Édition Cambodge

RENCONTRE - Bun Hay Mean, 'le Bruce Lee de l'humour' (Jamel Comedy Club)

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 janvier 2018

Bun Hay Mean fait partie du Jamel Comedy Club. Surnommé le "Bruce Lee de l'humour", ou encore la "mitraillette à vannes", cet humoriste aux origines sino-cambodgiennes base ses sketchs sur l'autodérision et sur le fait d'être perçu en France comme ''le chinois''. A l'occasion de son tout premier voyage au Cambodge, il a accepté de répondre aux questions du PetitJournal.com

LePetitJournal.com Cambodge : En quoi tes origines sino-khmères t'inspirent-elles dans ton travail d'humoriste ?

Je fais beaucoup d'humour par rapport à ça. Cette double culture me rend différent des autres. Je n'ai pas les mêmes repères, préoccupations et envies. Par exemple, je n'ai pas connu mes grands parents qui sont restés au Cambodge. Et quand j'étais gamin et que mes copains me disaient "ça me saoule, je dois passer le week-end chez ma grand-mère", j'avais envie de lui dire "mais t'es con ou quoi ?". Et puis tous les ans je fête trois Nouvel An, le Khmer, le Chinois et le Français !

Le Jamel Comedy Club a-t-il été un tremplin pour toi ?

J'y suis rentré il y a trois ans. Je jouais dans un restaurant chinois sur les Champs Elysées, un vieil ami de Jamel était là et il m'a dit qu'il voulait me produire. Un an après j'entrais dans le Jamel Comedy Club. Ça m'a surtout permis de jouer partout et devant énormément de monde.

Le Jamel Comedy Club est très populaire, mais certaines personnes le critiquent en disant que c'est un "groupe communautaire", qu'en penses-tu ?

C'est quoi être communautaire ? On est obligé de parler de ce qu'on est ! Ces gens qui nous critiquent ne nous comprennent pas. La France c'est un assemblage de communautés. Ceux qui disent cela ne se rendent pas compte de ce qu'est la France aujourd'hui. Ok, on parle de nos parents, de nos origines, mais si quelqu'un fait un sketch sur sa meuf par exemple et que toi t'en as pas, tu ne comprendras pas non plus ? Je prends en revue tous les clichés parce que l'image, c'est la première que l'on voit. Dans la rue par exemple, on m'a toujours appelé "le chinois". Qui va parler de nous, si on ne le fait pas ?

Tu es parfois considéré comme le "Bruce Lee de l'humour", que penses-tu de cette image ?

Quand on dit "chinois", on pense toujours à Bruce Lee ou Jackie Chan. Je suis pas trop drôle dans la vie, je ne suis pas le genre de mec à faire n'importe quoi tout le temps. Et du coup ça met un peu de pression parce que les gens essaient toujours de me tester à cause de cette image. Je fais des vannes si on me cherche !

Dans ton spectacle "La France aux Chinois", tu plaisantes beaucoup sur des stéréotypes parfois racistes, est-ce gênant ?

Ça permet de désamorcer le truc. Je n'aime pas trop le terme de racisme. Dans les cités, il y a plein de blagues racistes et pourtant la plupart du temps on s'en fout. J'ai toujours été le seul Chinois dans ma classe. On me posait des questions débiles du genre : "Pourquoi t'as les yeux bridés", je répondais, "c'est pour moins voir ta sale gueule", ou "C'est vrai que vous mangez des chiens ?'' Réponse : "Vous mangez bien des escargots".

Il y a peu d'asiatiques chez les humoristes, est-ce un avantage d'être un des seuls à parler du "rire jaune" ?

Un humoriste reste un humoriste, mais s'il y en a moins qui sont d'origine asiatique, c'est une question d'éducation. Dans la communauté asiatique, les métiers artistiques ne sont pas vraiment reconnus. Pour nos parents, il faudrait que l'on soit médecin, cadre, etc. Autant pour les Français dire "Je veux être humoriste", c'est difficilement accepté, chez les asiatiques c'est encore pire. Ma mère a mis cinq ans à comprendre ce que je faisais lorsqu'elle m'a vu à télévision. Mon père me disait : "Que tu sois clodo ou humoriste, l'important c'est que tu sois le meilleur".

Que penses-tu de la communauté asiatique en France ?

Je pense que nous sommes le futur. La première raison c'est qu'on a été éduqués comme des occidentaux mais nos parents gardent leur culture asiatique traditionnelle. Pour eux, il faut qu'on réussisse. Mon beau-frère n'avait pas de papiers quand il est arrivé, il dormait debout dans un placard et aujourd'hui il a un super job, parce qu'il a beaucoup travaillé. Le père d'un de mes amis est arrivé par bateau, il a dû sauter à l'eau quand les policiers sont arrivés, il a débarqué tout nu sur la plage et maintenant il a fondé une famille et a envoyé ses enfants à la Fac. Ce passé nous marque forcément.

C'est ton premier voyage au Cambodge, où tu es resté un mois. Un bilan ?

Ce voyage m'a permis de me rendre compte à quel point on est chanceux en France. Mon projet était à la base de faire deux ou trois semaines de bénévolat dans un orphelinat, mais si le Cambodge doit se relever, il doit le faire par lui-même. Il y a une espèce d'assistanat qui n'est pas toujours bien.

Tes spectacles pourraient-ils être adaptés à la sauce locale ?

Les cambodgiens n'ont pas vraiment le même humour que nous. Ils sont à fond dans le déguisement, dans les histoires d'amour. C'est souvent très premier degré, avec beaucoup de gags et de chutes. C'est très terre à terre. Je pense que j'utiliserai cet humour si je fais un spectacle sur les cambodgiens. Ce sont des blagues un peu comme quand on était gamins. J'ai l'impression que si tu rajoutes caca à la fin ça les fera rire. Parfois, ce sont un peu de grands gamins, ils s'amusent à se taper dessus dans la rue, à se faire des frottis sur la tête. Quoique l'autre jour un Khmer m'a fait une blague un peu salace mais c'est en anglais : "What's the difference between a dog and a woman ? The woman can do the doggy style but the dog can't do the woman style".

Quels sont tes futurs projets ?

A terme, j'aimerais être producteur. En attendant, je prépare mon deuxième spectacle. J'ai aussi une série télévisé en projet, l'histoire d'une colocation entre un noir, un chinois et une blanche. Je vais peut-être jouer dans un film réalisé par le Franco-khmer Sébastien Kong, mais je n'en dis pas plus.

Propos recueillis par Anaïs Chatellier (www.lepetitjournal.com/cambodge.html) Mercredi 30 mai 2012

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Publié le 29 mai 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

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