Du 5 au 14 novembre, s’est tenu le 1er Festival des Francophonies à Berlin. Entre concerts, films, fêtes, lectures, ateliers et rencontres fortes et joyeuses, voici le bilan de cette première édition.
Placée sous la co-présidence des Ambassades de France et de Tunisie, la première édition du festival est une nouvelle étape pour les francophonies en Allemagne. Avec ses 20 évènements organisés en coopération avec 5 structures, le festival a touché 3 365 personnes dont 1 935 en présentiel à La Maison des Francophonies, 495 personnes en lignes et 935 spectateurs sur des projets partenaires ou labellisés. Un beau bilan pour cette première édition.
Avec Luc Paquier, directeur de la Maison des Francophonies, nous revenons sur la genèse du projet et sa réalisation.
D’une fête des francophonies au projet de festival
L’histoire des francophonies au Centre Français de Berlin n’est pas nouvelle. En 2015, les ambassades francophones de Berlin n’ayant pas la capacité de travail pour réaliser une fête des francophonies, elles se tournent vers le CFB et la maison des francophonies.
Cette dernière accepte le projet mais seulement à deux conditions. L’exigence première est l’ouverture et l’accessibilité de l’évènement au public allemand et berlinois, afin de ne pas en faire une fête d’entre-soi francophone. La seconde est de profiter de cette initiative pour renforcer le volet promotion de la langue française ainsi que le volet pédagogique.
Lors de la construction du projet, une question centrale s’est donc posée à la Maison des francophonies : « Comment faire pour que le nombre d’apprenants de la langue française augmente à nouveau ? »
Pour y répondre, Luc Paquier est persuadé qu’il est nécessaire de déconstruire l’équation "langue française égale France", pour la remplacer par l’équation "langue française égale la francophonie" en tant qu’espace francophone composé de 88 pays, membres observateurs et 300 millions de locuteurs.
« Si on change cette vision de la langue, alors on remet en avant le fait que c’est une langue clé à apprendre, c’est une langue d’opportunités, d’innovation, de travail », affirme Luc Paquier.
C’est ainsi que, depuis 2015, l’équipe de la Maison des francophonies pilote chaque année avec succès, la « Fête des francophonies » en lien avec les ambassades. Mais, à partir de cet évènement annuel, Luc Paquier souhaite faire de cette fête, un festival plus engagé afin de déconstruire l’étiquette patrimoniale ou traditionnelle de la langue française, et ainsi de mettre en avant un « espace francophone qui accueille en son sein, des artistes très engagés, innovants et très contemporains ».
Crise sanitaire oblige, il s’est donc avéré nécessaire de changer le format d’accueil de l’évènement et de mettre en place cette idée de festival sur plusieurs jours, permettant d’accueillir davantage de public. Alors, après l’accord des deux ambassades co-présidentes de cette année - l’ambassade de Tunisie et l’ambassade de France - en seulement 1 mois, la programmation du festival a été imaginée.
Derrière l’idée de festival, l’enjeu est alors de « faire comprendre au public allemand mais aussi aux politiques que la francophonie ce n’est pas qu’une fois dans l’année mais qu'il se passe des événements en français toute l’année à Berlin ».
Avec la réalité du Covid, il était également très important de s’appuyer sur les forces en présence à Berlin, pour mettre en avant leur talent, tout en faisant venir des artistes comme la chanteuse Nawel Ben Kraïem, originaire de Tunisie vivant à Paris, le cinéaste et metteur en scène parisien Olivier Meyrou ou encore le comédien bruxellois Khalid DJB.
L’importance de la francophonie en Allemagne, une chance à saisir
Selon les chiffres officiels de l’Observatoire de la Francophonie, avec plus de 12,2 millions de personnes, l’Allemagne est le 5ème pays au monde en nombre de locuteurs de français et l’espace francophone est le deuxième partenaire commercial de l’Allemagne… Alors, pour Luc Paquier, l’importance de la francophonie à Berlin est une réalité concrète mais aussi une chance que « les allemands et la ville de Berlin auraient tout intérêt à saisir car cela participe aussi à son image multiculturelle, son ouverture et sa tolérance ».
Il poursuit en appuyant le fait que « s’engager dans la promotion de la francophonie et de l’apprentissage du français, c’est un plus pour les projets diplomatiques, les politiques qui font l’Allemagne…Seulement, l’Allemagne ne le sait pas encore ! »
Le soutien financier de la part des politiques allemands est très faible. Aujourd’hui, la Maison des francophonies de Berlin est une mission du CFB qui n’est pratiquement pas financée par l’état allemand, son unique financement provient de financements annuelles des ambassades et d’un soutien du ministère des affaires étrangères français.
Une programmation engagée dépassant les frontières
« La programmation, est une programmation joyeuse mais aussi très engagée, avec une grande place faites aux femmes, artistes, autrices, traductrices. »
Entre la soirée du samedi 6 novembre « D’après elles » portée sur l’engagement féministe ou bien la clôture du festival avec le spectacle solo-acrobatico-burlesque, « La Fuite », comme métaphore sur les circuits de migration et le nomadisme, les sujets portés lors de ce festival font tous écho à l’actualité.
Pour Luc, il est alors très important de montrer une « francophonie courageuse, impliquée qui est capable de s’emparer des questions d’égalité femme-homme, des enjeux climatiques, la question des nations, les grandes questions sociétales et environnementales d’aujourd’hui », et non pas une francophonie qui « se cacherait sur des valeurs de partage, de défense de la paix, des droits de l’Homme ». Aussi, il est essentiel de ne pas opposer le français à l’allemand pour toucher la jeunesse et les étudiants berlinois.
A côté de ces évènements, le festival a piloté un gros volet pédagogique.
Pendant quinze jours « 950 élèves ont été à un moment sensibilisés à la francophonie, aux cultures francophones et au fait qu’apprendre le français est une clé d’ouverture sur le monde et pas seulement sur la France. »
Partenaire de Cinéfêtes, tout au long du festival, des diffusions de films en français sous-titrés allemand ont été organisées, et 180 enfants de 5 écoles franco-allemandes différentes se sont affrontés dans le cadre d’un concours de lecture francophone.
Lors de cette première édition, 3 365 personnes ont été à un moment touchées par le festival que ce soit à Berlin, en ligne ou ailleurs. La soirée du 6 novembre 2021 en est un bon exemple. Lors de la Nuit Electro Francophone, à Berlin, 120 personnes sont venues danser au CFD, mais l’évènement se tenait également en ligne, relié sur une chaîne en Louisiane et dans un club à Tunis et à Bruxelles. L’occasion de partager, la même soirée, des sons provenant simultanément de 4 pays francophones. La francophonie ne se résumant pas qu’à la France, pour l’équipe organisatrice c’est un succès d’avoir réussi « à porter un projet qui a largement dépassé les frontières de l’Allemagne ».
Pour la soirée de clôture du festival, nous nous sommes rendus au Centre Français de Berlin. C’est dans une ambiance chaleureuse, pleine de vie que grands et petits rigolent, revenant sur le spectacle de nouveau cirque « La Fuite » d’Olivier Meyrou. Le public semble conquis, la bonne humeur règne durant l’apéro francophone, en attendant la soirée d’humour du Baguette Comedy Club. Les festivités se terminent alors par des rires provoqués par les sketchs toujours engagés et actuels des humouristes francophones. Un pari alors réussi pour toute l’équipe du festival.
Un festival des francophonies sur le long terme ?
L’organisation du festival est une réussite mais également une source d’épuisement pour la petite équipe de 5 personnes qui coordonne le projet, avec un budget restreint.
A long terme, le projet serait d’imaginer un festival à l’année. Pour cela il sera nécessaire d’avoir l’accord de deux autres ambassades co-présidentes, l’ambassade de Belgique et celle de la République démocratique du Congo.
Dans les prochaines années, l’enjeu est également de trouver des interlocuteurs qui s’occupent de la francophonie, notamment du côté des autorités allemandes qui, pour le moment, se renvoient la balle entre les différents bureaux du sénat et des ministères.
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