !) un parcours naturel de l'eau, les traces du passage de l'eau et bien d’autres choses que je vous laisse découvrir. Chacun y voit ce qu'il voit.

LPJ - Vous n'avez donc pas été géné par le thème du concours qui était "l'eau" cette année ?

CB - Non. J'ai conçu un projet qui devienne une célébration de l’élément "H2O" mais aussi, en quelque sorte, une réflexion à la fois sur le mouvement perpétuel et sur l’impermanence de toute chose ici bas.

LPJ - L'impermanence c'est d'inspiration bouddhiste. D'ou venez-vous ?

CB - Je suis originaire de la région Lyonnaise où j’ai passé une partie de ma jeunesse. Mes domaines d'activités ont toujours, eux, un lien étroit avec la nature. Depuis mon enfance, j’avais des envies de créer, d’assembler les matériaux, la mode était alors inspirante, je l’avoue. Le passage à l’acte s’est fait vers l’âge de 30 ans grâce à une amie artiste et aussi du fait de m’octroyer du temps pour me lancer dans cette "envie de créer" qui sommeillait en moi. J’avais eu également la chance de partager ma passion de la sculpture en donnant des cours de modelage au sein d’une association pendant près de 5 ans.

LPJ - Qu'est-ce qui vous a poussé à vous installer au Cambodge et comment cette expérience a-t-elle influencé votre art ?

CB - Depuis toujours je voulais avoir une expérience de vie à l’étranger, sans doute poussé par la curiosité de découvrir d’autres cultures, je pense qu’il est nécessaire parfois de sortir de sa zone de confort. J'ai pris la décision il y a six ans de partir. Départ qui demande un certain renoncement, je dirais, mais aussi un enrichissement personnel immédiat sans aucun doute.

En partant je ne savais pas ce que j’allais trouver sur mon chemin et encore moins combien de temps j’allais rester en quête. Et puis, il y a le "lacher prise" qui fait du bien et encourage à travailler, à imaginer, à créer au contact du concret et des besoins de la vie quotidienne et j’ai, après quelques expériences, décidé de m’installer durablement à Siem Reap.

LPJ. Comment décririez-vous votre style de sculpture et quels matériaux préférez-vous utiliser ?

CB - Mes matériaux de prédilection sont la pierre, le bois, le métal, le verre qui est hélas très contraignant techniquement, et énergivore, sans oublier le modelage sur terre qui est un matériau aux propriétés extraordinaires.

Mon inspiration s'appuie toujours sur la nature - je dessine aussi des jardins - et mes sculptures sont figuratives, stylisées, souvent abstraites, elles comportent parfois plusieurs “clef de lecture”. J’aime l’idée de donner envie au public de vouloir toucher les pièces. Le toucher est aussi un excellent moyen de découvrir la sculpture.

2025 aura été l’année pendant laquelle j’ai produit mes deux plus grandes pièces. La première “Identities” se trouve exposée au Sofitel de Siem Reap et la seconde “Stalact” est donc au Sofitel de Phnom Penh au centre du lobby pour deux ou trois mois.

LPJ - Quel message ou quelle émotion souhaitez-vous transmettre à travers la sculpture "Stalact" ?

CB - Emotion est ici le mot juste en effet, mon approche de la sculpture se veux hétérogène tout d’abord, que l’on parle ici des matériaux ou bien des sujets traités. J'attends un effet Whaouhh peut-être sans me l'avouer. Une émotion, une réflexion, une envie...

Mes créations figuratives sont plutôt rares. L’abstrait me donne un sentiment de liberté assez grisant je dois dire. C’est plus qu’un choix, c’est une nécessité. J’ai l’idée que le spectateur soit interloqué, curieux et pensif. L’émotion, quelle qu’elle soit, m’intéresse plus que de convaincre les gens d'y voir la même chose que moi.

J'aime que l'expression artistique soit une proposition, une ouverture au dialogue, rapprochant les gens pas leur sensibilité plus que par l’évidence. Si tout le monde est déjà d’accord , alors de quoi allons-nous parler ?

 

Sculpture de Cyril Berthet Stalact
Stalact dans le lobby du Sofitel

LPJ - Au Cambodge la sculpture c'est culturel et ça veut dire transmission. Alors, un créateur étranger résident est-il inspiré par des éléments culturels cambodgiens ?

CB - “Stalact” est en fait le diminutif du mot "stalactite", la formation géologique créée par des sédiments transportés par l’eau. J'ignore si l’on trouve des stalactites au Cambodge mais j’ai trouvé intéressant de parler de l’eau à travers le minéral.

Les formes comme les Kabachs, en khmer ក្បាច់ , utilisées en architecture, m’inspirent pour leur lignes courbes, ce sont des formes qui restent relativement abstraites à mes yeux. Le Cambodge m’inspire énormément mais je ne m’approprie pas la culture, je l’apprécie. J’en accepte et accepterai volontiers l’influence et, peut être qu’avec le temps, mon travail s’en ressentira un peu plus...

LPJ - Revenons à votre démarche -  Quels sont vos principaux projets ?

CB - D’une manière générale, je choisis des éléments naturels et nobles, tels que le bois et la pierre. Le Cambodge m’offre aujourd’hui une chance immense de pouvoir travailler de superbes essences de bois. Je travaille sur diverses parties de l’arbre. Celles qui ne peuvent être valorisées dans la construction ou dans l’ameublement, souvent des morceaux n’intéressent pas les artisans car ils présentent des défauts ou sont tout simplement trop petits.

Les éléments naturels m’ont toujours attiré à la fois pour leurs aspects, leurs propriétés, pour des raisons de simplicité mais particulièrement pour des raisons écologiques. De plus les matériaux composites sont souvent nocifs. 

Néanmoins, j'aimerais revenir un jour au bronze que j'ai travaillé en France.

Sinon en ce moment, côté création, je suis en train de commencer à concevoir deux séries de sculptures, notamment sur les thèmes du cheval.

LPJ - Avez-vous l'occasion de collaborer avec d'autres artistes cambodgiens ? 

CB - Je n’ai pas encore eu l’occasion de collaborer avec un artiste cambodgien. Cependant, maintenant que je suis installé et que je commence à connaitre d’autres créateurs, c’est quelque chose que je vais mettre en place prochainement. Je travaille d'ailleurs à l’idée d’une résidence d’artistes pour 2025 à Siem Reap.

J’aimerais aussi organiser un évènement artistique à Siem Reap. j’espère que mes idées aboutiront sur ce sujet.

LPJ -   Comment passez vous de l'idée créatrice à la réalisation d'une sculpture ?

CB - En fait, les idées viennent de différentes façons, soit par l’envie de traiter un sujet en particulier, soit l’inspiration de formes que je trouve attirantes, intéressantes à traiter. Cela peut aussi tout simplement venir du matériau brut lui-même, il n’est pas rare que dans un bloc de pierre ou un morceau de bois je vois des formes à révéler. C’est d’ailleurs un moment que je trouve très intime et privilégié.

Ou bien encore une texture, un élément d’architecture peut aussi être ma source d’inspiration mais ce que je préfère par dessus tout c’est exprimer un sentiment, quelque chose d’impalpable, quelque chose qui n’a à l’origine ni forme ni couleur. Et en faire quelque chose qui communique.

LPJ - Y a-t-il des artistes qui vous inspirent particulièrement ou faites-vous de... l'Art Contemporain ?

CB - Oui bien entendu certains mouvements artistiques me parlent plus que d’autre. 

Je suis venu à la sculpture par goût personnel ; cependant certains artistes m’inspirent toujours aujourd’hui. C’est un grand plaisir de savoir que quelqu’un à réalisé une œuvre dont les formes me parlent au point de vouloir m’en inspirer, cela me donne la sensation d’entrer en contact direct avec cette personne sans même lui avoir parlé.

J’aurais vraiment aimé partager le même atelier avec Constantin Brâncuși, Louise Bourgeois ou même me balader en foret avec un artiste comme Andy Goldsworthy que j’aimerais beaucoup rencontrer.

Ce dernier à une approche on ne peut plus épurée et un profond respect pour la nature, c’est au travers du travail d’Andy Goldsworthy que j’ai découvert le Land Art.

Mais bon, ce que je fais c'est ici et maintenant. Parfois pour un jardin, pour un concours, pour mon plaisir.

LPJ - Et alors, ici au Cambodge, quel rôle pensez-vous que l'art joue dans la société cambodgienne d'aujourd'hui ?

CB - D’une manière générale, l’art est très présent dans la société cambodgienne, à plusieurs niveaux. Même si c'est bienvenu qu'il y ait des encouragements pour la nouvelle génération qui peut manquer de références ou d'ouverture sur d'autres cultures.

L’art est selon moi un moyen de proposer, de partager une vision en quelque sorte c’est faire voyager le spectateur khmer dans un monde, le sien ou celui de l'artiste.

Une évasion vers l’imaginaire, c’est un moyen d’expression dont la société moderne ne se passera pas, l’expression artistique ne disparaitra pas totalement au détriment de l’IA je pense, bien au contraire. Je ne dis pas que cela ne changera rien, je suis convaincu que l’homme aura toujours ce besoin de créer.

Merci Cyril - la rédaction vous souhaite bonne chance pour un Prix Ekarieach 24 et pour la suite de vos nombreux projets en 2025.

JM

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