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Chez Mme Bo, pour la protection de Phnom Chriv, seule contre tous

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Sopheary Bo dans son domaine. Crédits : Chez Mme Facebook Page
Écrit par Victor Bernard
Publié le 15 octobre 2018, mis à jour le 16 octobre 2018

Mme Bo a décidé de s’investir dans la protection d’une région oubliée du Cambodge. Elle a ouvert son domaine aux touristes de passage et tente de les sensibiliser aux dangers de la déforestation.

Sopheary Bo a une énergie débordante et ne renonce devant rien. Elle puise son courage dans la vue magnifique dont elle profite chaque matin autour de son domaine à Amleang, à la frontière des provinces de Kampong Chhnang et Kampong Speu, à la lisière du sanctuaire protégé de la région du Phnom Aoral, montagne la plus haute du Cambodge.

Une région parmi les plus menacées du Cambodge

Situé à l’est du massif des Cardamomes, à seulement une centaine de kilomètres de Phnom Penh, la région de Phnom Chriv et le sanctuaire de protection de la faune et de la flore sauvages de Phnom Aoral sont classés zones protégées depuis 1993. Les 2537 kilomètres carrés du parc naturel englobent la montagne de Phnom Aoral, le toit du Cambodge, qui culmine à 1813 mètres d’altitude. Mais cet environnement, qui offre des paysages parmi les plus envoûtants du royaume, est menacé et peu d’acteurs semblent réellement s’en soucier. Les Khmers rouges s’y sont établis dès les débuts de leur mouvement au début des années 70, et y sont restés bien après la fin de la guerre en 79, en y établissant un maquis. Déserté par sa population, il est devenu le terrain de jeu de nombre de firmes exploitantes du bois, qui font fi du caractère protégé de ces forêts. L’Etat, même après avoir protégé la zone, peine à freiner les activités illicites de ces entreprises peu scrupuleuses.

La non-intervention gouvernementale dans le secteur ne se confronte que très peu à l’activisme des quelques villageois restés vivre à Amleang : « L’attractivité du parc forestier et des montagnes pour les touristes n’a pas encore été assimilée par les Cambodgiens », selon Mme Bo.  Ce parc ne constitue, pour eux, qu’une source de revenus lorsqu’il est cédé aux exploitants de bois. A seulement 120 kilomètres de la capitale, la majorité des familles ont certains de leurs membres qui sont partis vivre à Phnom Penh, et dont les revenus leur permettent de survivre. « La fertilité de la terre est à peine exploitée », nous raconte Sopheary Bo, qui tente malgré tout d’éduquer la population locale sur les bienfaits et la nécessité de cultiver son propre potager, de diversifier sa nourriture. « Bien sûr que des revenus supplémentaires ne leur déplairaient pas, mais ce n’est en aucun cas par le tourisme ou des cultures diversifiées qu’ils espèrent les obtenir ». Selon Sopheary Bo, les Cambodgiens de la région ayant vécu dans la plus grande précarité durant la domination khmère rouge, ils sont assez peu sensibles aux promesses d’une meilleure éducation, ou même simplement d’une alimentation plus variée.

Un tourisme responsable et éducatif

Lorsque que Sopheary Bo a décidé d’investir dans la région et d’y ouvrir une auberge familiale, elle a dû affronter le refus nombreux habitants dans cette initiative, qui trouvaient l’idée insensée et complètement à contre-courant du développement de la région. Trois ans après l’ouverture de son auberge, Mme Bo, comme on l’appelle ici, travaille toujours sans relâche pour préserver l’environnement autour de son parc. Elle encourage chaque jour à la plantation d’arbres fruitiers, de fleurs pour redonner à la région son attractivité touristique. Bien qu’elle travaille la semaine comme fonctionnaire à Phnom Penh, elle tente de rassembler différents soutiens pour interpeller les autorités provinciales, qui ne respectent pas sa mission de préservation. Si elle se heurte régulièrement à de nombreux obstacles, son abnégation ne faiblit pas et elle cherche chaque moyen d’attirer l’attention sur la situation dramatique que vit l’est des Cardamomes : « Puisqu’il est souvent difficile d’obtenir un écho auprès des populations locales, je me tourne vers les touristes, pour lesquels j’organise des tours à vocation quasiment pédagogique sur l’avenir environnemental de la région ». Car Sopheary, qui parle couramment khmer, anglais et français, est également guide, et travaille en étroite collaboration avec quelques tours opérateurs sur un circuit qu’elle a elle-même créé, de Siem Reap à Phnom Penh en passant par Battambang (à travers le lac du Tonle Sap) et son auberge Chez Mme Bo.

Son auberge, dans la région, fait figure de cas à part. D’abord puisqu’il en existe très peu d’autres considérant le faible développement touristique de Phnom Chriv, puis parce qu’elle est tout à fait innovante, dans son fonctionnement. Ici, le service est minimal et toute l’attention est portée sur les attraits extérieurs de l’établissement. Les hôtes ont la possibilité de dormir sous des tentes ou bien sur une large terrasse afin de profiter au maximum des étoiles et d’être réveillé dès l’aube pour aller admirer le lever du soleil sur les hauteurs du domaine. Mme Bo a ouvert un petit café qui fournit jus et sodas frais et pour dîner, vous mangerez local à coup sûr. 

L’endroit conviendra parfaitement à tous ceux désespérant de ne trouver ni calme ni tranquillité à Phnom Penh. La route pour y accéder se transforme en chemin de terre environ dix kilomètres avant d’arriver, ce n’est certainement pas à Amleang que vous trouverez un tuk-tuk vous hélant au coin de la rue.

 

Lits en terrasse. Crédits : Chez Mme Bo Facebook Page
Lits en terrasse. Crédits : Chez Mme Bo Facebook page

 

L’espoir persiste

Malgré un effort colossal, les fruits de son travail n’atteignent pas les attentes de Sopheary Bo : « Toute seule contre tous, je ne peux pas grand-chose, et l’intérêt que j’espère susciter chez les villageois et les touristes grandit à une vitesse risible face à la puissance de frappe des entreprises présentes sur le territoire ». Mais la résignation ne fait pas partie des multiples facettes de Mme Bo, qui, depuis peu, accueille également des équipes de tournage dans son auberge : « L’argent n’est pas ma motivation ; mon mari et moi travaillons à Phnom Penh et nos emplois nous permettent de vivre confortablement. Je veux simplement faire comprendre à un maximum de personnes l’intérêt environnemental, écologique et touristique que représente cette région. Si dans quelques années, les personnes de passage peuvent trouver ici, de quoi dormir, manger et admirer le paysage en coopérant avec l’économie locale, alors j’aurais réussi mon combat ». Le Cambodge ne se résume pas à Angkor et aux îles du sud du pays. Si un tourisme responsable émerge, la région montagneuse des Cardamomes pourrait devenir l’une des attractions phares pour des voyageurs aventureux, en quête de sérénité mais également de sensations, à l’abri de l’afflux de touristes sur les sites habituels des circuits organisés.

Vous trouverez toutes les informations sur la page Facebook de Chez Mme Bo

Vue sur le domaine, avec en arrière plan, la zone de Phnom Chriv.

Vue sur le domaine, avec en arrière plan, la zone de Phnom Chriv. Crédits : Chez Mme Bo Facebook Page

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Publié le 15 octobre 2018, mis à jour le 16 octobre 2018

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