Inauguré un peu moins de dix ans après la chute du mur de Berlin, le « Molecule-Man » attire de nombreuses interrogations sur son histoire et sa symbolique. Fruit de l'artiste américain Jonathan Borofsky, les trois hommes en aluminium représentent, en partie, le renouveau de la capitale allemande.
Leurs pieds effleurent la Spree depuis bientôt 20 ans et donne ainsi une impression de lévitation. Pourtant, ils font plus de 35 tonnes d'aluminium ce qui représente... l'équivalent d'un Airbus A320. Perchées à 30 mètres de hauteur, les trois silhouettes du « Molecule-Man » surveillent la capitale entre les ponts d'Oberbaumbrücke et d'Elsenbrücke. Leur père, l'artiste américain Jonathan Borofsky, les a abandonnés dans ces eaux en 1997 pour représenter l'unité berlinoise après la chute du mur. Leurs bras ne forment qu'un à l'exacte frontière entre le quartier occidental de Kreuzberg et les « Bezirke » de Friedrichschain et Treptow, sous ancienne occupation soviétique. Les trois districts ne sont devenus plus que deux (Friedrichschain-Kreuzberg et Tretow-Köpenick) à la suite de la réforme administrative intervenue en 2001. Mais les trois comparses en aluminium sont restés, à la même place, fidèles à leur histoire.
Des homologues américains
"A l'origine, j'étais fasciné par cette idée de molécule. Malgré notre aspect solide, nous sommes en réalité composés d'une structure moléculaire, en grande partie faite d'eau et d'air". Cette inspiration Jonathan Borofsky explique l'avoir eue devant la couverture d'un magazine sportif américain. Deux joueurs d'une équipe collégiale se rejoignaient les bras ouverts pour fêter la victoire de leur équipe en finale du « National Invitational Tournament ». Fasciné par cette idée d'union et d'égalité biologique, l'artiste réalise une première ?uvre avec quatre hommes (ou deux selon le point de vue) dont les bras et les pieds se relient. Cette sculpture, bien moins populaire que l'entité berlinoise, est exposée à Los Angeles entre le quartier-général de la police et une prison fédérale : "Avec cet emplacement, j'ai voulu symboliser la vie, la cohabitation et le respect de tous". A Berlin, son travail représente les mêmes valeurs après la chute du mur : "Les molécules de tous les hommes se rejoignent pour créer l'existence. Le symbolisme est particulièrement poignant parce que la Spree marquait la division est et ouest" », explique-t-il.
Le renouveau artistique et des expérimentations sportives
Aussi appelés « Dreikäsehoch » (les formages puissance 3) ou « Calgon-Männer » (les hommes calgons) par les plus inventifs, ces trois hommes sont le point de départ de la vie artistique berlinoise. Cette association du courant minimaliste avec l'influence du pop-art des années 60 à 70 a été, dans l'ensemble, bien accueillie par la population. Exposée aux yeux de tous, l'?uvre a permis, par la suite, à de nombreux artistes à s'exposer dans les rues ou à libérer leur imagination au grand public.
Près de trente ans après son inauguration, les courbes de ces corps ne passent toujours pas inaperçues. Pour de nombreuses personnes, elles attirent même des convoitises insensées. L'année dernière, un jeune sportif de l'extrême qui sévit sous le nom de « Mustang Wanted », avait grimpé en haut de la statue sans aucune protection. Cet Ukrainien, connu pour ces parcours de « Skywalking », en avait retiré des clichés pour les afficher sur les réseaux sociaux. D'autres, plus organisés, se sont improvisés une petite session d'escalade aux aurores?
Climbing Molecule Man from Ryan Walsh on Vimeo
Antoine Belhassen (www.lepetitjournal.com/berlin) jeudi 10 décembre 2015