Depuis des générations, les villageois de Samrong fabriquent des bâtons d’encens. L’avenir de cette pratique ancestrale est cependant incertain.
La technique de fabrication de l'encens
« J'ai grandi en regardant mes parents fabriquer de l'encens », se souvient Hai Sin. Sa famille est l'une des rares à perpétuer cette tradition, complétant ses revenus par l'agriculture et l'élevage.
La production d'encens se fait à base de l’écorce des arbres litsea glutinosa, qui poussent dans une forêt à 50 kilomètres du village. Tous les deux mois, les villageois effectuent un voyage pénible pour collecter la matière première.
Une fois séchée, l'écorce est réduite en poudre pour servir de liant, puis mélangée à de la sciure de bois, de l'écorce parfumée et de l'eau. Le mélange est roulé à l'aide d'un bâton, ce qui lui donne sa forme finale. Les bâtonnets sont ensuite regroupés en paquets de 100. Leur longueur peut varier en fonction des préférences du client, allant d’1 mètre à 25 centimètres.
Selon Hai Sin, l'encens traditionnel khmer est remarquable en raison de son parfum naturel et sa longue combustion.
Un artisanat en danger
Malheureusement, le nombre de producteurs d'encens diminue et l'approvisionnement en matières premières est de plus en plus difficile. Selon Hai Sin, les forêts sont défrichées pour faire place à des plantations de pommes de terre, et les arbres litsea glutinosa sont devenus rares. Les villageois doivent désormais parcourir de longues distances, à moto ou en tracteur, pour s'approvisionner.
Koy Puoch, 47 ans, fabrique de l'encens depuis toujours. Elle reste attachée à cet artisanat traditionnel, qui lui procure un revenu régulier et lui permet de s'occuper de ses petits-enfants. Orpheline dès son plus jeune âge, elle a été élevée par sa sœur aînée, qui subvenait aux besoins de la famille en fabriquant de l'encens.
Les jours de fête, elle se rend à Siem Reap pour vendre sa production. Ses clients fidèles sont surtout des nonnes qui apprécient le parfum subtil de l'encens traditionnel. Outre les pratiques religieuses, ces bâtons sont aussi utilisés pour éloigner les moustiques.
Le prix d’un paquet varie entre 2 000 et 5 000 riel (0,50 à 1,25 dollar), selon la taille. Bien qu'elle gagne un revenu décent, elle estime que sa marge diminue.
Transmettre une pratique ancestrale
Selon la chef du village, Ean Peus, seules 60 familles perpétuent la tradition ancestrale de la fabrication d'encens. Malgré le processus de production ardu et les prix peu élevés, cet artisanat leur a permis de rester dans leur village.
« Seules les vieilles mamies ou les femmes d'âge moyen fabriquent de l'encens », note-t-elle. « Peu de jeunes s'y intéressent, car les arbres nécessaires à la production sont loin et en voie de disparition. » Certains pourtant sont revenus au village après avoir obtenu leur diplôme pour aider leurs parents et perpétuer la tradition familiale.
Pour la chef du village, la fabrication de l'encens est un artisanat relativement simple, avec un marché stable. La production a été facilitée par la mécanisation de certaines étapes.
« La fabrication d'encens peut nous permettre de gagner notre vie. Le prix augmente même pendant la saison des pluies »
Cependant, la diminution de la disponibilité des matières premières est une préoccupation majeure pour la jeune génération. Koy Puoch est confrontée à un dilemme lorsqu'il s'agit d'encourager ses enfants à suivre sa voie.
Hai Sin partage les mêmes sentiments. Elle espère que ses enfants poursuivront des études supérieures et obtiendront des emplois stables, au lieu de faire un travail physiquement exigeant.
Source : Cambodianess