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Amandine Thiriet, ambassadrice de la chanson française à Berlin

Amandine Thiriet Amandine Thiriet
© Juliana Bitton pour Lepetitjournal.com Allemagne
Écrit par Juliana Bitton
Publié le 23 décembre 2021

Amandine Thiriet est une chanteuse-autrice-compositrice, également musicienne et comédienne française qui habite aujourd’hui à Berlin. Dans un entretien accordé à la rédaction, elle nous parle de son amour pour le chant, son parcours et le monde de demain.

 

Nous avons rencontré Amandine dans un café du quartier branché et décalé de Kreuzberg. Notre conversation avec l’artiste révèle une femme déterminée, talentueuse, et engagée. Originaire de Metz, la chanteuse à demi-italienne est tombée sous le charme de Berlin il y a quelques années. Elle vit aujourd’hui dans la capitale allemande où elle est impliquée dans de nombreux projets franco-allemands, notamment avec sa structure artistique francophone « Sur Mesure ». Retour sur cet échange inédit.

 

Lepetitjournal.com/berlin : vous avez effectué de nombreuses années au conservatoire, vous faites du théâtre, vous chantez aussi. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire vos propres chansons et d’enregistrer vos propres albums ?

Amandine Thiriet : quand j’étais toute petite, je voulais tout le temps chanter dans les fêtes de famille, et j’ai même demandé à mes parents d’aller à « l’école des fans »… Et puis mes parents m’ont finalement inscrite dans une école de musique où j’ai appris le piano et le solfège à un niveau assez élevé avec des professeurs assez sévères. Quand je suis arrivée à l’adolescence, mes professeurs m’avaient un petit peu découragée parce qu’il arrive un âge où l’on a moins envie d’être dans la discipline et plus dans le plaisir. Vers 9-10 ans j’ai commencé à faire du théâtre qui est devenu ma nouvelle passion. Adolescente, je me suis dit « ah mais le théâtre c’est ça que j’aime, la musique je n’y arriverai pas ! » et donc je me suis plus consacrée au théâtre.

J’ai fait tout de même des études de lettres et un parcours universitaire mais j’ai commencé à travailler comme comédienne à Strasbourg et après à Paris aussi pendant 10 ans. Mais comme j’avais une bonne formation musicale je me retrouvais très souvent dans des spectacles où il fallait chanter ou jouer d’un instrument. Au bout d’un moment, j’ai créé ma compagnie à Paris avec la comédienne Sandrine Clarac, on faisait de la poésie, des chansons, et moi j’aimais beaucoup le répertoire de la « vieille chanson française », des années 30 aux années 60 : Piaf, Brel… mais je ne me considérais pas comme une chanteuse-musicienne mais plutôt comme une comédienne.

Quand j’ai décidé d’aller vivre à Berlin, en arrivant dans la capitale allemande, c’était un peu plus difficile d’obtenir des contrats pour le théâtre à cause de la langue et je n’avais pas le réseau que j’avais à Paris. J’ai donc fait un peu moins de théâtre mais j’ai pu réaliser ce que finalement j’avais envie de faire depuis longtemps et qu’à Paris je n’avais pas osé affirmer : faire de la chanson ! J’avais commencé à écrire des chansons un peu pour moi mais je n’avais jamais osé les chanter et peu à peu, ici j’ai commencé à en chanter quelques-unes dans mes programmes de reprise. Jusqu’au jour où, alors que j’avais assez de chansons écrites, une personne qui organisait un festival autour de la chanson française m’a proposé de chanter mes propres chansons. Je me suis dit « wow mes chansons, carrément ! » (Rires). C’était en 2015 et je me suis dit que c’était l’occasion de m’affirmer non plus comme chanteuse ou comédienne mais comme une chanteuse-autrice-compositrice. A partir de ce moment-là, j’ai commencé à travailler avec Marco Turriziani, un musicien italien que j’avais rencontré à Berlin dont j’aimais beaucoup l’univers. Nous nous sommes très bien complétés. Il m’a composé quelques mélodies et dès 2015 j’ai travaillé avec lui sur un album qu’on a sorti seulement en 2019 ! Ça a pris 4 ans car c’était un gros travail que d’écrire, produire et enregistrer tout cela jusqu’à la sortie.

 

Les instruments qui accompagnent votre voix sont très classiques (piano, violon) et vous jouez du piano et de l’accordéon. Quelqu'un vous a-t-il transmis cette passion pour la musique ou vous êtes-vous initiée seule ?

Je me suis initiée seule. Quand j’étais petite je voulais tout le temps chanter mais personne n’était musicien chez moi, enfin en tout cas pas officiellement. Je suis à moitié Italienne, j’ai un grand-père qui chantait tout le temps sur les chantiers, peut-être que c’est de ça dont j’ai hérité ! (Rires) Mais en tout cas, il n’y avait pas de vrais musiciens dans ma famille. Mon père a appris le piano en même temps que moi pour m’accompagner. J’ai appris l’accordéon toute seule, je n’ai pas pris de cours. Je trouvais que dans les pièces de théâtre, le son de l’accordéon apportait beaucoup de choses, je m’en suis acheté un et ça fait presque 20 ans que j’en joue en autodidacte. Je ne suis pas vraiment instrumentiste, je joue surtout pour m’accompagner, j’ai un bon niveau mais je ne me lance pas dans des solos. J’aime bien aussi me faire accompagner par de très bons musiciens parce que ça permet de mieux partager les tâches. Le musicien ou la musicienne joue vraiment, peut s’amuser à faire des fioritures, un solo, quelque chose qui porte. Il est concentré sur son instrument et moi je me concentre sur la voix, l’interprétation, le jeu. Chacun a son rôle ! Je joue avec tout un tas de musiciens différents. C’est le grand plaisir que ce métier apporte, être plusieurs sur scène parce qu’il y a quelque chose qui se passe, on s’accompagne, on se porte, c’est vraiment comme un dialogue, un peu comme au théâtre !

 

Amandine thiriet chanteuse berlin
Pidji Photography / Pierre-Jérôme Adjedj

 

Vous chantez principalement en français et pourtant vous vivez à Berlin. Pourquoi vous êtes-vous installée dans cette ville ? Vous inspire-t-elle ?

Je suis venue à Berlin suite à un coup de foudre pour la ville. Avec mon compagnon, nous sommes venus rendre visite à une amie et on a trouvé que cette ville avait vraiment quelque chose de chouette, une belle vibration. Nous y sommes revenus régulièrement entre 2004 et 2010, plusieurs fois par an comme font beaucoup de Français d’ailleurs, pour s’inspirer un peu de la ville. Chaque fois qu’on était à Berlin, on s’y sentait très bien et quand on revenait à Paris on pensait beaucoup à Berlin. A un moment, on s’est dit qu’il fallait qu’on fasse le pas, qu’on essaie d’y vivre. A l’époque on avait un projet de théâtre franco-allemand donc ça tombait bien. On devait y rester un an et finalement on y est depuis déjà 10 ans !

C’est une ville qui paradoxalement m’inspire beaucoup même si j’écris, chante et joue en français. Mais je trouve hyper agréable d’amener la culture française dans une ville étrangère. Mercredi soir j’ai donné un concert sur l’amour dans la chanson française et donc j’ai raconté plein d’anecdotes que les Allemands ne connaissent pas, sur les guinguettes, la java, les petits bals parisiens… j’aime beaucoup me faire un peu l’ambassadrice de la culture française ici et ça marche très bien !

A part ça, Berlin m’inspire car c’est une ville internationale, il y a beaucoup d’horizons, c’est un peu un carrefour et j’aime beaucoup ce mélange ! C’est aussi une ville très vaste, avec beaucoup de place, de temps. Pour un artiste, c’est très précieux car on a un espace-temps dans lequel on peut créer. La ville en soi m’intéresse aussi, historiquement puisque c’est une plaie ouverte avec ce qu’elle a vécu. Quand je vais donner des concerts en français dans l’ex Allemagne de l’Est dans des petits villages où les gens n’ont jamais appris le français, j’aime vraiment ce lien que je peux créer !

 

Vous avez fait une classe préparatoire littéraire, des études de lettres et vos paroles sont très travaillées. Est-ce important pour vous d'allier poésie, musique et chant?

C’est très important pour moi, c’est pour ça d’ailleurs que je mets beaucoup de temps pour écrire une chanson ! Je me sens très littéraire, j’aime bien travailler une chanson jusqu’à trouver les bonnes formes poétiques. C’est peut-être aussi pour ça que j’aime bien fouiller et chercher de vieilles chansons. J’ai d’ailleurs pour projet de sélectionner des chansons des années 20 avec une chanteuse lyrique. Je m’inscris complètement dans les chansons à texte. Au Festival Brassens par exemple auquel je participe ce weekend, il y a cette tradition-là. Mais c’est vrai que c’est moins facile de se placer dans le monde d’aujourd’hui, dans le panorama de la chanson actuelle. Je ne suis pas dans quelque chose de mainstream, je suis dans un courant plus traditionnel mais je ne cherche pas non plus le succès à tout prix, ce que je cherche c’est transmettre quelque chose ! Si je trouve un public qui aime ça, c’est déjà une réussite, je n’ai pas besoin de convaincre tout le monde.

 

Vous parlez dans votre chanson « les enfants de berlin » de tout réinventer. Que voulez-vous dire par là ? Le monde de demain est-il à réinventer selon vous ?

Ah oui, il faut vraiment faire quelque chose ! C’est vrai que je suis assez engagée. Je m’occupe d’une association appelée les « matermittentes » qui s’occupe des congés pour les intermittentes et les artistes en France. Les droits des femmes et des enfants, les réflexions sur la planète, ou encore les questions sociales sur les réfugiés, sont des sujets qui m’importent beaucoup et pour lesquels je m’engage lorsque j’ai le temps. Je suis persuadée qu’il faut qu’on fasse des choses rapidement pour changer cette planète au niveau écologique, économique et social.

Lorsque je suis arrivée à Berlin, ma fille avait 2 ans. Lorsque nous étions à Paris, c’était très difficile car les parcs ne sont pas très grands, il y a pleins d’endroits qui refusent les bébés… c’était assez compliqué. Alors qu’à Berlin, les parcs sont immenses, je pouvais l’emmener partout. J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup d’enfants à Berlin, il y a des quartiers où le taux de natalité est extrêmement élevé comme à Prenzlauerberg. Ce sont des enfants qui sont à l’air libre, ils sont souvent tout sales, ils ont un espace de liberté que j’ai rarement vu en Europe, ils sont aussi souvent polyglottes. Je m’étais d’ailleurs demandé si ces enfants qui vivent plus librement, dans le partage et avec une autre relation à la nature, allaient représenter un espoir pour changer le monde, s’ils pouvaient apporter une nouvelle façon de vivre ou si cela allait créer un petit ilot d’enfants inadaptés. J’ai écrit cette chanson il y a 7-8 ans et maintenant il y a Greta Thunberg et quelque part ça répond à ma question ! Les enfants de ma chanson deviennent les Fridays for future, les Greta Thunberg ! (Rires)

 

 

Le coronavirus a bouleversé de nombreux projets artistiques pour certains. Pour d’autres, cette période a permis de produire plus. Qu’en est-il pour vous ?

Au début, le coronavirus a été un coup dur. Il y a eu une journée où on a reçu tout un tas d’annulations. Cela a été assez violent. On ne pouvait même pas travailler tellement on était sous le choc des nouvelles. Je me suis vraiment demandé pendant une semaine ou deux ce qu’on allait faire ! Les artistes en Allemagne sont indépendants donc quand on ne travaille pas on n’a pas de revenus. J’attendais des sous qui n’arrivaient pas, c’était très angoissant ! Et puis il y a eu la « Soforthilfe », une aide spontanée de 5000€ pour tous les indépendants. Ça a été très rapide même si la liste d’attente était longue. Cette aide prévue pour 3 mois nous a sauvés ! A partir de fin juin 2020, j’ai eu des propositions très intéressantes, des festivals, des concerts, pas mal de travail concentré entre juin et septembre. Cette année, j’ai reçu une bourse de la GEMA pour écrire de nouvelles chansons et un projet de spectacle multidisciplinaire (musique, textes, vidéo, photo) sur le thème des femmes après 40 ans. Et dans les prochains mois, j’espère faire une première lecture d'un nouveau spectacle jeune publique avec Pierre-Jerôme Adjedj, au sein de notre compagnie Sur Mesure Berlin. Les projets reprennent donc.
 

En bref, le début de la crise sanitaire a été assez dure professionnellement, mais j’ai pu passer du temps avec mes enfants. Cette période n’a pas été très créative en revanche parce que j’étais très occupée avec ma famille mais j’ai trouvé cela très intéressant de rester chez soi, se poser. Je suis souvent en vadrouille, à Rome, Paris, Berlin. C’est rare de rester aussi longtemps à la maison. J’ai trouvé qu’il y avait à prendre de cette situation intéressante humainement pour cette idée de ne pas être dans un flux. Peut-être que j’écrirai des chansons plus tard sur cela ! 

 

 

Retrouvez Amandine en 2022 lors de ses prochains concerts et spectacles :

  • Une soirée chanson française en jazz avec le pianiste Nicolas Mialocq, le dimanche 20 février à 17h, au Centre Bagatelle (centre franco allemand à Berlin-Frohnau).
  • Une soirée chanson française avec Barbara Klaus Cosca à l’accordéon pour leur duo Saltim’band, le jeudi 07 avril à 19h30, IBZ à Rüdesheimerplatz.

- Une fois par mois à l’Institut français pour des animations-concerts pour tout petits, les "P’tites Notes".

 

Pour suivre l'actualité d'Amandine, rendez-vous sur son site internet.

 

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