Sous les traits d’une déesse égyptienne, l’altiste Sindy Mohamed captive son auditoire et le guide, au fil de son archet, vers l’estuaire où se mêlent trois cultures. Son album Farasha, paru en août 2025, déploie avec grâce les reflets entremêlés de ces influences françaises, égyptiennes et allemandes. La rencontrer, c’est voir le Berlin parfois gris s’effacer, transfiguré en une sonate empreinte de nostalgie et de lumière.
Ce que j’ai trouvé à Berlin, je ne l’avais pas imaginé… c’était autre chose.
Des débuts précoces à Marseille
Née à Marseille de parents originaires d’Egypte, Sindy Mohamed ne vient pas d’une famille de musiciens, même si la musique n’a jamais manqué à la maison. “ Ma mère aime beaucoup chanter, comme ça, pour le plaisir, elle a une très belle voix d'ailleurs ”, confie l’altiste.
À sept ans, Sindy prend son premier cours d’alto. La fillette voulait faire du piano, mais c’est une professeur de solfège, visionnaire, qui recommande cet instrument “ Inscrivez-la en alto, dit-elle à sa mère. En piano la concurrence est rude, or, l'alto, c'est un instrument qui va se développer et sera très demandé ”. Qu’à cela ne tienne, l’artiste en herbe fera de l’alto.
Sindy ne se doute pas alors que l’instrument deviendra son passeport pour le monde. Dès l’âge de 14 ans, elle sait qu’elle en fera son métier.
Avance rapide. Après le Conservatoire de Marseille, la jeune artiste devenue femme entre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où elle obtient sa licence. Mais c’est à Berlin, en 2013, à la Hochschule für Musik Hanns Eisler, dans la classe de Tabea Zimmermann, qu’elle découvre une autre manière d’apprendre : moins hiérarchisée, plus ouverte, résolument internationale.
“ En Allemagne, l’enseignement est beaucoup plus tourné vers la pratique : on t’encourage à jouer avec d’autres, à assister aux cours des autres professeurs, à faire de la musique de chambre, de l’orchestre, des stages… En France, tout est cloisonné ”, déclare la musicienne. Cette expérience marque le début d’un ancrage profond dans la capitale allemande.
À Berlin, j’ai découvert une autre façon d’apprendre.
À Berlin, l’accord parfait
À Berlin, Sindy se sent enfin à sa place. Elle s’y installe pour y faire son master, puis rejoint successivement plusieurs institutions prestigieuses : la Deutsche Oper Berlin, la Komische Oper, la Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin et même la Philharmonie de Berlin.
En parallèle, elle devient membre du West-Eastern Divan Orchestra, fondé par Daniel Barenboim, et du Divan Ensemble, formation de musique de chambre dirigée par Michael Barenboim.
Ce riche apprentissage lui permet de s’accomplir, de se trouver. Sindy Mohamed décide alors de suivre la voie solistique et chambriste, et achève ses études en suivant le programme « Young Soloists » de la prestigieuse Kronberg Academy, où elle retrouve Tabea Zimmermann, son mentor de toujours.
Elle a la chance, dès lors, de se produire régulièrement à la Pierre Boulez Saal de Berlin.
Berlin, un style de vie
Même si le premier hiver est dur, Sindy tombe amoureuse de la dynamique culturelle berlinoise. Elle découvre des salles de musique de chambre dont elle devient assidue, la possibilité d’étendre ses études, de ralentir le rythme pour travailler parallèlement, de goûter à la vie professionnelle sans sacrifier son apprentissage. “ J’étais tout le temps dehors : concerts, petits salons, rencontres entre écoles… À Paris, je n’avais jamais connu une telle effervescence ”, se souvient-elle avec émotion.
Et puis au-delà de la ville, Sindy tombe amoureuse d’un Allemand, et son coeur s’attache indéfiniment à la Haupstadt. “ Mon compagnon, m’a aussi fait découvrir toute la vie berlinoise : les restaurants, les bars, les musées, les galeries à chaque coin de rue…”
Ce que Sindy aime de Berlin ne se réduit pas aux scènes ou aux salles de concert : c’est la liberté. La ville qui souffle. Le fait qu’une femme puisse sortir tard le soir sans se poser mille questions. L’espace, la tranquillité, la végétation, le mélange des nationalités. L’absence du jugement permanent.
Elle le dit volontiers, aujourd’hui, Berlin est sa maison.
Berlin, la vie de maman
Aujourd’hui maman, Sindy évoque avec douceur son rôle de mère, profondément marqué par sa vie en Allemagne.
“ En France, j’avais toujours eu cette impression qu’un enfant devait s’adapter au monde des adultes ”, confie-t-elle. “ Ici, j’ai compris que c’est aussi à nous, les parents, de nous adapter à nos enfants. ”
Sans renier sa fermeté, elle revendique une approche plus apaisée : “ Je reste une maman stricte, mais j’ai adopté naturellement cette forme d’éducation positive. Le système allemand aide beaucoup : on te laisse respirer, prendre ton temps. En France, tout va trop vite, il faut se remettre, retravailler, trouver une crèche… Ici, la société te permet d’être mère autrement. ”
Elle marque une pause, puis ajoute dans un sourire : “ C’est ça, la différence. À Berlin, j’ai du temps. Et ce temps-là, c’est un luxe. ”
Ses bonnes adresses à Berlin
Marc pâtisserie
Reuterstraße 53, 12047 Berlin
Lundi – Mardi : fermé
Mercredi – Dimanche : 12 h – 18 h
https://marc-patisserie.de
Stella Alpina, restaurant italien
Suarezstraße 4, 14057 Berlin
Tous les jours de 17 h à minuit
Kühlhaus Berlin : évènements culturels, concerts
Luckenwalder strasse 3, 10963 Berlin
L’album Farasha
Son album Farasha est sorti le 29 août 2025 chez Berlin Classics.
Artistes principaux : Sindy Mohamed-Alto, Julien Quentin-Piano, Wassim Mukdad-Oud, Serdar Saydan-Riq
Sindy Mohamed sera en concert le 1er novembre 2025 à 19h30 à Kühlhaus Berlin.
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