Les combats se poursuivent à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande malgré les appels internationaux à la retenue. Les accusations se multiplient, tandis que les déplacements de civils s’aggravent.


Les combats le long de la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande se poursuivaient mercredi, malgré de nouveaux appels internationaux à la désescalade. Bruxelles, Washington, l’ASEAN et plusieurs capitales étrangères ont exhorté les deux pays à faire preuve de retenue, alors que Phnom Penh et Bangkok continuent de s’accuser mutuellement d’attaques militaires.
En début de soirée, la vice-présidente de la Commission européenne, Kaja Kallas, a déclaré que le conflit ne devait pas « s’envenimer davantage ». « Je continuerai à m’engager pour sortir de ce cycle d’escalade », a-t-elle affirmé, évoquant la possibilité pour l’Union européenne de fournir des images satellites afin de surveiller un éventuel cessez-le-feu. Elle a indiqué avoir transmis ce message plus tôt dans la journée aux ministres des Affaires étrangères cambodgien et thaïlandais.
Nouvelles accusations de frappes côté cambodgien
Dans un communiqué publié en début de soirée, le ministère cambodgien de la Défense a affirmé que l’armée thaïlandaise avait poursuivi ses tirs sur le territoire cambodgien entre 4 h 45 et 15 h mercredi. Selon Phnom Penh, plusieurs zones des provinces d’Oddar Meanchey et de Preah Vihear auraient été visées, notamment Koul 8, Ta Krabei, le temple de Preah Vihear, Choam Te, Ta Sim et la colline 333.
Dans les provinces de Banteay Meanchey et de Pursat, les autorités cambodgiennes accusent les forces thaïlandaises d’avoir attaqué les villages de Prey Chan et Chouk Chey entre 8 h et 15 h, à l’aide d’artillerie de chars, de drones et de ce qu’elles qualifient de « gaz toxique », une expression déjà utilisée lors de précédents communiqués évoquant des « fumées toxiques ». Des bombardements par drones et des tirs d’artillerie auraient également visé la zone d’O’Phlork Domrei jusqu’en fin d’après-midi.
Le ministère de la Défense accuse la Thaïlande d’avoir déployé des armes lourdes, des avions de chasse F-16, des lance-roquettes DTI-2, des munitions à fragmentation et des gaz toxiques, ainsi que d’avoir massé un nombre important de troupes. Phnom Penh estime que ces actions constituent une violation de la Charte des Nations unies, de la Charte de l’ASEAN et du droit international.
« De telles actions constituent une menace grave pour la paix et la stabilité régionales. Nous exhortons la Thaïlande à cesser toute agression et à mettre fin aux attaques indiscriminées contre les civils, les infrastructures civiles et les sites historiques », a déclaré la porte-parole du ministère de la Défense, Maly Socheata.
Mobilisation diplomatique régionale et internationale
Plus tôt dans l’après-midi, le ministère cambodgien des Affaires étrangères a indiqué que la Malaisie, plusieurs États membres de l’ASEAN, les États-Unis, la Chine, la France, le Canada, la Corée du Sud, le secrétaire général des Nations unies et l’Union européenne avaient appelé les deux pays à la retenue, à la protection des civils et à un retour aux négociations.
« Le Cambodge exprime sa profonde reconnaissance pour tous les appels en faveur d’un retour sur la voie de la paix. Le Cambodge reste attaché à un règlement pacifique du différend avec la Thaïlande, de bonne foi et dans le plein respect du droit international », a déclaré le ministère, réaffirmant son attachement à la Déclaration conjointe de Kuala Lumpur.
Déplacements massifs de population et mesures de sécurité à Phnom Penh
Selon le ministère cambodgien de l’Information, environ 134 668 familles, soit 447 509 personnes, ont été déplacées au Cambodge en raison des affrontements frontaliers et se sont réfugiées dans des camps répartis dans huit provinces. La Thaïlande a, de son côté, fait état d’au moins 263 285 personnes déplacées dans les zones frontalières.

À Phnom Penh, la municipalité a annoncé mercredi l’interdiction totale de l’usage des drones dans la capitale, invoquant des impératifs de sécurité et d’ordre public dans le contexte du conflit. Toute utilisation non autorisée pourra donner lieu à des poursuites, et les habitants sont appelés à signaler toute activité suspecte aux autorités.
Versions contradictoires des combats
Maly Socheata a par ailleurs affirmé que les attaques continuaient de toucher des civils. Selon Phnom Penh, 17 civils, dont un nourrisson, ont été tués depuis la reprise des affrontements ce mois-ci, et 77 autres ont été blessés.
La Thaïlande conteste cette version. Son ministère de la Défense affirme que les forces cambodgiennes ont lancé des attaques sur le territoire thaïlandais mardi, poussant Bangkok à riposter en état de légitime défense. Selon le porte-parole thaïlandais, des roquettes BM-21 auraient été tirées par les forces cambodgiennes sur des positions thaïlandaises, et des combats auraient eu lieu autour du temple de Ta Kwai, appelé Ta Krabei par le Cambodge, que la Thaïlande affirme désormais contrôler.
Bangkok a, de son côté, fait état de 15 civils tués et de six blessés depuis le début des affrontements.
Tensions économiques et restrictions sur le carburant
Dans ce contexte, la Thaïlande a annoncé mardi la suspension de certaines livraisons de carburant et de marchandises à destination du Cambodge, en bloquant des acheminements via un point de passage frontalier avec le Laos et en imposant de nouvelles restrictions maritimes. Ces mesures ont suscité des inquiétudes au sein des chambres de commerce européennes et américaines au Cambodge, qui redoutent des perturbations des chaînes d’approvisionnement.
Les autorités thaïlandaises justifient ces décisions par des informations selon lesquelles des carburants seraient détournés vers le Cambodge dans le cadre du conflit. La marine thaïlandaise a toutefois précisé que ces restrictions ne constituent pas un blocus total et ne concernent pas les navires battant pavillon d’autres pays.
De son côté, le Cambodge avait déjà interdit plus tôt cette année l’importation de carburants et de certains produits thaïlandais lors d’un précédent pic de tensions.
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