Embouteillages, coupures d’électricité, montagnes de déchets à même le sol… Le développement urbain frénétique de Phnom Penh pose aujourd’hui de nombreux problèmes, notamment en matière de mobilité, de traitement de l’eau, de gestion des déchets et des énergies. Lors d’un colloque organisé par la chambre de commerce et d’industrie France Cambodge au Raffles Hotel le Royal, divers intervenants spécialistes des questions du développement de l’urbanisme dans la capitale cambodgienne se sont réunis et ont exposé les divers problèmes actuels et les solutions futures envisagées.
Le développement urbain a connu un essor considérable dans les années 60 avant l’évacuation de Phnom Penh sous le régime khmer rouge. Celle que l’on appelait la perle de l’Asie s’est muée en jungle urbaine avec le retour de nombreux les citadins victimes de déplacement forcé dans les campagnes, accompagnés d’une partie du monde rural.
La mobilité à Phnom Penh est entravée par un transport urbain beaucoup trop dense pour la voirie de la capitale, mais également par le développement de quartiers précaires qui diminuent également l’espace disponible pour le développement de Phnom Penh. Selon Vannak Seng, responsable au bureau de l’urbanisme à la municipalité de Phnom Penh, on compte dans la capitale plus de 400 000 voitures, pour la plupart d’imposants 4x4, 1,7 million de deux-roues motorisés et plus de 20.000 tuktuks pour une population d’environ 3 millions d’habitants.
Afin de désengorger les grands axes de Phnom Penh, la mairie a mis en place depuis février 2014 des lignes de bus. Ces réseaux sont actifs mais encore peu utilisés par les citadins. D’après Vannak Seng, la mairie souhaite développer ces réseaux et sensibiliser la population à leur usage. 13 lignes de bus sont actuellement en service.
Phnom Penh risque d'être totalement immobilisée d'ici dix ans
Le développement des transports en commun a pour objectif principal de désengorger le centre névralgique de la ville situé entre Wat Phnom et Tuol Tom Poung. Cette zone concentre les plus grands axes de la ville, notamment les boulevards Norodom, Monivong et le boulevard de la confédération de Russie, qui subissent de très nombreux embouteillages aux heures de pointe. Vannak Seng ajoute qu’en raison de la croissance démographique, la ville sera totalement immobilisée d’ici une dizaine d’année si la situation ne change pas. Le développement des transports en commun dans la capitale a également pour objectif de relier le centre historique de la ville aux nouveaux quartiers tels que Tuol Kork ou Khan Makara, qui deviennent de plus en plus attractifs.
Les logements informels développés près des fleuves et canaux de la ville entravent la construction de nouvelles habitations. Selon Pierre Larnicol, chef de projet pour l’amélioration de l’habitat dans les quartiers précaires de l’association Planète Enfant & Développement, on dénombre dans la ville de Phnom Penh plus de 277 quartiers informels abritant entre 26.000 et 70.000 familles dans des conditions insalubres. Ces quartiers sont constamment menacés d’inondations et d’incendies dont les conséquences s’avèrent souvent dramatiques.
Le développement de la jungle urbaine phnompenhoise constitue par ailleurs un problème vis-à-vis de l’entretien des réseaux souterrains d’eau potable. Selon Julien Dupont, responsable pays pour Suez Consulting, les coûts informels de l’administration cambodgienne ont des conséquences négatives sur le bon déroulement des projets liés au traitement et à l’acheminement de l’eau potable dans les foyers. L’ingénieur souligne par ailleurs que la construction de routes à base de béton et non de goudron est l’une des premières cause de ralentissement des travaux de régie des réseaux d’eau potable, tant le béton est plus difficile à percer que le goudron, ce qui engendre des pertes de temps et d’argent considérables. Phnom Penh bénéficie néanmoins d’un approvisionnement en eau décent au Cambodge, l’eau fournie par l’autorité d’approvisionnement en eau de Phnom Penh (PPWSA) étant potable. Ek Sonh Chan, ministre délégué auprès du premier ministre et ancien directeur-général de la régie des eaux de Phnom Penh, a invité lors du colloque tous les habitants de la capitale à consommer l’eau du robinet, ce qu’il a affirmé faire depuis plus de 20 ans.
La problématique de l’électricité dans le développement urbain de Phnom Penh est au centre des intérêts. En témoigne la récente pénurie d’électricité qui paralyse encore le pays. Selon Cécile Dahomé, directrice générale de SEVEA, une compagnie d’accompagnement stratégique et opérationnel pour les opérateurs d’accès à l’énergie et à l’eau potable, les villes émettent près de 80% des émissions de gaz à effet de serre. Si l’urbanisation au Cambodge reste encore minoritaire, près de 36% de la population cambodgienne devrait habiter dans une zone urbaine d’ici 2050. Or l’utilisation actuelle d’énergies très polluantes comme le charbon de cuisson pose un problème, de même que la gestion catastrophique des déchets dans la ville de Phnom Penh. La transition est possible, comme en témoigne la ville d’Ho-Chi-Minh au Vietnam qui utilise aujourd’hui 12 000 chauffe-eaux solaires et dispose de plusieurs stations de traitement des déchets.