Le Barrio a fermé ses portes avec l’arrivée de la nouvelle année. Ouvert en 2000, c’était l’un des plus anciens établissements français de Siem Reap. Plus qu’un restaurant c’était une institution.
Le petit journal du Cambodge est allé à la rencontre de Patrick Colenthier qui goûte maintenant un repos bien mérité. La crise actuelle a mis un point final à une aventure de vingt ans.
Nous nous retrouvons, pour la première fois dans un café qui n’est pas le sien. Il s’assoit à ma table, lui que je n’ai jamais connu que debout en train de servir ses clients. Il a toujours sa bonne humeur et son regard vif qui scrute son environnement, vieux réflexe de quelqu’un qui veillait toujours à ce que ses clients ne manquent de rien.
Patrick, comment êtes-vous arrivé au Cambodge ?
Le Cambodge c’était un rêve, depuis toujours ou presque.
Je suis tombé amoureux du Cambodge en même temps que de ma femme en 1978. On peut dire que je vis au milieu de Cambodgiens depuis. Réfugiée, elle venait d’arriver en France. Elle a su me transmettre l’amour de son pays qui à l’époque nous était inaccessible. J’ai dû attendre 1994 pour entreprendre mon premier voyage. Un voyage magnifique, même s’il n’a duré que dix jours.
Quelle émotion quand j’ai rencontré ma belle-famille. Je ne pouvais même pas parler tellement je pleurais.
Nous avons fait une première tentative d’installation en 1997, qui a échoué à cause du coup d’état et c’est en 2000 que nous sommes revenus pour de bon.
Quand le Barrio a-t-il ouvert?
En arrivant, j’ai d’abord travaillé dans un hôtel. Mais j’ai bien vite eu la volonté de monter mon propre restaurant. Le Barrio devait être à l’origine un bar à tapas, avec une ambiance latino, d’où le nom. Mais la clientèle n’était pas prête … On me demandait de la cuisine traditionnelle Française.
Je me suis alors installé sur Sivatha. Il faut dire qu’à l’époque Sivatha était une rue certes déjà goudronnée mais complètement défoncée et pas éclairée la nuit. Il y avait de grands arbres magnifiques qui ont été coupés ensuite. On peut dire qu’à l’époque cette partie de Sivatha n’était déjà plus vraiment la ville. J’y suis resté jusqu’en 2012 puis je me suis installé sur Wat Bo.
A l’époque il y avait peu de Français et peu de restaurants non plus. Mais, même s’il y avait moins de monde, on travaillait mieux. Il y avait plus d’expatriés, c’est-à-dire des français travaillant pour des compagnies françaises, des ONG qui leur payaient leur logement, l’assurance, la scolarité de leurs enfants. Certains travaillaient en chine, en Thaïlande, à Singapour… Ils visitaient Siem Reap pendant leurs vacances et venaient au Barrio faire la fête.
Aujourd’hui les compagnies privilégient le télétravail et envoient leurs salariés in situ que deux à trois fois par an.
D’où vient le succès de Barrio ?
De mon équipe d’abord je pense. Des gens formidables que j’ai formés et avec qui je travaillais depuis le début. Ma cuisinière par exemple travaillait déjà avec moi avant l’ouverture du Barrio.
J’ai une formation initiale de sommelier. J’ai appris les métiers de la restauration sur le tas, notamment au pub St Germain à Paris au carrefour de l’Odéon. C’était à l’époque, le plus grand pub d’Europe ouvert 24/24. J’y ai travaillé la nuit pendant quinze ans, en occupant différentes fonctions.
La clé de la réussite selon moi est de prendre son travail au sérieux, d’être présent malade ou pas. L’amour pour ses clients aussi est très important. Quand on leur prépare à manger il faut le faire comme on le ferait pour des amis. Et enfin l’accueil. Avoir une oreille pour chacun tout en restant à distance des affaires. Un barman se doit d’entendre, pas d’écouter.
Qu’allez-vous faire maintenant ?
Maintenant je vais m’occuper de mes enfants, les voir grandir. Je vais tâcher de faire des choses que je ne faisais pas. M’acheter un vélo et aller me balader par exemple. Je vais pouvoir prendre le temps. Pour l’instant je décompresse.
Je ne sais pas de quoi l’avenir de Siem Reap sera fait par contre. La ville change et change vite.
Toutefois, je pense qu’il n’y aura plus cette ambiance de village comme avant.
Toute l’équipe de LPJ se joint à moi pour vous souhaiter une bonne retraite et pour longtemps. Merci d’avoir su créer à Siem Reap un endroit chaleureux et convivial dans lequel on se sentait accueilli avec une vraie chaleur humaine.