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La lutte pour les droits des travailleurs du sexe au Cambodge

Seng Simouy est un freelance et un militant qui s'engage à promouvoir les droits et libertés des travailleurs du sexe. Photo fournie 2 2 2 2 2Seng Simouy est un freelance et un militant qui s'engage à promouvoir les droits et libertés des travailleurs du sexe. Photo fournie 2 2 2 2 2
Seng Simouy, une militante qui s'engage à promouvoir les droits et libertés des travailleurs du sexe.
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 6 février 2022, mis à jour le 6 février 2022

La prostitution a toujours été considéré comme illégale et immorale dans de nombreuses sociétés, y compris au Cambodge. Cela a conduit à la discrimination et à l'exploitation de nombreuses personnes qui dépendent de ce travail pour survivre. Sao Phal Niseiy a receuilli les propos de Seng Simouy, une militante engagée dans la promotion des droits et libertés des travailleurs du sexe, pour comprendre leur situation et ce qui doit être fait pour résoudre leurs problèmes. 

 

Sao Phal Niseiy : Comment voyez-vous la situation actuelle du commerce du sexe au Cambodge ? 

Seng Simouy : Quand je pense à la situation des travailleurs du sexe au Cambodge, je pense à tous les abus, à la discrimination, à l'exploitation et à toute la souffrance qu'ils endurent alors que le reste de la société semble apprécier cette cruauté. Je pense aux droits qui leur ont été retirés et au fait qu'ils ne sont pas reconnus dans notre société. Je pense à l'avenir du Cambodge, car leurs enfants n'ont accès ni à l'éducation ni aux opportunités. C'est déchirant.  

Je vois que l'amélioration de la situation des travailleurs du sexe va être une lutte difficile car ce travail n'est pas considéré comme une profession légale et acceptable au Cambodge. Notre société, nos lois et nos politiques les ont continuellement privé de leurs moyens de subsistance. 

Dans le même temps, le mouvement des travailleurs du sexe reste fort malgré l'oppression à laquelle il est confronté. Ils revendiquent et se battent pour leurs droits depuis des décennies et continuent de lutter pour la justice sociale et l'égalité. 

 

Sao Phal Niseiy : Qu'est-ce qui vous pousse à continuer à travailler pour promouvoir les droits et le bien-être des travailleurs du sexe ? Qu'avez-vous fait pour promouvoir leurs droits ?  

Seng Simouy : Travailler avec le Women's Network for Unity (WNU) a été l'un des meilleurs choix que j'ai fait dans ma vie, car les travailleurs du sexe ne sont pas acceptés comme faisant partie de la société, même par leur famille. J'ai dû sortir de ce que ma culture considérait comme acceptable, mais j'ai pu constater que chaque être humain mérite des droits égaux et un soutien. 

 

Women's Network for Unity s'attache à fournir à son personnel des informations techniques et juridiques, ainsi que le soutien et la formation en matière de communication dont il a besoin pour être efficace. Nous sommes actuellement engagés dans un processus de plusieurs années visant à examiner en détail les révisions de la loi cambodgienne sur la traite des êtres humains, qui a un impact considérable sur la vie des travailleurs du spectacle et du sexe.

En outre, nous défendons les droits des travailleurs du sexe en envoyant un document de synthèse aux ministères concernés, en organisant des marches et en utilisant diverses formes d'art pour nous assurer que nos demandes sont entendues.

 

Ces dernières années, j'ai décidé qu'il fallait que je sois plus présente dans mon soutien à l'égalité des droits pour les travailleurs du sexe. J'ai donc dit à ma famille et à mes amis que je travaillais dans l'organisation qui s'occupe des travailleurs du sexe pour leur donner un meilleur accès aux soins de santé publique et défendre leurs droits au travail. Je pense que nous devons tous nous mobiliser pour renforcer les mouvements populaires qui luttent pour la justice sociale et l'égalité. 

 

J'ai étudié comment les arts peuvent faciliter ce processus. Il y a trois ans, j'ai organisé une exposition au cours de laquelle un photographe a réalisé les portraits de certains des travailleurs du sexe que nous accueillons. Nous les avons également interrogés sur leur vie et sur la façon dont ils perçoivent leur travail. Ces photos émouvantes et les interviews ont été exposées lors d'un événement et nous ont permis d'établir des liens avec des invités d'autres ONG et d'éventuels nouveaux alliés dans notre travail. 

 

J'ai également organisé le troisième Forum artistique annuel des femmes de United Sisterhood sur le thème "Les arts du pouvoir collectif" avec six autres organisations artistiques du Cambodge pour promouvoir les droits des femmes, les droits aux soins de santé, les droits à la justice et les droits au travail par le biais de diverses performances artistiques. Nous avons eu 600 spectateurs. 

Un autre projet artistique que j'ai lancé a eu lieu il y a deux ans. Il s'agissait d'un partenariat avec une compagnie de théâtre locale, The Phnom Penh Players, dans le cadre duquel l'une des travailleuses du sexe que nous suivons s'est produite aux côtés d'autres femmes dans la pièce « Les Monologues du vagin ». Elle a pu raconter son histoire en tant que travailleuse du sexe indépendante à Phnom Penh et les défis qu'elle doit relever pour se sortir d'affaire et protéger sa fille. 

 

J'étais très enthousiaste à l'idée d'en apprendre davantage sur la manière dont les arts peuvent être combinés à la défense des droits pour faire avancer la mission d'une véritable égalité des sexes.  En raison de la pandémie de COVID-19, WNU a organisé un événement de sensibilisation en ligne visant à obtenir une justice socio-économique pour les travailleurs du sexe, à faire connaître leurs droits et à célébrer la journée des travailleurs du sexe.

 

WNU a créé différentes formes d'espaces pour s'assurer que leurs voix soient entendues. Nous avons donc partagé leurs histoires. Comment leurs moyens de subsistance ont été durement touchés par le COVID-19. Nous avons également organisé des discussions en ligne pour comprendre leurs conditions de vie pendant la pandémie et chercher des solutions équitables.

À la fin de l'événement, nous avons partagé leurs demandes avec le gouvernement et le public afin de rendre la justice qu‘ils méritent en tant qu'êtres humains. La pandémie a été un véritable défi. Cependant, nous avons essayé et rien ne peut nous empêcher de défendre leurs droits. Ils se battent 

 

Sao Phal Niseiy : Comme dans beaucoup d'autres pays, les travailleurs du sexe au Cambodge sont souvent victimes de discrimination, d'exploitation et d'abus, alors que leurs droits ne sont ni promus ni protégés. Dans le même temps, ils sont également confrontés à un risque accru de contracter des maladies infectieuses.  Pour vous, comment pouvons-nous résoudre ce problème ? 

Seng Simoy : Sur la base de mes expériences, je dirais fièrement que les travailleurs du sexe sont le groupe le plus protégé contre ces maladies infectieuses. Les risques de contracter ces maladies ne viennent pas des travailleurs du sexe et ils ne les propagent pas. 

Plus important encore, ils ont participé à de nombreuses formations sur la santé et ils sont très conscients des maladies sexuelles. Je dois dire que le public a tort de s'interroger sur ce point, car ces personnes dépendent de ce travail et ont des familles dont elles doivent s'occuper. Il est clair qu'elles ne risquent pas leur vie ni celle de leur famille. 

WNU s'est penché sur la violence à l'encontre des travailleurs du sexe et sur les discriminations non sur les maladies.  Si les gens cherchent quelqu'un à blâmer sur la propagation des infections sexuelles, ils ne sont pas au bon endroit. 

 

 

Sao Phal Niseiy : Les gens affirment que la loi sur la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation sexuelle, qui rend le travail sexuel illégal, a aggravé la situation des travailleuses du sexe. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation ? Et devrions-nous décriminaliser le travail du sexe ? 

Seng Simouy : Cette loi a rendu la vie des travailleuses du sexe plus difficile. Je pense que chaque être humain, y compris les travailleurs du sexe, a le droit d'être protégé par la loi. En décriminalisant le travail du sexe, on espère améliorer leurs conditions de travail et de vie. La prostitution est leur gagne pain.

 

 

Sao Phal Niseiy : Que voulez-vous voir changer dans les droits des travailleuses du sexe ? 

Seng Simouy : Les femmes qui travaillent dans l'industrie du sexe sont toujours confrontées à des situations difficiles. Elles luttent éternellement pour gagner leur vie. En raison du fait qu'elles font l'objet de discriminations et qu'elles ont été ignorées, il est difficile de vivre librement et sur un pied d'égalité. 

Les travailleurs du sexe méritent la justice et des changements devront être apportés. Ils méritent d'avoir accès à des services publics entièrement gratuits, à la justice et à l'absence de discrimination et d'exploitation. 

Plus important encore, je pense que les travailleurs du sexe ont le droit de participer à l'élaboration des politiques qui affectent leur vie. Les lois et les politiques doivent être modifiées pour tenir compte de l'impact du travail du sexe sur la vie quotidienne des femmes. Ce sont des êtres humains, alors n'oubliez pas qu'ils existent.

 

Sao Phal Niseiy

Lepetitjournal remercie Cambodianess.com de lui permettre de traduire cet article et ainsi de le rendre accessible à un public francophone.

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