La suppression des privilèges du Cambodge dans le cadre de l'initiative "Tout sauf les armes" (TSA), officiellement imposée à un cinquième de ses exportations vers l'UE à compter du 12 août, coûtera au secteur crucial des exportations des centaines de millions de dollars en ventes perdues.
En tant que premier importateur de produits manufacturés du Cambodge, l'UE a joué un rôle majeur dans le développement du secteur de l'habillement du pays, qui représente 10 milliards de dollars US, un moteur essentiel de la croissance économique et qui emploie environ 900 000 travailleurs à l'échelle nationale.
L'imposition par l'UE de droits de douane allant jusqu'à 12 % sur environ 20 % des marchandises expédiées par le Cambodge, dont certains vêtements et chaussures, entraînera des coûts supplémentaires importants pour les exportateurs, ce qui rendra leurs produits moins compétitifs sur les marchés lucratifs de l'UE.
Jusqu'à présent, il est difficile d'évaluer le coût économique total des sanctions de l'UE, mais il pourrait être considérable si les investisseurs décidaient de déplacer leurs opérations hors du pays pour profiter de l'accès en franchise de droits aux marchés de l'UE dont bénéficient des pays comme le Viêt Nam voisin.
Les 80 % restants des exportations du Cambodge vers l'UE restent exempts de droits de douane dans le cadre du programme TSA, bien que Bruxelles ait averti Phnom Penh qu'un pourcentage plus élevé de marchandises pourrait perdre ses privilèges commerciaux si le gouvernement ne change pas ses habitudes antidémocratiques.
Le Premier ministre Hun Sen a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'était pas prêt à accepter les recommandations de Bruxelles en faveur du changement, reprochant à l'UE de s'ingérer dans la souveraineté du Cambodge et de dénoncer son hypocrisie.
En tant que petit pays épris de paix et attaché aux principes démocratiques, le Cambodge ne peut jouer son rôle dans la communauté internationale que s'il est assuré que les règles régissant le système international sont appliquées équitablement, a-t-il dit .
Malheureusement, trop souvent, en fonction de l'ambition politique et du programme opportuniste caché de certains pays, le Cambodge a dû faire face à des décisions hypocrites à deux poids deux mesures (double standard), partiales et motivées par des considérations politiques; en bref, l'injustice, a-t-il souligné.
"Cette histoire d'injustice me rappelle un 'déjà-vu' historique. Il y a un peu plus de 40 ans, le Cambodge a été libéré du régime génocidaire des Khmers rouges, où plus de 2 millions de Cambodgiens ont été tués. Pendant de nombreuses années, les survivants traumatisés et épuisés, totalement dépouillés de tout, ont dû reconstruire la nation à partir de zéro. Ironiquement, c'était à ces mêmes survivants qui étaient punis par une majorité d'Etats membres de l'ONU tout en permettant aux bourreaux khmers rouges d'occuper le siège cambodgien à l'ONU. Ces mêmes gouvernements qui prêchaient sans cesse la démocratie et les droits de l'homme étaient ceux qui ont privé toute la population survivante de l'accès à la nourriture, à la santé, à l'éducation, au logement, au développement et même à la paix pendant 12 années", a-t-il dit.
"Je pense que l’histoire se répète dans le cas du retrait du programme Tout sauf les armes (TSA) de l’UE à un moment où le Cambodge lutte pour survivre dans le cadre de la pandémie de COVID-19.
Malgré cette lutte, le Cambodge est fermement déterminé, comme il l’a fait il y a 40 ans, à défendre ce qu'il croit être la voie juste, c'est-à-dire à défendre notre souveraineté et protéger notre paix si durement acquise, qui est pleinement chérie par les Cambodgiens qui ont traversé les ravages les plus tragiques et qui se lèvent maintenant en tant que nation sur un pied d'égalité, mêmes statut et droits avec d'autres nations de la région et du monde
, a souligné le Premier ministre cambodgien.
L'impact financier réel de la suppression des privilèges du Cambodge sera masqué par la crise économique bien plus dévastatrice causée par la pandémie de Covid-19. La Banque mondiale prévoyant une contraction économique pouvant atteindre 2,9 % cette année au Cambodge
Sans cette crise économique provoquée par la pandémie, les effets des sanctions de L’UE auraient été clairs et .cela aurait sans doute donné à l'UE plus de moyens de pression.
Mais aujourd'hui, il sera presque impossible de savoir dans quelles proportions des usines ferment et des emplois sont perdus à cause de la suppression des privilèges du Cambodge ou de la Covid-19.