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Votre foie gras, c’est du lard ou du cochon ?

Pour traduire, connaître deux langues ne suffit absolument pas ! La connaissance parfaite de la langue à partir de laquelle on traduit et de sa langue maternelle est le minimum requis ! La vraie difficulté de la traduction professionnelle n’est pas la connaissance des langues, mais la connaissance du sujet du document que l’on doit traduire. Un exemple concret avec le foie gras.

Foie gras au torchon avec poire marinée (Photographie : Luigi Anzivino, CC BY-SA 2.0)Foie gras au torchon avec poire marinée (Photographie : Luigi Anzivino, CC BY-SA 2.0)
Foie gras au torchon avec poire marinée (Photographie : Luigi Anzivino, CC BY-SA 2.0)
Écrit par Pascal Médeville
Publié le 31 mars 2024, mis à jour le 23 juin 2024

Publirédactionnel

 

Saviez-que que l’on trouve du foie gras d’oie à Phnom Penh ? Surprenant, n’est-ce pas ? En fait, la présence du foie gras d’oie est « attestée » par les cartes d’au moins deux restaurants de luxe de la capitale dont la traduction avait été demandée à Simili Consulting.


En khmer, « foie » se dit « thlaeum » (ថ្លើម). Lorsque les Khmers veulent parler de foie gras, ils omettent le mot « gras » et accolent au mot « thlaeum » celui de l’animal qui a été sacrifié pour son foie. Or, systématiquement, l’animal invoqué par les cuisiniers du cru est l’oie, « kngan » (ក្ងាន). Pour les Khmers, le foie gras est donc forcément du foie d’oie. Lorsque l’on fait remarquer aux chefs khmers que le foie gras qu’ils utilisent à Phnom Penh est en réalité du foie de canard, ils sont en général agacés et rétorquent que « c’est comme ça qu’on dit au Cambodge ! ». Un chef japonais talentueux qui officie dans l’un des meilleurs restaurants nippons de la capitale auquel je faisais part de mon embarras pour traduire le « foie gras » qui entrait dans la composition de certaines de ses créations me dit qu’il ne fallait pas préciser quel était l’animal qui avait été sacrifié pour son foie. Le souci est que l’on ne peut pas écrire simplement « foie ». Bienheureux les anglophones qui, pour contourner la difficulté, se contentent d’utiliser l’expression française « foie gras » sur leurs menus…


Même les outils de traduction automatiques disponibles en ligne, lorsqu’on leur demande de traduire en khmer (ou en chinois, d’ailleurs) l’expression « foie gras », proposent systématiquement l’expression « foie d’oie ».


J’ai interrogé une amie khmère gourmande et amatrice des riches saveurs de ce produit du terroir français du Sud-Ouest, sur cette « erreur de traduction » : elle pense que c’est à dessein que certains cuisiniers khmers peu scrupuleux utilisent l’expression « foie d’oie », par « tromperie » en quelque sorte, le foie gras d’oie étant considéré d’une qualité supérieure à celui de canard. Notons cependant que l’expression « foie de canard » (thlaeum tea ថ្លើមទា) est utilisée avec justesse par un importateur majeur qui amène au Cambodge ce que la gastronomie française a de mieux à offrir.


En Chine, on constate le même phénomène. L’exécrable habitude cambodgienne vient-elle de Chine ? Ce n’est pas à exclure. A propos de la Chine, saviez-vous que ce pays produit aussi, à des prix défiant toute concurrence, du foie gras de canard… souvent appelé « foie d’oie » ? Une anecdote : un importateur français de foie gras de canard chinois n’avait pas pris la peine de vérifier le libellé du produit sur les documents soumis aux douanes gauloises. Son lot de foies ayant été appelé « foie gras d’oie », il fut impitoyablement rejeté par les douanes, et renvoyé à l’expéditeur.

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