Le lac Tonlé Sap est le poumon du Cambodge mais il voit ses eaux et ses ressources halieutiques décliner à cause des barrages et du climat. Pêcheurs et populations locales s'adaptent tant bien que mal.
Un écosystème vital en déclin
Le Tonlé Sap, plus grand lac d’eau douce d’Asie du Sud-Est, a longtemps nourri le Cambodge. Alimenté par les crues du Mékong, il assure à lui seul 60 à 70 % de l’apport en protéines animales du pays. Pourtant, cet écosystème unique, qui gonflait jadis à la taille du Timor oriental en saison des pluies, s’assèche rapidement. La durée et l’intensité des crues diminuent, bouleversant le cycle de vie aquatique et le quotidien des communautés riveraines.
Climat et barrages : un double fléau
Deux causes principales expliquent ce phénomène : les perturbations climatiques réduisent les précipitations, tandis que les barrages hydrauliques, construits au Cambodge et en amont au Laos et en Chine, détournent les eaux du Mékong. Selon le Centre WorldFish, les inondations ne duraient plus que 122 jours en 2020, contre une moyenne historique bien plus longue. Le barrage cambodgien de Lower Sesan 2 a à lui seul entraîné une diminution de 9,3 % des ressources halieutiques du Mékong inférieur.
Des pêcheurs en détresse
Les pêcheurs constatent des prises réduites de moitié en quelques années. Le poisson, naguère abondant, devient un luxe pour eux. Environ 20 kilos de poisson permettent aux femmes de gagner à peine 10 000 riels (2,50 $), un revenu insuffisant pour nourrir leurs familles. La réduction des crues perturbe aussi la reproduction des poissons, aggravant leur raréfaction.
Une crise alimentaire qui s’étend
La chute des ressources halieutiques a des répercussions nationales. Plus de la moitié des Cambodgiens souffrent d’insécurité alimentaire à des degrés divers, selon la FAO. Paradoxalement, alors que le pays modernise son économie et étend l’accès à l’électricité (82,5 % en 2021 contre 16,6 % en 2000), les tarifs énergétiques restent élevés et l’approvisionnement incertain. Cette situation pousse les gouvernements successifs à privilégier les barrages, malgré leurs impacts écologiques.
Vers des solutions durables ?
Face à la crise, le Premier ministre Hun Manet promeut l’aquaculture pour compenser le déclin de la pêche sauvage. Cependant, ces initiatives restent embryonnaires et peinent à rivaliser avec les besoins. Des moratoires sur la construction de nouveaux barrages ont été mis en place, mais leur efficacité dépendra de la coopération régionale et des efforts pour atténuer le changement climatique.
Tourisme et adaptation
Dans des villages comme Kampong Phluk, certains se tournent vers le tourisme pour diversifier leurs revenus. Des balades en barques à travers les mangroves attirent les visiteurs, offrant une source de revenu complémentaire, bien que modeste.
Un avenir incertain
Pour les communautés du Tonlé Sap, l’avenir s’assombrit. La réduction des prises, l’augmentation du coût de la vie et les incertitudes climatiques laissent peu d’alternatives aux pêcheurs. Beaucoup, s’interrogent sur leur survie économique .