La curiosité a toujours été un moteur dans la musique de 12Mé, il quitte d’ailleurs le Cambodge dans les prochaines semaines pour vivre une nouvelle expérience. C’est à cette occasion que LePetitJournal est parti à la rencontre du rappeur afin d’en apprendre davantage sur cette décision et de faire le point sur ses années au Cambodge.
Son évolution et ses inspirations
Mehdi, alias 12Mé, baigne dans la musique depuis son plus jeune âge, grandissant avec des artistes comme Notorious B.I.G ou IAM. Sous la forte influence du rap des années 90 et 2000, il décide de se lancer dans le milieu à l’âge de 22 ans alors en France, en écrivant ses propres textes.
A l’origine, son style tourne autour de la Boom Bap, le style prédominant des années 90, défini comme une musique à 4 temps à 90 BPM (Battements Par Minutes). C’est une musique basée sur la rythmique et sur le sample. Le sample (ou sampling) est le fait de prendre un extrait venant d’une autre musique et de l’incorporer dans la chanson que l’on veut créer. Cela peut être une voix, une rythmique ou même une mélodie.
Après cela, il se tournera vers des sonorités plus “jazzy” en formant un duo avec un jazzmen : Raph. Ensemble, ils sortiront la trilogie d’albums “Headfones”, du rap teinté de sonorités jazz nous transportant dans les bars de la Nouvelle-Orléans.
Il arrive au Cambodge en 2016 et commence par collaborer avec le label Klapp Ya Handz (un groupe de rappeurs khmer), le poussant à rendre ses chansons plus mélodieuses pour s’adapter à la musique locale. Il obtient des morceaux à succès comme “Dae Leing Krop Kanlain” (Dae Leing Krop Kanlain (feat. Mr. Oun), une reconnaissance dû à une force, qu’il nous expliqua :
Le fait d’avoir appris le Khmer m’a beaucoup aidé à m’intégrer parmi les artistes cambodgiens, je pense qu’ils ont apprécié qu’un étranger s’intéresse à leurs musiques et à leur langue.
Par la suite, il enchaîne les collaborations avec de nombreux artistes khmers, et se crée une audience fidèle, solide et de tout âge, avec un public allant de 13 à 40 ans.
Quelle est la place du rap au Cambodge ?
12 Mé nous a aussi livré sa vision sur le rap Cambodgien, et sur l’évolution de celui-ci. Il nous explique qu'à son arrivée il y a 6 ans, le rap n’était pas un genre très répandu et que seul le groupe Klap Ya Hanz se démarquait. C’est celui-ci qui lui a permis de s’ouvrir au rap cambodgien et à une plus grande simplicité musicale.
En effet, en France, le rap du début des années 2010, restait très centré sur l’aspect lyrique, et sur le texte pur et dur. L’objectif était la recherche de rimes sophistiquées et réfléchies, délaissant un peu l’aspect mélodieux. 12Mé déclare alors :
Le rap khmer m’a ouvert à la mélodie, là où un fan de Boom Bap comme moi peut y être réticent. Grâce à des artistes comme Klap Ya Handz, j’ai appris à apprécier de faire les choses plus simplement en laissant de côté l’aspect trop lyrique, pour des musiques parfois plus dansantes.
Selon lui, le rap cambodgien a pris un nouveau tournant lorsque VannDa est arrivé et a ramené la trap dans le pays. Contrairement au Boom Bap, la trap a un rythme (BPM) beaucoup moins élevé que son homologue, offrant plus de liberté aux artistes pour rapper de différentes manières. 12Mé nous explique donc que c’est VannDa qui a amené ce courant, en y ajoutant au fil du temps, des instruments cambodgiens et des sonorités traditionnelles, créant une vraie identité au rap cambodgien.
Aujourd’hui, le rap khmer s’est beaucoup démocratisé grâce à des artistes très différents et des styles originaux (pouvant parfois s’apparenter au Reggae). Il occupe aujourd’hui une place importante dans la musique cambodgienne et est écouté par énormément de personnes, de tous les horizons et de tout âge.
L’actualité de 12Mé
12Mé nous explique qu’il part définitivement du Cambodge d’ici les prochaines semaines :
J’ai l’impression d’avoir été au bout de ma démarche artistique au Cambodge. Si je continuais, j’aurais l’impression de me répéter sans doute un peu.
Il a donc décidé de retourner en Europe, afin de continuer sa discographie en empruntant un tout autre chemin. Son nouveau projet est de sortir 1 morceau par semaine pendant 3 ans, ce qui donnerait environ 160 chansons au total. Ces nouveaux titres sont totalement rappés en anglais et certains sont déjà disponibles sur toutes les plateformes de streaming.
Baptiste Prévot et Lysa Rouch.