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OIF - L’Albanie et la Francophonie

OIFOIF
Séminaire sur la poursuite de la réflexion sur la formation à distance Jeunes Enseignants Débutants en Action (JEDA) - Septembre 2016 à Tirana - CP D.R.
Écrit par Francophonie
Publié le 11 décembre 2018, mis à jour le 11 décembre 2018

Continuons notre série visant à éclairer les racines francophones et francophiles des six pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie en Europe centrale et orientale. Après la Roumanie, la Bulgarie, la Moldavie et l’Arménie, dirigeons nous aujourd’hui sur les bords de l’Adriatique, en Albanie plus précisément, qui a rejoint la famille francophone en 1999. La tradition francophone de l’Albanie et les relations avec la France sont anciennes et datent déjà du XIe siècle quand un Normand, Robert Guiscard, débarquait sur les rives albanaises. Plus tard, la renaissance nationale albanaise durant le XIXe siècle s’est inspirée des Lumières et fut souvent écrite en langue française, en instaurant la tradition francophone des élites albanaises.

 

 


Une indépendance fragile, mais soutenue par la France


Nous nous rendons à Korça, dans le sud-est de l’Albanie, pour mieux entrevoir les sources de la francophonie dans le pays. Au cœur de la Première Guerre mondiale, les militaires français occupent cette province albanaise, disputée par la Grèce et l’Autriche-Hongrie. La France y instaure une république autonome administrée par les Albanais, avant que les traités internationaux la somment de quitter le territoire, ainsi que les autres forces d’occupation. Néanmoins, les Français y ont créé un Lycée français en 1917, qui va jouer un rôle déterminant dans la francophonie albanaise et dans les relations étroites entre la France et l’Albanie.
Durant l’entre-deux guerres et même par après, en effet, le Lycée français de Korça est réputé pour former les élites du pays. Il compte alors environ 700 élèves âgés de 12 à 20 ans, qui proviennent de la région de Korça mais aussi d’ailleurs, et fonctionne sans discontinuer entre 1917 et 1939. Ainsi, lâchant du lest sur le terrain par rapport à d’autres puissances comme l’Italie, la France garde néanmoins une influence « par la pénétration de la culture française au sein de la vie intellectuelle et culturelle albanaise », selon Guillaume Robert, de la revue Balkanologie1.

 


Une francophonie qui perdure


Le moins qu’on puisse dire, c’est que depuis lors, la langue française a toujours gardé une place de choix en Albanie. Depuis 1990, l’Albanie s’est ouverte au plurilinguisme, alors que le russe puis le français, « qui devient la seule langue d’ouverture du pays à l ‘extérieur » selon Esmeralda Kromidha et Nonda Varfi2, étaient plutôt dominant sous la dictature d’Enver Hoxha, lui-même francophone ayant fait ses études à Montpellier et Bruxelles.

 

L’enseignement du français commence très tôt et actuellement, le français reste la deuxième langue étrangère enseignée dans le pays. En 2016, on estimait à 40 000 le nombre d’élèves du primaire et du secondaire à choisir le français comme première langue étrangère. En outre, il existe trois sections bilingues dans l’enseignement secondaire (à Tirana, Elbasan et Korça), tandis qu’au niveau universitaire agissent deux départements de français (à l’Université de Tirana et à l’Université d’Elbasan) ainsi qu’une section de français dans le département des langues de l’Université de Shkodër3.


La langue albanaise est considérée comme un « isolat parmi les langues indo-européennes »4, composée de deux variétés linguistiques (le guègue davantage parlé au nord du pays, et le tosque au sud) pouvant elles-mêmes être fragmentée en variantes dialectales, et ayant subi des influences latine, grecque, slave, allemande et turque. Et française également, puisque certains mots comme bluzë, trotuar, stazh ou encore pardesy, parmi tant d’autres, ont intégré le vocabulaire albanais.


Le multilinguisme de la nouvelle génération albanaise se manifeste de nos jours, autant au pays que dans sa diaspora, comme le démontre si bien la romancière albanaise Ornela Vorpsi, diplômée des beaux-arts à Milan en 1991 et résidant à Paris depuis 1997, dont le premier roman écrit directement en français, « Tu convoiteras », est apparu en 2014 après plusieurs manuscrits en italien. Déjà en 2008, elle déclarait dans une interview que son multilinguisme lui venait « naturellement » : « Je continue de parler quotidiennement albanais avec ma mère au téléphone, italien avec mon mari, et français dans la rue. Et je crois que le langage de mes nouvelles est une synthèse de beaucoup de langues et de cultures mélangées »5.


On peut également citer la soprano Inva Mula, le chorégraphe Angelin Preljocaj, l’artiste Anri Sala – qui a même représenté la France à la Biennale de Venise en 2013, ou encore le violoniste Tedi Papavrami. Ces personnalités et artistes ont épousé la langue française, à l’instar de l’un des plus grands écrivains contemporains qui vit actuellement entre la France, où il a obtenu l’asile politique en 1990, et son pays natal, l’Albanie, à savoir Ismail Kadaré.

 


L’Albanie dans la Francophonie


D’une manière générale, il est épatant de voir à quel point les Albanaises et Albanais continuent à apprendre et à maîtriser le français. Nombre de personnalités artistiques, culturelles et politiques partagent ainsi cet amour pour la langue française – le Premier ministre actuel, Edi Rama, est un parfait francophone tout comme son prédécesseur Sali Berisha.


Il n’est donc pas étonnant que l’Albanie ait rejoint l’Organisation internationale de la Francophonie en 1999. Outre les formations et activités nationales et internationales coordonnées par le Centre régional pour l’Europe centrale et orientale (CREFECO) de l’OIF, auxquelles bénéficient les professeur-e-s albanais-es de et en français et leurs élèves, l’Albanie s’est toujours montrée active en matière de francophonie, en accueillant des événements ou en organisant des formations visant à promouvoir le français, son apprentissage ainsi que les valeurs défendues dans l’espace francophone. Récemment, on peut citer le Séminaire sur la poursuite de la réflexion sur la formation à distance Jeunes Enseignants Débutants en Action (JEDA), en septembre 2016, l’école d’été Libres Ensemble sur le thème de « L’engagement des étudiants à l’université et dans la communauté » en juin 2017, le Séminaire régional sur la Représentation politique des femmes dans les PECO à Tirana en juin 2018, ou encore le camp d’été régional « Libres ensemble, nous brisons les frontières » en août 2018.


Enfin, soulignons la grande vitalité de la francophonie albanaise qui s’illustre chaque année au mois de mars avec un grandiose Printemps de la Francophonie. Cette année, il était placé sous le haut patronage des Ambassadeurs francophones en Albanie et coordonné par l’Ambassade de France en Albanie et l’Alliance française de Tirana, avec le soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie. A titre d’exemple, dans le cadre du Printemps de la Francophonie s’est déroulée la 2e édition du Forum des femmes francophones albanaises à Tirana, dédié à la formation professionnelle et à l’entrepreneuriat des femmes, et le riche programme comportait également la projection d’une douzaine de films, des soirées musicales, des débats et des conférences, des expositions, des tables rondes, des spectacles de théâtre, ou encore des ateliers Libres ensemble, dans les différentes villes du pays. Sans oublier les nombreuses activités organisées par les professeur-e-s de français au sein de leur classe.

 

 

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Publié le 11 décembre 2018, mis à jour le 11 décembre 2018

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