La Cour constitutionnelle de Thaïlande a accroché vendredi à son tableau de chasse un énième parti anti-establishment en ordonnant la dissolution de l’un des principaux partis d'opposition connu pour tenir tête au pouvoir militaire. La cour l’a jugé coupable d'avoir contracté un prêt illégallement auprès de son fondateur.
La dissolution du parti Anakot Mai -ou de son nom anglais Future Forward- intervient moins d'un an après la tenue d'élections générales par la Thaïlande qui ont mis fin à cinq ans de régime militaire. Et elle renforce la position au Parlement d'une coalition dirigée par le Premier ministre, Prayuth Chan-O-Cha, l'ancien chef de la junte qui a pris le pouvoir lors d'un coup d'État en 2014.
Fondé par le jeune milliardaire charismatique Thanathorn Juangroongruangkit, Anakot Mai avait vivement critiqué la mainmise des militaires sur la politique. Ce jeune parti avait créé la surprise en se classant troisième aux élections de 2019, avec le soutien de nombreux jeunes pour remporter 81 des 500 sièges de la chambre basse du Parlement.
La cour a estimé que le parti avait enfreint la loi en acceptant un prêt de 191,2 millions de bahts (5,59 millions d’euros) auprès de son fondateur.
"Le parti doit être dissous conformément à la loi de 2017 sur les partis politiques", a déclaré le juge de la Cour constitutionnelle, Panya Utchachon dans sa décision.
Le tribunal a également banni Thanathorn et à 15 autres dirigeants d'activité politique pendant 10 ans.
Les autres députés du parti conserveront leur siège et pourront former un nouveau parti, mais le bannissement de ses dirigeants réduira le poids de l'opposition au Parlement et sa capacité à bloquer l'agenda de Prayuth Chan-O-Cha.
Le parti pro-armée de Prayuth est arrivé premier lors des élections, mais les partis d'opposition ont dénoncé les lois électorales écrites par la junte qu’ils estiment conçues dans le seul but de permettre à l'establishment militaire de garder le contrôle de la politique et de maintenir Prayuth au pouvoir.
La bête noire des partis honnis par l’establishment
Le mois dernier, la Cour constitutionnelle avait rejeté les accusations selon lesquelles Anakot Mai cherchait à renverser la monarchie, allégations qui aurait pu le voir dissous dejà à ce moment là.
Vendredi, le tribunal a déclaré que le prêt consenti au parti équivalait à un don car il ne respectait pas les pratiques commerciales en matière de prêts. La loi électorale limite les dons d'un individu à 10 millions de bahts (34.000 €).
Le parti et Thanathorn ont nié tout acte répréhensible.
"Si nous pouvions remonter le temps ... nous ferions la même chose car c'est transparent et vérifiable", a-t-il déclaré dans un post sur Facebook cette semaine.
La cour constitutionnelle a déjà dissous près d'une demi-douzaine de partis ces dernières années en commençant par deux partis de l’ancien Premier ministre déchu Thaksin Shinawatra, le Thai Rak Thai en 2007 et le Palang Prachachon en 2008, avant de destituer en 2014 la sœur de ce dernier, Yingluck Shinawatra, de son poste de Premier ministre, quelques jours avant le coup d’Etat mené par Prayuth Chan-O-Cha contre le gouvernement de celle-ci. En mars dernier, a deux semaines des élections tant attendues, la Cour a également dissout le parti Thai Raksa Chart, un important élément du dispositif politique du clan Shinawatra, pour avoir intégré sur ses listes la sœur du roi.
En novembre dernier, la Cour constitutionnelle avait retiré à Thanathorn son mandat de député pour avoir détenu des actions dans une société de médias au moment de l'enregistrement de sa candidature aux élections. Thanathorn a contesté la décision.