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ARTS - Kok Thlok, la tradition se bat en cuir et en musique

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 26 novembre 2012, mis à jour le 8 février 2018

Une troupe dédiée aux arts traditionnels qui bataille pour se produire : en théâtre comme en musique, Kok Thlok tente chaque jour de prouver que le patrimoine cambodgien recèle encore de quoi toucher les c?urs et les âmes.

L'âme de la troupe de Kok Thlok, sa figure de proue, c'est Ieng Hoeung, comédien d'une soixantaine d'années, cabossé par la vie, mais doué d'une faconde et d'un don d'observation intacts. Lui s'est initié dans les années 80 aux différentes formes de théâtre classique, Yiké, Bassac... avant de se former aux arcanes du théâtre d'ombres, avec ses marionnettes de cuir. "J'ai appris d'un dernier maître encore en vie, venu de Siem Reap. Après sa mort, il n'est plus resté que des livres", se remémore-t-il. Un héritage sévèrement touché sous Pol Pot, avant une timide renaissance sur fond de propagande durant les années de la "république populaire".

Ieng Hoeung en plein travail sur la peau de vache qui servira à illustrer une marionnette - Crédit Photo ©Pierre Collet

C'était avant l'ère actuelle, et ses paradoxes douloureux. Sur fond d'ouverture générale et de course aux profits tous azimuts, les arts traditionnels n'étaient pas un secteur très porteur. Hoeung et ses amis, comédiens, musiciens, en furent réduits à camper dans un théâtre national en ruines, après avoir été la proie des flammes en 1994. Un symbole qui ne pouvait manquer de frapper un cinéaste comme Rithy Pahn, qui en fit le sujet d'un film en 2005, Les artistes du théâtre brûlé. Un coup de projecteur bienvenu: le film, présenté à Cannes, suscita quelques soutiens de France et d'ailleurs qui aboutirent à la formation de Kok Thlok, d'après le nom d'une antique cité khmère, troupe dédiée à "la renaissance du théâtre au Cambodge".

Une centaine de marionnettes

Six ans après, la vingtaine de membres de Kok Thlok poursuivent leur navigation par vents contraires. Comme le dit crûment Long Malis, actrice et pilier de la troupe, "au Cambodge, la vie d'artiste n'a pas de sens. Nous sommes heureux de recevoir un accueil chaleureux de la part des étrangers, mais il n'y a aucun soutien des institutions cambodgiennes". En province, les tournées recueillent encore un franc succès, "plusieurs milliers de personnes à chaque représentation", explique non sans fierté Phoeung Kompheak, directeur opérationnel de la troupe. Mais le public concerné n'est guère solvable. C'est dans ce contexte difficile, avec la raréfaction des aides étrangères, que Kok Thlok s'attelle à un projet dantesque, comme un pied de nez au destin : mettre en scène un épisode inédit du Ramayana dans sa version khmère, avec sa kyrielle d'imposantes marionnettes Sbek Thom, la plus noble des catégories du théâtre d'ombres.

Depuis des mois, les comédiens travaillent sous la supervision de Ieng Hoeng à découper les peaux de vaches nécessaires à la fabrication, les tanner, les teindre au moyen de résine naturelle, avant d'y sculpter les héros et divinités en proie aux tourments. Une centaine de personnages sont prévus à terme pour le spectacle : un moyen pour faire parler de soi. "La seule issue est de prendre des initiatives, multiplier les projets, pour éviter de disparaître", explique Kompheak, animé d'un sentiment d'urgence.

Les musiciens de la troupe ne sont pas en reste : CD en cours de pressage, collaborations multiples avec des artistes étrangers pour réinterpréter des standards traditionnels avec des arrangements modernes. "La situation n'est pas facile, mais au sein de Kok Thlok existe une vraie solidarité", assure Peang Kanika, percussioniste. Une représentation de plus, un morceau nouveau: Kok Thlok s'acharne chaque jour à faire mentir la fatalité d'une extinction programmée.


Les musiciens de Kok Thlok avec leurs amis étrangers - Crédit Photo : ©Julien Poulson - Leng Pleng

Samuel Bartholin (http://www.lepetitjournal.com/cambodge) Mercredi 21 novembre 2012

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Publié le 26 novembre 2012, mis à jour le 8 février 2018

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