Le grand maître San Kim Sean est décédé le 3 juin 2025 à l’âge de 80 ans, des suites d’une crise cardiaque. Fondateur de la Cambodia Bokator Federation, il avait consacré sa vie à la transmission du bokator, art martial khmer qu’il considérait comme « plus ancien que l’époque angkorienne ».


Né en 1945 à Phnom Penh, il découvre le bokator dès l’enfance. « Je ne sais pas si c’était mon destin, mais enfant, j’aimais déjà me battre pour jouer », racontait-il dans une interview accordée au journaliste Ky Soklim en 2021. À 13 ans, il commence l’apprentissage de cette discipline auprès de son oncle adoptif Khem Leak, issu d’une lignée d’artistes martiaux du district de Moung Ruessei, dans la province de Pursat.
Un art enraciné dans l’histoire
Pour San Kim Sean, le bokator plongeait ses racines dans la préhistoire khmère. Il se référait notamment aux bas-reliefs d’Angkor : « Les sculpteurs étaient eux-mêmes des combattants, sinon ils n’auraient pas pu représenter ces gestes. » Selon lui, le bokator s’inspire des mouvements d’animaux — le lion, le serpent — mais aussi de la nature : « Des plantes aussi. Il s’agit de mouvements de survie. »
Une reconstruction après l’exil
Fuyant le régime des Khmers rouges, San Kim Sean s’était exilé aux États-Unis où il enseigna les arts martiaux. Il y développa notamment le hapkido, qu’il avait introduit au Cambodge dès 1969. Il revint au pays en 1992 avec une mission : reconstruire le bokator.
Il retrouva les maîtres survivants, structura l’enseignement, et mit en place un système de krama — foulards traditionnels de couleur marquant les niveaux, avec le doré pour les grands maîtres. « Il y a des milliers de techniques. Personne ne les connaît toutes », expliquait-il.
Transmettre, former, reconnaître
San Kim Sean avait formé des milliers d’élèves à travers le Cambodge. Une association était active dans sept provinces, avec le soutien du ministère de la Culture. L’objectif : intégrer le bokator dans le système éducatif. « À Kampong Chhnang, il y a une école primaire qui l’enseigne déjà. »
Il militait pour la reconnaissance internationale du bokator. « Nous avons présenté notre art à l’Union mondiale des arts martiaux à Chungju (Corée du Sud) en 2009, et tenu des séminaires aux États-Unis, au Japon ou encore en France. »
Son combat aboutit : le bokator fut inscrit aux Jeux d’Asie du Sud-Est (SEA Games) en 2023, et reconnu en 2022 par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Une promesse tenue
Malgré les difficultés, il resta fidèle à sa mission : « Faire flotter le drapeau cambodgien et celui de la Fédération sur la scène internationale jusqu’au jour où je fermerai les yeux. »
Ce jour est venu. Mais grâce à lui, le bokator vit toujours, transmis, pratiqué, honoré. Le Cambodge perd un maître, mais gagne un héritage.
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