Alors qu'aux États-Unis et en Europe, plusieurs élus veulent bannir Tik Tok de leur espace numérique au motif que le réseau social chinois collecterait des informations sur ses utilisateurs au profit du gouvernement de Pékin, il est désormais évident que ces réseaux sociaux s'imposent chaque jour un peu plus comme des portes d'entrée majeures pour les contenus d'information.
Le 2023 Digital News Report du Reuters Institute a souligné que les contenus vidéo distribués par des réseaux tels que Tik Tok, Instagram et YouTube sont des vecteurs de plus en plus importants pour les informations d'actualité, en particulier dans certains pays en développement. En outre, l'étude montre que les jeunes du monde entier accordent de plus en plus d'attention aux influenceurs et de moins en moins aux journalistes et aux médias d'information traditionnels.
Cependant, pour les réseaux sociaux, l'information n'est qu'un moyen de gagner de l'argent. Chaque réseau tente de monopoliser l'attention du public pour augmenter ses revenus publicitaires. Pour l’actualité, cela revient à aligner les nouvelles en fonction de leurs potentialités économiques, les algorithmes augmentant la diffusion des nouvelles susceptibles d'attirer l'attention.
Aujourd'hui, les articles d'opinion, les informations sérieuses et la désinformation se retrouvent mélangés et gérés par les algorithmes ; il n'y a plus de hiérarchisation ni de distinction des contenus. C'est un véritable défi pour les journalistes car cela crée beaucoup de confusion.
En outre, le public peut influencer le contenu et la diffusion de l'information. Autrefois, un événement donnait lieu à la production d'informations par des journalistes professionnels, qui étaient ensuite relayées dans la sphère publique. Avec les réseaux sociaux, tout ce système s'effondre puisque le public peut influencer la diffusion en partageant par exemple l'information, et même influencer la production en postant sur les réseaux des éléments d'information qui peuvent être repris par les journalistes.
Ainsi, les journalistes se retrouvent désormais en "concurrence" avec les influenceurs sur les réseaux sociaux. À l'heure où la crédibilité des médias traditionnels s'effrite aux yeux du public, les professionnels de l'information doivent non seulement maintenir la qualité et l'objectivité de leur travail, mais aussi trouver des moyens innovants d'impliquer le public qui privilégie désormais d'autres sources d'information.
Il est désormais absolument essentiel que les journalistes affirment leur rôle et leur responsabilité dans l'établissement d'une relation de confiance avec les personnes dans ce nouvel espace public. Cela implique de rappeler constamment ce qu'est l'information et la différence entre une information et un message. La différence est assez simple : on considère que, pour devenir une véritable information, un message doit être vérifié, indépendant et que son auteur doit être responsable de sa production.
Il semble également essentiel que les médias ne participent pas à ce mouvement provoqué par les réseaux sociaux, qui épuise le public et le pousse à ne plus chercher l'information. Il est du devoir des journalistes de ralentir, d'expliquer et de permettre aux gens de prendre le recul nécessaire pour comprendre le monde qui les entoure.
L'information est par essence un progrès pour l'être humain car elle renforce sa capacité d'action. Au niveau individuel, elle nous permet de nous situer par rapport au monde et nous donne les outils pour agir en tant que personnes. Au niveau communautaire, elle structure l'espace public et façonne l'agenda politique.
Les journalistes trient les événements pour mettre en évidence ce qui semble important pour la communauté. Ils ouvrent ainsi la discussion qui permet ensuite aux pouvoirs publics de s'organiser autour d'un certain nombre de propositions ou de thèmes.
Aujourd'hui, alors que la prolifération des messages rend plus difficile la transmission de l'information, les médias doivent faire un travail supplémentaire, après la publication de l'information, pour que celle-ci parvienne au public dans ce monde de surabondance où règnent les algorithmes.
Avec l'aimable autorisation de Cambodianess, qui a permis de traduire cet article et ainsi de le rendre accessible au lectorat francophone.