Plusieurs milliers de Thaïlandais ont participé dimanche à la "course contre la dictature" organisée à Bangkok par l’opposition au gouvernement de Prayuth Chan-O-Cha, tandis qu’une marche en soutien à ce dernier avait lieu en parallèle à quelques kilomètres.
Selon l'estimation de la police, plus de 12.745 coureurs et supporters se sont rassemblés en tenue de sport et chaussures colorées peu avant le lever du soleil pour participer à l'événement dans le parc Souan Rot Fai dans le nord de la capitale.
Certains d'entre eux scandaient des slogans du type "Prayuth, dehors!" ou "Vive la démocratie!" en effectuant le parcours de 2,6 km sous la surveillance d’un dispositif policier très léger. Beaucoup ont également fait le salut à trois doigts synonyme de résistance à l'autorité.
"Je veux que les choses s'améliorent", a déclaré Waraporn Waralak, 45 ans, de Bangkok, après avoir terminé sa course. "Je veux que Prayuth s’en aille."
Le gouvernement thaïlandais est dirigé par le Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, ancien général de 65 ans qui a dirigé une junte militaire de 2014 à 2019, avant d’être reconduit à la tête des affaires du pays à l’issue d’élections tenues en mars dernier, scrutin que l'opposition dénonce comme manipulé pour favoriser celui qui a mené le coup d'Etat de 2014 et son parti pro-armée.
"Il s'agit du plus grand rassemblement depuis le coup d'État", a déclaré Anusorn Unno, doyen de la faculté de sociologie et d'anthropologie de l'Université Thammasat de Bangkok, ajoutant que l’aspect pacifique de l'événement a favorisé une participation plus importante.
Une foule enthousiaste s’était massée pour suivre le défilé sportif tandis que les organisateurs vendaient aux enchères des dossards portant des numéros significatifs au regard de la politique thaïlandaise, comme le 2475, correspondant à l'année de la révolution ayant mis fin à la monarchie absolue en 1932 selon le calendrier bouddhiste.
Sous des acclamations nourries, un dossard portant le numéro 0044, en référence à l'article 44 -qui, sous l'ancienne junte, conférait à Prayuth un pouvoir exécutif absolu-, a été déchiré sur scène.
L'événement s'est déroulé conformément aux droits des personnes et aucune loi n'a été enfreinte, a déclaré une porte-parole du gouvernement à Reuters.
Cette course fait suite à une flash-mob organisée le mois dernier par Thanathorn Juangroongruangkit, dirigeant du parti progressiste Anakot Mai (Future Forward en anglais), l'adversaire le plus éloquent du nouveau gouvernement civil thaïlandais.
Thanathorn a été accusé vendredi d'avoir enfreint une loi sur les rassemblements publics lors de la manifestation de décembre, et Anakot Mai risque par ailleurs d'être dissous le 21 janvier par la Cour constitutionnelle.
Courir ou marcher ?
L'événement de dimanche s’intitulait en thaï "Wing Lai Loong", qui se traduit par "Courir pour éjecter l’Oncle", en référence au surnom de Prayuth "Oncle Tu".
Cela a amené les pro-gouvernementaux à organiser "la Marche pour acclamer l’Oncle", dans un autre parc à une dizaine de kilomètres, un événement concurrent destiné à exprimer leur soutien à Prayuth et auquel des milliers de personnes ont également participé.
Les vues diamétralement opposées des deux camps avaient de quoi réveiller les souvenirs des manifestations entre "chemises jaunes" et "chemises rouges" qui ont rythmé la vie de la capitale thaïlandaise entre 2006 et 2014.
Les partisans de Prayuth vantaient dimanche les vertus du nationalisme, brandissant le drapeau thaïlandais, tout en qualifiant Thanathorn et ses partisans de "haïsseurs de la nation" pour leurs vues libérales.
Ils se sont mis à frapper à tour de rôle avec un bâton en bois des grandes piñatas en forme de fruits, pour symboliser leur mécontentement vis-à-vis d’Anakot Mai, l’orange symbolisant notamment la couleur officielle du parti.
Si les deux manifestations rassemblaient chacune des gens de tous âges, les partisans de Prayuth étaient dans l’ensemble plus âgés.
"Nous soutenons le Premier ministre parce qu'il fait preuve de loyauté envers la monarchie, notre roi", a déclaré Sorasak Katkonganapan, un retraité de 62 ans lors de la marche qui se déroulait au parc Lumpini dans le centre-ville.