Philippe Rahbé, franco-libanais et lauréat du Trophée des Français d'Afrique et du Moyen Orient, catégorie innovation, veut faire changer les mentalités avec sa startup.
Né en France de parents libanais, ce jeune quadra est rentré au Liban depuis 2018, curieux, bon communicant, Philippe Rahbé aime s’engager pour « des causes qui font sens » comme il dit. Depuis une première expérience dans la distribution alimentaire de 2015 à 2017 en France puis dans la vente du bio au Liban depuis 2018, Philippe se rend compte de « l’urgence à agir dans le domaine du gaspillage alimentaire » explique-t-il. Au printemps 2019, il fonde ‘’Too Good To Waste’’ afin de sensibiliser le grand public à ce problème et montrer qu’il existe des solutions.
Son engagement commence il y a environ quatre ans, lorsqu’il fait la connaissance du réseau "La Ruche Qui Dit Oui !" à Lyon. Basée sur le principe de l’économie participative, la marque met en relation producteurs locaux et consommateurs par un circuit court à travers une plateforme internet. Philippe Rahbé devient, en 2015, le fondateur et gérant de deux points de distribution sous la marque à Lyon, à chaque fois il contacte des producteurs, puis trouve des membres-consommateur et organise les points de vente. C’est là, de ses rencontres et de ses nombreuses discutions avec les producteurs notamment qu’il se rend compte « de l’importance du bien manger et surtout de la problématique du gaspillage alimentaire, des conséquences environnementales et sociales » raconte-t-il.
Joli concours de circonstance, son cousin qui tient au Liban la franchise bio « La Vie claire » depuis plusieurs années, le contact en 2018 pour lui demander d’être responsable d’un nouveau point de vente, son quatrième à Beyrouth, dans le quartier de Verdun. Enthousiaste, Philippe accepte et vient s’installer au pays du cèdre, en mars 2018. Très vite, dans sa gestion du magasin, il se « retrouve avec un stock quotidien de produits invendus » déplore Philippe. « En septembre 2018, j’ai donc décidé de mettre en place, une initiative contre le gaspillage alimentaire à laquelle j’avais participé à Lyon, dénommée « Disco Soupe ». » raconte le gérant. Il s’inspire d’une initiative citoyenne, née en Allemagne en 2011 et, aujourd’hui, présente dans 40 pays, qui « vise, au travers d’événements festifs et gratuits, à sensibiliser le public sur la problématique du gaspillage alimentaire », explique le gérant.
Philippe s’attelle alors à la tâche, il lui faut de la matière première : des aliments invendus, du matériel de cuisine, des ‘’bras’’ pour cuisiner et un lieu pour l’’’événement’’. Pour la matière première, il a les invendus de sa boutique, mais il fait aussi le tour des commerçants et va même « sur les marchés de légumes, récupérer dans ce qui est jeté, parce qu’il y a plein de choses encore bonnes et mangeables ». Pour le matériel et les bras, il réussit à convaincre trois associations : Makesense Lebanon, qui promeut l'entrepreneuriat social, FoodBlessed, qui lutte contre la faim et Recycle Lebanon, qui fait du recyclage de déchets et pour le lieu ce sera le marché des producteurs de Badaro. Ainsi la première ‘’Disco Soup Lebanon’’ a eu lieu le 18 novembre 2018, au menu : salade de kiwi, salade de choux et de quinoa et une bonne soupe de pommes de terre, choux quinoa et oignons. « Les retours étaient hyper positifs. On expliquait aux gens d’où venaient les aliments et qu’ils étaient encore bons pour être cuisinés. Les gens étaient impressionnés. » raconte Philippe.
Depuis ce premier succès, le franco-libanais organise une « Disco Soup Lebanon » chaque mois, avec l’aide de bénévoles, dans les quartiers de Badaro et de Hamra, à Beyrouth. Mais surtout Philippe veut transformer l’essai, « j’ai donc eu l’idée de développer une start-up sociale dans le but d’accroître l’effort de réduction du gaspillage alimentaire au Liban. » explique-t-il. Il cherche du soutien pour professionnaliser son idée et l’aider à travailler son business plan. Il monte son dossier et en mars 2019, « j’ai été admis au sein du programme d’incubation d’entrepreneuriat social, développé par l’organisme Cewas Middle East » raconte Philippe. Deux mois plus tard, « Too Good to Waste » est né.
Le modèle économique de la start-up repose pour l’instant exclusivement sur le sponsoring de sociétés partenaires et des dons privés. Il fait aussi la rencontre d’un couple de traiteurs libanais qui s’associent au projet. « To Good to Waste » a organisé son premier buffet anti-gaspillage alimentaire le 12 octobre 2019, complètement auto-rémunéré, pour 130 personnes, à l’Université Américaine de Beyrouth, dans le cadre d’un événement sur entrepreneuriat social organisé par l’ONG ImpAct. Là aussi le succès a été au rendez-vous, « ça m’a beaucoup rassuré sur l’idée de ma démarche et du coup beaucoup encouragé à continuer » confie le fondateur de la start-up. Aujourd’hui, plus que des actions ponctuelles, Philippe et ses associés réfléchissent « à transformer des produits invendus en produits alimentaires à haute valeur ajoutée : jus diététiques, confitures locales, terrines végétariennes locales, etc… que nous revendrons sur des marchés locaux et via des points de vente dans des supermarchés ». Une somme symbolique d’un dollar, incluse dans le prix de chaque produit, sera reversée à une ONG libanaise qui lutte contre la pauvreté et la faim.
Lorsqu’il dresse le bilan de cette année, Philippe Rahbé se dit « fier d’avoir sauvé près de 400 kgs d'invendus en moins d'un an au travers de 10 événements Disco Soup lebanon et de ma start-up Too Good To Waste ».