Plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés samedi près du parlement thaïlandais après que la chambre basse a rejeté une motion de censure contre le Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha et neuf ministres concluant ainsi quatre jours de débats de censure.
"C’est décevant, mais on s’y attendait", a déclaré Attapon Buapat, un leader de la manifestation qui comptait environ un millier de personnes.
Les organisateurs ont assuré que le rassemblement ne deviendrait pas violent, après les affrontements de la semaine passée devant le Grand Palais.
"Nous voulons une manifestation pacifique", a insisté devant les journalistes Panusaya "Rung" Sithijirawattanakul, l’une des figures de proue du mouvement protestataire, après s'être entretenue avec la police. "Il n'y a aucune raison pour que la police interrompe ce rassemblement."
Quelque 4.000 policiers avaient été mobilisés, selon le porte-parole adjoint de la police, Kissana Pattanacharoen, ce dernier précisant que le rassemblement violait un décret d'urgence visant à contrôler l'épidémie de coronavirus.
Quelques heures plus tôt, les députés avaient voté en majorité en faveur de Prayuth et de neuf autres ministres à l’issue d’une motion de censure déposée par l’opposition au regard de la stratégie vaccinale contre le coronavirus jugée trop lente et opaque, et de la politique économique.
"Le débat s'est bien déroulé, mais le gouvernement doit continuer son travail", a déclaré Prayuth Chan-O-Cha dans un podcast après le vote. "Je voudrais demander à tous les Thaïlandais de travailler ensemble pour faire avancer le pays."
481 députés étaient présents pour voter pour ou contre les 10 ministres faisant l’objet de la motion de censure. Prayuth Chan-O-Cha a reçu le 3e meilleur vote avec 272 voix "pour", exæquo avec trois autres ministres. Devant lui, son vice-Premier ministre, Prawit Wongsuwon, considéré comme le personnage le plus influent du cabinet, a reçu 274 votes favorable, ainsi qu’un certain Thammanat Prompao, vice-ministre de l’Agriculture dont la nomination en 2019 avait suscité des critiques en lien avec un passé judiciaire douteux. En haut de liste trône le ministre de la Santé, Anutin Charnvirakul, avec 275 votes favorables.
Vote gagné d'avance
Il s'agissait du deuxième vote de défiance auquel le gouvernement de Prayuth était confronté depuis sa formation en 2019, le précédent ayant eu lieu en février 2020.
Les députés de l’opposition ont promis qu’ils continueraient à enquêter. "Nous avons ouvert une plaie et nous allons maintenant verser du sel dessus", a déclaré aux journalistes Pita Limjaroenrat, chef du parti Move Forward, après le vote.
Prayuth Chan-O-Cha, ancien chef de l’armée, a renversé un gouvernement élu en 2014 puis s’est maintenu au poste après les élections législatives de 2019. Ses détracteurs estiment que les élections étaient manipulées et inéquitables pour ses rivaux qui n’ont eu le droit de faire campagne que quelques semaines avant le scrutin alors que Prayuth enchainait depuis plusieurs mois les apparitions un peu partout dans le pays en tant que chef de la junte. Le gouvernement affirme pour sa part que les élections étaient libres et équitables.
Le vote de défiance, samedi, ne constituait a priori pas une menace directe pour Prayuth Chan-O-Cha, sa coalition gouvernementale disposant d’une confortable majorité à la chambre basse, tout particulièrement depuis que la Cour Constitutionnelle a dissous en février 2020 l’un des principaux partis d’opposition, Anakot Mai connu aussi sous le nom de Future Forward, et banni de politique une quinzaine de cadres dont le leader, Thanathorn Juangroongruangkit.
Le jugement de cette cour, connue pour avoir dissous une demi-douzaine de partis populistes et fait tomber trois Premiers ministres de la même mouvance ces 15 dernières années, avait aussitôt déclenché la colère d’une partie de la jeunesse dont les manifestations débutées dans les campus et sur les réseaux sociaux ont fait boule de neige et finalement débouché sur le mouvement anti-gouvernemental qui a rassemblé des dizaines de milliers de manifestants dans les rues en 2020 et osé défier la puissante monarchie.
La motion de censure intervient alors que les manifestations anti-gouvernementales se sont réactivées ces jours-ci après une pause forcée en raison de la deuxième épidémie du nouveau coronavirus qui a fait un peu plus de 20 morts en deux mois.
"C'est un moment déterminant en Thaïlande. Nous ne pouvons pas attendre, nous ne voulons pas que les gens pensent que c'est juste sur Twitter ou Facebook", a déclaré à Reuters un étudiant de 20 ans, Ngamluk Montim.
"Nous sortons pour faire entendre notre voix. Ce n'est que le début."