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Manusastra, un portail franco-cambodgien pour les sciences humaines

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Promotion Université des Moussons 2017. Crédits : Manusastra
Écrit par Victor Bernard
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 25 juillet 2018

Après 6 ans d’existence, le projet Manusastra voit ses premiers étudiants débuter leur parcours doctoraux. Retour sur une expérience ayant ouvert de nombreuses opportunités aux étudiants cambodgiens.

La période khmère rouge du Cambodge entre 1975 et 1979 a produit l’un des sacrifices culturels les plus terribles au monde avec l’extermination massive des intellectuels cambodgiens. Aujourd’hui les universités peinent par manque de moyen à ouvrir des programmes destinés à former les futurs chercheurs cambodgiens.

Pour pallier ce manque de centres de formation, le professeur Joseph Thach, maître de conférence en linguistique khmère à l’INALCO Paris et siégeant à l’IRD, au CASE (Centre Asie du Sud-Est), décide de porter le projet Manusastra dès 2012 en collaboration avec tous ces différents instituts pour lesquels il travaille déjà en France et l’Université royale des beaux-arts du Cambodge (URBA).

Cette coopération entre l’URBA et ce consortium d’établissements - qui comprend en outre l’Agence universitaire de la francophonie et l’Ecole française d’Extrême-Orient - propose l’entièreté d’un cycle universitaire, à savoir un programme en licence suivi d’un master et un encadrement dans la préparation d’une demande de doctorat.
Les trois principales matières autour desquelles le cursus s’articule sont la linguistique, l’anthropologie et un module englobant histoire et archéologie.

L’université des moussons correspond au cycle licence. Il se déroule sur trois étés, durant lesquels les étudiants valident un double diplôme de l’URBA et de l’INALCO. Suite à l’engouement pour le projet, il fût décidé en 2014 de créer un cycle de master afin de permettre aux étudiants le souhaitant de poursuivre leur cursus. Celui-ci se déroule à temps plein dans les locaux de l’URBA et se conclut par la rédaction d’un mémoire.

Les professeurs engagés sont majoritairement français même si sont présents quelques professeurs diplômés cambodgiens, notamment en linguistique. S’ils se trouvent sur place la totalité du temps lors de l’université des moussons, ce n’est pas le cas pour le cycle de master, où le cursus dure plus longtemps. Dans ce cas-là, les étudiants travaillent en autonomie ou encadrés par les professeurs cambodgiens et discutent plus intensément de leur sujet de mémoire lorsque les enseignants français reviennent.

Une force de frappe encore faible

Même si de réels besoins existent au Cambodge dans le domaine de la recherche en sciences humaines avec une absence quasi complète de personnels formés au Cambodge, la recherche n’est pas encore reconnue comme une priorité absolue pour le royaume et des projets comme Manusastra restent isolés. Cependant le Ministère de la culture et des beaux-arts soutient activement l’initiative et encourage les élèves à candidater.
Les ministères concernés (comprenant également le ministère de l’éducation de la jeunesse et des sports), se sont effectivement rapidement rendus compte de l’importance de la présence de chercheurs renommés au sein de leurs administrations, crédibilisant leur action.

Les négociations avec la France ont été efficaces, mais le projet ne bénéficiant pas d’une visibilité trop importante, il est parfois compliqué de les pérenniser. Un accord serait souhaité entre le Laos et la France afin de permettre aux quelques étudiants du pays voisins (environ 5 par promotion) de disposer également du double diplôme INALCO / URBA à la fin de leur cursus. Ils ne peuvent prétendre, pour le moment, qu’à un diplôme d’établissement.

Par ailleurs, le projet se concentre sur des effectifs réduits avec environ une vingtaine d’étudiants par promotion. « C’est très important, confie Claire Tovar, coordinatrice du projet depuis 2 ans) pour les jeunes admis de se trouver dans de petites classes. Les professeurs peuvent en effet se concentrer sur leurs besoins à chacun, qui sont tous différents au départ, notamment concernant l’obstacle de la barrière de la langue ».

Etudiants de l'université des moussons

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des sujets de recherche souvent liés au Cambodge

Les élèves se concentrent souvent sur les sujets traitant de la culture khmère et de l’Asie du Sud-Est. Si cela correspond aux attentes des postes au Cambodge, les enseignants tentent d’ouvrir l’esprit de leurs élèves, surtout pour ceux qui tenteraient le programme doctoral en France. Mais la majorité des élèves, arrivés en France, effectuent leurs recherches sur des sujets portants sur l’histoire et la linguistique khmères et profitent des ressources documentaires des instituts partenaires dans ce domaine pour écrire leurs thèses.

D’autant plus que dans le cadre d’un programme ERASMUS, certains étudiants de master ont maintenant la possibilité de partir un semestre à l’INALCO à Paris pour y étudier à temps plein. Une véritable ouverture d’esprit est pourtant observée des étudiants. Naninvanh Lathongsavanh, une étudiante laotienne de l’université des moussons, s’enthousiasme du caractère pluridisciplinaire de la formation : « J’ai choisi ce cursus en archéologie, car il n’en existe pas au Laos, et durant l’entretien d’admission, je me suis rendue compte que l’anthropologie était également un sujet passionnant. »

Les étudiants sont encouragés à poursuivre les deux carrières correspondant aux débouchées de ce genre de programme : la recherche et l’enseignement. Ils sont d’ailleurs très rapidement mis à contribution auprès des nouveaux admis et les étudiants en master apprennent en tant qu’assistants d’enseignements comme c’est le cas dans de nombreuses facultés occidentales.

Nicolas Revire, enseignant basé à Bangkok le reconnaît : « Venir enseigner ici est une merveilleuse opportunité d’allier enseignement et recherche ». Le rythme n’en reste pas moins intensif, avec parfois jusqu’à 6 heures de cours par jour sur un trimestre, afin d’équivaloir, en termes d’enseignements, au contenu d’un semestre classique d’université.

Une opportunité de carrière pour les étudiants

Pour les élèves, ce programme représente avant tout une possibilité rare au Cambodge, celle d’obtenir en parallèle plusieurs licences et d’approfondir sa maîtrise du français. Sopheaktra Suon, un étudiant cambodgien en troisième année confie notamment : « C’est l’un des principaux avantages de ce diplôme, obtenir un diplôme reconnu en France nous ouvre de nombreuses portes ici au Cambodge, où beaucoup de textes sont encore écrits en français. Je suis étudiant en archéologie et la littérature khmère est parfois limitée sur le sujet. L’apprentissage du français est extrêmement bénéfique de ce point de vue. »

Joseph Thach, directeur du programme, renchérit en expliquant que les deux systèmes d’apprentissage anglophones et francophones se différencient complètement et qu’un cursus dispensé majoritairement par des professeurs français permet aux étudiants de tester leurs capacités dans un grand nombres de domaines différents à l’intérieur des matières enseignée, là où le système anglophone est beaucoup plus concentré et moins interactif. Si les deux méthodes ont leurs avantages, il est préférable, selon les étudiants, de bénéficier de cette diversité de compétences enseignées par les professeurs français.
 

victor_bernard
Publié le 25 juillet 2018, mis à jour le 25 juillet 2018

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