Chaque 14 février, le Liban ne célèbre pas la Saint Valentin comme tout le monde. Le peuple commémore le souvenir de Rafiq Hariri, ancien Premier ministre assassiné en 2005 dans un attentat qui a bouleversé l’histoire du pays. Cette journée, devenue un jour férié national, est marquée par des commémorations officielles et des discours politiques. Mais 20 ans après les faits, que reste-t-il de Rafiq Hariri ?


Un attentat qui a marqué l’histoire du Liban
Tout comme le 11 septembre 2001 aux Etats Unis ou plus récemment du 4 août 2020 à Beyrouth, tous les Libanais se souviennent de ce qu'ils faisaient le 14 février 2005. Rafiq Hariri, figure clé de la reconstruction du Liban après la guerre civile, est assassiné avec 21 autres personnes dans un attentat à la voiture piégée. En quelques minutes, la nouvelle se répand dans toute la ville : “Mèt Hariri” - “Hariri est mort !” en arabe. Les chaînes locales passent en boucle les images du carnage.
Des explosifs équivalant à environ 1.000 kilogrammes de TNT explosent alors que son cortège roule près de l'hôtel St. George. Au cœur du quartier d'Aïn Mreïssé, le cratère large de plusieurs mètres montre la puissance de l'explosion. Autour, tous les bâtiments sont soufflés. La voiture blindée de Rafiq Hariri n'a pas résisté et parmi les morts se trouvent plusieurs gardes du corps ainsi que l'ancien ministre de l'Économie Bassel Fleihan.
La Révolution du Cèdre
Le choc est immédiat et provoque un séisme politique. En réponse, des manifestations massives prennent place dans les rues de Beyrouth. Le rejet de la tutelle syrienne prend la forme d'un soulèvement populaire jamais égalé au Liban. C’est le début de la “Révolution du Cèdre”. Sur la place des Martyrs, au centre-ville de Beyrouth, les manifestations se succèdent. Les partis pro-syriens, Amal et Hezbollah en tête, organisent le 8 mars une “contre-révolution” et mobilisent 800.000 personnes pour “remercier la Syrie d'avoir stoppé la guerre civile libanaise et pour son soutien à la lutte contre l'occupation israélienne”. En réaction, le 14 mars 2005, plus d'un million de personnes se rassemblent pour réclamer le départ de la Syrie.
Cédant à la pression, la Syrie annonce le lendemain le retrait de ses troupes du Liban qui prendra moins de deux mois. Le retrait syrien permet le retour du plus ardent opposant du régime de Damas. Après 15 ans d'exil, le général Michel Aoun revient à Beyrouth le 7 mai.
Un héritage contrasté
Deux décennies plus tard, l’héritage de Rafiq Hariri continue d’alimenter le débat au Liban. Son fils, Saad Hariri, a tenté de poursuivre son œuvre politique, mais a dû faire face à une scène politique éclatée et à une crise économique sans précédent. Le Courant du Futur, parti fondé par Hariri père, s’est peu à peu affaibli et Hariri fils a annoncé, en 2022, son départ de la vie politique et du même coup, le parti politique.
Si certains saluent l’homme d’État visionnaire qui a remis Beyrouth sur pied après la guerre civile, d’autres critiquent le modèle économique qu’il a instauré, basé sur l’endettement massif et le clientélisme. La crise financière actuelle met en lumière les failles de cette politique, fragilisant encore plus la mémoire de l’ancien Premier ministre.
Une quête de justice inachevée
L’attentat contre Rafiq Hariri a donné lieu à une enquête internationale inédite. En 2007, le Tribunal spécial pour le Liban est créé sous l’égide de l’ONU pour juger les responsables de cet assassinat. Après des années d’enquête et un procès fleuve, seul un membre du Hezbollah, Salim Ayyash, est reconnu coupable en 2020. Les autres suspects, Moustapha Badreddine, Salim Ayyash, Hussein Onseissi et Assad Sabra, ont été acquittés.
Aujourd’hui, alors que le Liban traverse l’une des pires crises de son histoire, la mémoire de Rafiq Hariri reste vive mais divisée. Pour certains, il incarne encore l’espoir d’un pays prospère et ouvert sur le monde. Pour d’autres, il symbolise une époque dont les dérives économiques ont contribué à la faillite actuelle du pays.
Chaque 14 février, les Libanais se recueillent devant son mausolée au centre de Beyrouth, mais derrière les commémorations officielles, une question demeure : la vérité sur son assassinat sera-t-elle un jour pleinement établie ?
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