Rencontre avec l’artiste féministe Melody a dit, française basée à Berlin qui trouve dans le collage une forme de libération, un exutoire pour exprimer ses revendications.
C’est dans son atelier berlinois que Melody nous accueille chaleureusement. S'en suit une discussion au milieu d'un univers simple, épuré où sont rangés des centaines de magazines, des ciseaux, colles, déchiqueteuse, classeurs... et toutes sortes d'inspirations.
Melody a dit, l’art d’exprimer ses revendications
C’est en 2016 que Melody redécouvre le collage, lorsque des médecins lui découvrent une anomalie à la mâchoire. Après une opération nécessitant plus de cinq semaines de convalescence, elle est alors incapable de parler. De retour chez son père, elle retrouve dans le grenier des vieux magazines et revient à sa passion d’adolescente : le collage sur papier. De manière presque frénétique, chaque jour, elle réalise alors entre deux et trois collages, comme une thérapie pour exprimer ses revendications, ses peurs, ses rêves et toutes les frustrations qu’elle accumule…donnant alors naissance à « Melody a dit ».
« Avant le collage je somatisais beaucoup de choses »
La liberté est au centre de la pratique du collage pour Melody. La liberté de s'exprimer, mais aussi celle de créer, puisque le collage est selon elle accessible à tous et ne nécessite que de posséder une paire de ciseaux, de la colle, quelques magazines et beaucoup d'imagination. C’est d’ailleurs l’idée qu’elle partage lors d’ateliers qu’elle réalise où elle pousse enfants et adultes à s’exprimer pleinement en libérant leurs émotions.
La femme en interaction avec le monde, l’un des thèmes phares de Melody a dit
Grâce à une belle collection de magazines, elle aime combiner des images de magazines rares des années 60 qu’elle mélange à d’autres images de magazines de mode plus actuels, comme Elle ou Vogue. A partir d’images considérées comme sexistes aujourd’hui, elle les sort de leur contexte d’origine pour leur offrir une autre vie et par la même occasion déconstruire les injonctions sociétales qui y été associées. Le collage transforme alors le message initial.
Lorsqu’elle nous présente ses différentes œuvres, nous comprenons très nettement les inspirations de Melody. Du végétarisme au féminisme en passant par le sentiment de déracinement, le voyage et la représentation des femmes objets, Melody utilise le collage pour exprimer les maux qui la traverse.
Le sujet principal de Melody est la femme et les éléments avec lesquelles elle interagit. Après des heures à feuilleter son stock de magazines, en musique, elle se laisse porter à ses pensées pour jouer sur les matériaux, le relief et le charme de l’imperfection du collage. En jouant beaucoup du dysmorphisme, elle aime également utiliser des couleurs pop et tranchées pour montrer des scènes plus trash, à l’image de Toilet Paper Book, dont elle s’inspire beaucoup. Melody admire par ailleurs le travail de Stephen McMennamy pour ses combinaisons d’images très pop mais aussi des livres de collages réalisés par des femmes comme « Collage by women ».
Lorsque tout est coupé, collé, Melody prépare ses œuvres pour les expositions en personnalisant ses cadres avec le nom de l’œuvre vissé sur une plaque de métal à l’aide de lettres en carbone qu’elle transfère une à une à la main, à la manière des tracklists des cassettes des groupes de punk.
On peut donc lire : SCRAMBLED LEGS, FISH TALE, SNACK IT, CAN’T BY ME LOVE…
Clips, magazines, visuels… la diversité des projets de Melody a dit
En dehors du collage, Melody travaille en freelance dans l’évènementiel. Mais cela ne l’empêche pas d’enchaîner des projets divers et variés, surtout lorsque son job initial a été mis en parenthèse par la pandémie.
Après le visuel de la pochette d’album du groupe de musique Jack & Cherry, Melody s’est vu confier un tout nouveau projet pendant le covid : la réalisation d’un clip tout en papier pour l’artiste française DAYSY. Pendant 3 mois et en collaboration avec un animateur, elle a dû penser secondes par secondes la décomposition de ses collages auxquels se sont ajoutés des fonds de couleur pop et des animations vidéo. Le titre « Du like » aborde également les thèmes chers à Melody, que sont la représentation des femmes et la loterie des réseaux sociaux. Un travail alors tout à fait différent pour Melody qui lui a apporté une certaine visibilité avec plus de 605 000 vues.
Via ce clip et Instragram, son travail a ensuite été repéré par le magazine l’Obs pour lequel elle a été commissionnée en janvier 2021 pour réaliser un collage digital pour l’article « Les obsédés des annonces immobilières » qui aborde la question sociétale des personnes qui visitent des demeures à plusieurs millions d’euros alors qu’ils ne gagnent qu’un smic. Encore une fois, Melody détourne l’image des corps pour illustrer ce besoin d’incarner quelque chose que l’on n’est pas, un idéal concentré sur un bien matériel.
Entre ces projets, Melody a produit des collages pour la solution de paiements sans contact pour enfant, Money Walkie, où elle met en scène des animaux dans un univers pop parfait aux enfants avec un peu de surréalisme. Elle a aussi réalisé un visuel pour le podcast « Les Singulières » qui parlent de la reconversion des femmes qui ont des postes à responsabilité ou bien pour l’émission sur Twitch Bota, qui décrypte l’actualité.
Melody est déterminée, créative et d’autres projets sont à venir comme la réalisation de collages pour un clip de la musicienne Eilis Frawley ou bien alors le projet, dans l’année à venir, d’exposer ses œuvres dans une galerie berlinoise.
Aujourd’hui, Melody vit à 50% de son travail de collagiste et 50% de ses projets en freelance mais à terme, son rêve serait de se consacrer entièrement à l’activité de collagiste.
Vous pouvez retrouver son travail sur Instagram ou sur son site internet.
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