Quatorze ans après la création de l’école Happy Chandara, les premières étudiantes de Toutes à l'École ont obtenu leur bac en novembre 2018.
L’association Toutes à l’Ecole existe depuis bientôt 14 ans et a vu, il y a quelques mois, la promotion qu’elle avait accueillie en 2006 se voir diplômée du baccalauréat. Ces 74 jeunes filles défavorisées avaient été accueillies par l’association en 2006, constituant la première promotion de l’école. Elles ont confirmé les attentes qui avaient été placées en elles en obtenant toutes le baccalauréat.
Toutes à l’Ecole a été créée en 2005 par la journaliste Tina Kieffer après un constat assez simple : plus de la moitié des enfants déscolarisés dans le monde sont des filles, et il existe au Cambodge de fortes inégalités d’accès à la scolarité entre filles et garçons. L’association a donc créé sa première école au Cambodge, dans la banlieue de Phnom Penh. Elle accueille désormais près de 100 nouvelles élèves par an, qui sont toutes des jeunes filles âgées de 6 ou 7 ans habitant près de l’établissement, et sont sélectionnées sur des critères de revenus.
L’établissement est situé dans la banlieue de Phnom Penh, à environ 15km de la capitale. Trois bâtiments principaux composent l’école en elle-même. Le premier pour les classes primaires, qui bénéficie d’une vue imprenable sur le Bassac, un deuxième pour les étudiants du secondaire 1er cycle correspondant au collège français et enfin un dernier bâtiment pour les lycéennes, dans lequel se trouve l’internat et une permaculture appartenant à l’école. L’école compte également dans son enceinte un gymnase. Happy Chandara jouit depuis peu d’un foyer pour étudiantes situé à Phnom Penh afin d’accueillir les bachelières et les propulser ensuite dans la vie active. Un centre de formation à la coiffure a également ouvert dans le quartier du marché russe à Phnom Penh.
Les jeunes filles de l’école Happy Chandara bénéficient d’une prise en charge globale comme le souligne Daniel Ly, directeur des opérations de l’école Happy Chandara : « La prise en charge repose sur un double pilier : d’une part l’aspect éducatif et de l’autre le soutien social et sanitaire, qui concerne autant les jeunes filles que leurs familles. » On compte 950 familles bénéficiaires de cette prise en charge gratuite. L’école possède son propre corps médical composé de psychologues, une médecin, trois infirmières , un dentiste et depuis peu une sage-femme. S’ajoute à ce soutien médical un soutien alimentaire mensuel. « Le deal est simple. On scolarise les enfants, on fournit une aide matérielle et médicale aux familles. En échange, elles ne vont pas aider leurs parents pour les tâches agricoles. »
L’école cherche avant tout à offrir aux jeunes filles issues de milieux très défavorisés un cadre d’épanouissement intellectuel et ludique. Comme le souligne le directeur des opérations de Happy Chandara, il s’agit d’une école cambodgienne reconnue depuis la signature en 2018 d’un accord avec les autorités. En plus du programme classique, les étudiantes suivent un cursus spécial proposé par l’école et notamment un programme « ouverture sur le monde » cherchant à sensibiliser les élèves à des questions comme celles de l’égalité des sexes ou de l’environnement. Des activités extrascolaires sont également proposées comme des sorties culturelles. Une partie de l’emploi du temps hebdomadaire est destiné à la pratique sportive.
Le projet de l’école Happy Chandara est financé en grande partie par la collecte de dons, dont la plupart proviennent de France. On compte parmi les parrains certaines personnalités telles que Claire Chazal, Michel Drucker ou Chantal Thomas. Un système de parrainage individuel existe également. Chaque mois, le parrain paye environ 30 euros, permettant ainsi la prise en charge d’une jeune fille par l’association.
Ces fonds servent ainsi en grande partie à la prise en charge complète des étudiantes, mais aussi de leur famille. La prise en charge des familles s’étend également à un soutien scolaire proposé aux jeunes garçons qui ne bénéficient pas nécessairement d’un enseignement qualitatif. Les fonds récoltés permettent l’organisation d’un camp d’été au mois d’août. « Ce camp est important pour les jeunes filles, et les familles car on l’ouvre également aux jeunes frères, souligne Daniel Ly. On continue le suivi que l’on fait au cours de l’année scolaire, et on s’assure par la même occasion que les enfants ne vont pas aider leurs parents pour les travaux agricoles pendant l’été. C’est pour cela que l’on a décidé que le camp d’été serait obligatoire ».
Pour Daniel Ly, si l’école a vu sa première promotion de bachelières remplir totalement les attentes placées en elles, il mesure pour autant l’impact de cet évènement. « Le bac n’est pas une fin en soi, nous avons également pour objectif de former les jeunes filles aux études supérieures ». Le suivi est donc prolongé pour les années postbac. Les étudiantes de la promotion 2018 sont désormais dispersées dans les universités de droit et de langues étrangères de Phnom Penh ou à l’université américaine. Afin de continuer à accompagner les étudiantes pendant ces années d’études supérieures, l’association a mis en place un foyer situé à Phnom Penh. Elle finance également une partie des frais d’université pour les étudiantes qui n’ont pas réussi à obtenir une bourse d’étude. « L’accompagnement des jeunes filles dans la vie d’adulte est très important, car nous les avons couvées pendant toute leur enfance et leur adolescence, maintenant nous devons les armer pour la vie d’adulte ».
Cet accompagnement dans la vie professionnelle se fait également via la création d’un centre de formation à la coiffure, situé dans quartier de Toul Tom Poung à Phnom Penh. Le centre va ouvrir en mars prochain un salon d’application et proposer ses services dans la capitale.
Happy Chandara travaille avec les agriculteurs de la région afin de les sensibiliser à un usage réduit de pesticides. L’école possède sa propre permaculture. « Nos 1000 mètres carrés servent à nourrir notre internat, et à terme l’objectif serait de pouvoir nourrir les 1600 personnes qui mangent chaque jour à l’école, et trouver des producteurs qui n’utilisent pas de pesticides. »