Certains prennent note, d’autres félicitent, d’autres condamnent, d’autres encore sont préoccupés mais continuent à financer.
Les premiers résultats attribuent au Parti du peuple cambodgien (PPC) 120 des 125 sièges disponibles à l’Assemblée Nationale cambodgienne. Le PPC au pouvoir depuis longtemps s’est félicité lundi de sa victoire écrasante en y voyant un mandat clair pour les cinq prochaines années.
Avant les élections de dimanche, le successeur officieux du CNRP, connu sous le nom de Candlelight Party, s'est vu interdit de se présenter par la Commission électorale nationale pour des raisons administratives.
Déjà en 2013, les résultats du Parti du sauvetage national du Cambodge mené par Sam Rainsy avaient inquiété le PPC. Hun Sen avait réagi en s'en prenant aux dirigeants de l'opposition, et les tribunaux du pays ont fini par dissoudre le parti. Sans opposition crédible, les élections de dimanche semblaient donc courues d'avance.
Les réactions internationales face au élections Cambodgiennes
Les réactions des différents pays semblent dépendre de leur propre définition interne de la démocratie. Dans l’ensemble les relations profondes qu’ils entretiennent avec le Cambodge ne vont pas être chamboulées.
La condamnation américaine
"Les autorités cambodgiennes se sont livrées à un ensemble de menaces et de harcèlements à l'encontre de l'opposition politique, des médias et de la société civile, qui vont à l'encontre de l'esprit de la constitution du pays et des obligations internationales du Cambodge", a signalé Matthew Miller, porte-parole du département d'État, le 23 juillet dernier.
En conséquence le département d'État américain a déclaré avoir "pris des mesures" pour imposer des restrictions en matière de visas "aux personnes qui ont sapé la démocratie et mis en œuvre une pause aux programmes d'aide à l'étranger", après avoir déterminé que les élections n'étaient "ni libres ni équitables".
Michael Greenwald, porte-parole de l'ambassade des États-Unis à Phnom Penh, a quant à lui déclaré lundi que les restrictions concerneraient les personnes impliquées dans "la menace et le harcèlement de l'opposition politique, des médias et de la société civile". Mais, il n'a pas précisé de qui il s'agissait, ni de leur nombre.
Le département d'État, qui est chargé des relations internationales, a exhorté le PPC à utiliser son nouveau mandat pour restaurer une "véritable démocratie multipartite".
Le groupe régional de défense des droits de l'homme des parlementaires de l’ASEAN
Le groupe régional de défense des droits de l'homme des parlementaires de l’ASEAN a appelé toutes les démocraties à dénoncer les élections.
Eva Kusuma Sundari, ancienne députée indonésienne a déclaré que : “nous devons faire pression sur le gouvernement cambodgien pour qu'il mette fin à toutes les formes de persécution politique et qu'il libère immédiatement et sans condition les prisonniers politiques". Elle poursuit en déclarant “ qu’une enquête indépendante doit être menée sur les violations des droits de l'homme et les irrégularités électorales, afin de garantir l'obligation de rendre des comptes”.
La position française
Sur le site du Quai d'Orsay on peut lire le communiqué suivant :
“La France prend note du résultat des élections législatives qui viennent de se tenir au Cambodge. Elle regrette que ces élections se soient déroulées en l’absence du principal parti d’opposition, le parti de la Bougie, qui n’a pas été autorisé à s’enregistrer pour participer au scrutin, ce qui a porté atteinte au caractère pluraliste du scrutin.Nous appelons à la libération des membres de l’opposition en détention et exhortons les autorités cambodgiennes à respecter, conformément aux dispositions des Accords de Paris de 1991 et de la Constitution cambodgienne, les droits fondamentaux nécessaires au rétablissement de la démocratie."
La réaction australienne
Certaines des critiques les plus sévères des élections sont venues de l'ancien premier ministre australien, Gareth Evans, qui a déclaré à Radio Free Asia lors d'une interview la semaine dernière que l'interdiction du Candlelight Party était "éhontée, honteuse, indéfendable". Deux jours avant les élections, les expatriés cambodgiens se sont rassemblés à Melbourne pour protester contre le "simulacre" d’élection.
L'ambassadeur australien Justin Whyatt a tweeté une déclaration faisant état des "graves préoccupations" de l'ambassade concernant les élections. Toutefois, selon un communiqué de presse du ministère cambodgien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, ces « graves préoccupations » n'empêcheront pas l’Australie d'octroyer au Cambodge 83,6 millions de dollars australiens comme aide publique au développement en 2023-24. En 2022-2023, le montant de l’Aide fournie par l'Australie était de 80,8 millions d’AUD.
Alors que beaucoup de gouvernements occidentaux ont critiqué les élections, d’autres ont félicité le Cambodge pour leur bonne tenue.
Les félicitation russes, chinoise et vietnamiennes
Anatoly Borovik, ambassadeur de Russie au Cambodge, a félicité la démocratie cambodgienne, tweetant que la Russie "salue les élections libres et indépendantes au Cambodge" lundi. Le tweet précise qu'aucune violation n'a été constatée.
Le président chinois Xi Jinping et le premier ministre chinois Li Qiang ont également félicité "chaleureusement" le premier ministre Hun Sen pour la victoire de son parti.
“Il est bon de voir que le Cambodge, sous la direction correcte du gouvernement royal, a atteint la stabilité politique, le développement économique et un meilleur niveau de vie, tandis que le statut international et régional du pays a été continuellement promu”, a déclaré M. Xi dans des propos repris par l’agence XinHua.
“La Chine soutiendra toujours le Cambodge dans la poursuite d'une voie de développement adaptée à ses conditions nationales”, a poursuivi le président chinois.
Le Vietnam, pays voisin du Cambodge, complimente aussi le gouvernement cambodgien pour la bonne tenue de ces élections. Mme Pham Thu Hang, porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères précise :
« En tant que pays voisin du Cambodge et membre de l'ASEAN, le Vietnam souhaite toujours au Cambodge la paix, la stabilité et le développement prospère et que l'amitié et la coopération intégrale entre le Vietnam et le Cambodge se développent de plus en plus, au profit des deux peuples, pour la paix, la stabilité, la coopération et le développement dans la région et le monde”.
Le gouvernement cambodgien balaie les critiques
La réactions cambodgiennes aux critiques étrangères s’est fait entendre par la voix du secrétaire d’état Eng Kokthay dont le Khmer times a publié une tribune.
Selon lui, les élections se sont déroulées de manière “transparente” et “responsable”, garantissant le droit du peuple cambodgien à voter librement et volontairement. D’ailleurs le taux de participation avoisinant les 84% a été remarquable, démontrant le fort désir de la population d'exercer ses droits démocratiques.
Il souligne que le processus électoral a été étroitement surveillé par des observateurs nationaux et internationaux, des chefs d'État, des parlementaires, des experts, des médias etc…
L'article du Khmer Times invite la communauté internationale à s'abstenir de toute ingérence indue dans les affaires du pays. Et demande le respect envers la souveraineté cambodgienne.
Maintenant que ces élections sont passées, chacun ici n’a de regard que sur le processus de succession annoncée. Le premier ministre Hun Sen ayant déjà proposé son fils comme successeur. Choix validé par le parti. Il ne reste plus qu'à savoir maintenant deux choses: quand et comment se fera la passation de pouvoirs d’une part, et d’autre part en quoi le style du fils sera identique ou différent de celui du père.