Une bombe a explosé lundi dans un hôpital militaire du centre de Bangkok, faisant 21 blessés. L'attaque intervient le jour anniversaire du coup d'Etat par lequel l'armée avait pris le pouvoir en 2014 dans le royaume alors très divisé politiquement et qui se dirigeait vers une délicate succession royale.
L'explosion d'un engin de faible puissance dans un hôpital militaire de Bangkok lundi matin a blessé plus de 20 personnes dont une gravement.
"Selon les premiers éléments de l'enquête, je peux dire qu'il s'agit d'une bombe", a déclaré devant la presse à l'hôpital Srivara Rangsibrahmanakul, haut responsable de la police.
Bombe bourrée de clous
L'engin de petite taille -mais dont la police estime qu'il avait la capacité de tuer- s'est déclenché dans la matinée à proximité d'une aile VIP de l'hôpital du roi Mongkut dans une salle d'attente où les patients, familles de militaires comme civils, attendent de recevoir les médicaments prescrits.
Le directeur de l'hôpital, Saroj Keokajee, a indiqué que cette "bombe de faible intensité" avait blessé 21 personnes parmi lesquelles d'anciens soldats et leurs familles.
"Huit ont été hospitalisées pour examiner leur état... parmi elles, une femme a dû être opérée pour des éclats au visage", a-t-il ajouté.
L'hôpital n'a pas dû être évacué, la bombe ayant fait peu de dégâts. Néanmoins, le bilan aurait pu être plus lourd, a expliqué Chakthip Chaijinda, le chef de la police thaïlandaise, car "des clous avaient été placés dans l'engin".
"Les gens qui ont fait cela sont cruels", a-t-il dit aux journalistes. "S'ils (les clous) avaient touché directement, ils auraient pu entrainer la mort".
Longue histoire d'attaques à la bombe
Les explosions de bombes de faible intensité ne sont pas rares dans le royaume, notamment dans les périodes de trouble politique comme les manifestations de 2013-2014 ayant précédé le coup d'Etat.
Et la Thaïlande a une longue histoire d'attentats à l'explosif sur des dates symboliques perpétrés par des factions politiques ou des indépendantistes liés à l'insurrection du sud musulman.
Mais il peut arriver aussi que ces actions soient perpétrées par le propre camp des "victimes" ou cibles supposées pour accabler le camp adverse.
Peu après le coup d'Etat militaire de 2006, une série d'explosions le soir du réveillon avait fait trois morts et plusieurs blessés dans divers endroits de la capitale. Les auteurs de ces crimes n'ont jamais été officiellement identifiés. Mais la seule piste sérieuse évoquée à l'époque par les enquêteurs, était celle "d'hommes en uniformes" proches du cercle du pouvoir ayant pu agir pour ou contre ce dernier (lire aussi notre article du 9 janvier 2007).
Lundi, la police ne privilégiait cependant aucune piste: acte isolé, protestation contre la mainmise des militaires sur le pouvoir, ou bombe artisanale ressemblant à celles des indépendantistes musulmans de l'extrême sud.
Le chef de l'armée Chalermchai Sitthisart a en revanche indiqué à la presse que cette bombe était similaire à deux engins ayant explosé ces dernières semaines à Bangkok sans faire de blessés.
Mi-mai, une petite bombe avait été déclenchée devant le théâtre national de Bangkok, et début avril une autre avait provoqué uniquement des dégâts matériels devant l'immeuble de la loterie nationale.
Les deux charges explosives étaient trop faibles pour provoquer des blessures significatives. Mais selon la police, la bombe de lundi, bien qu'identique aux deux précédentes par la taille, était plus dangereuse car elle était remplie de clous.
L'attentat le plus meurtrier dans la capitale thaïlandaise remonte au mois d'août 2015, lorsqu'une bombe avait explosé en plein centre de Bangkok, au sanctuaire Erawan, faisant vingt morts dont de nombreux touristes chinois.
Quel que soit le motif, cette explosion risque de raviver les tensions politiques dans un royaume qui reste très divisée.
Anniversaire du coup d'Etat
Cette explosion survient le jour du troisième anniversaire d'un coup d'Etat par lequel les militaires ont pris le pouvoir en Thaïlande, mettant depuis à mal de manière croissante les libertés civiles et muselant toute velléité d'opposition.
Depuis le coup d'Etat du 22 mai 2014, les militaires n'ont pas lâché de lest: les manifestations politiques restent interdites et aucune date n'a été donnée pour les prochaines élections.
Lundi, aucun événement n'était prévu pour marquer le troisième anniversaire du coup d'Etat, ni du côté de la junte ni du côté de l'opposition.
Seuls quelques universitaires se sont réunis dans la matinée à la prestigieuse université Thammasat, berceau de la contestation étudiante par le passé, pour évoquer la répression des libertés civiles.
"La répression est très efficace. Avec toutes les mesures prises ces trois dernières années pour réduire le peuple au silence, il ne faut pas s'étonner qu'il n'y ait pas de véritable opposition à la junte", a déploré parmi eux Saowanee Alexander, professeur de linguistique.
L'ex-Première ministre Yingluck Shinawatra, dont le gouvernement civil a été renversé par le coup d'Etat de 2014, a toujours appelé jusqu'ici ses partisans, le puissant mouvement des Chemises rouges, à la retenue.
Mais dans un communiqué publié sur Facebook pour marquer l'anniversaire du coup d'Etat, Yingluck Shinawatra a regretté un manque de "réformes concrètes" et prévenu que ces trois ans de régime militaire risquaient de se révéler une "perte de temps".
"Cela fait trois ans que les Thaïlandais espèrent la paix, la réconciliation et le respect des lois dans ce pays, afin que nous cessions de nous battre", a commenté Yingluck, lundi matin, à l'occasion de cet anniversaire, avant l'explosion de la bombe.
Le coup d'Etat de 2014 avait été justifié par les militaires par la nécessité de défendre la monarchie, alors que le roi Bhumibol Adulyadej était hospitalisé et très affaibli depuis des années, après 70 ans de règne. Son fils, le roi Maha Vajiralongkorn, qui est loin d'avoir sa popularité, lui a succédé après le décès du monarque en octobre.
P.C. avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) mardi 23 mai 2017