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INTERVIEW - Romain Duris, père de famille dépassé dans 'Nos Batailles'

Nos Batailles Romain DurisNos Batailles Romain Duris
Écrit par Elli Mastorou
Publié le 14 mars 2019, mis à jour le 18 février 2021

Le film franco-belge 'Nos Batailles' de Guillaume Senez sort ce jeudi 14 mars dans les salles de cinéma athéniennes. Romain Duris, interviewé par Elli Mastorou, nous confie ses batailles.

Éternel adolescent chez Klapisch (‘L’Auberge Espagnole’, ‘Le Péril Jeune’), pianiste fiévreux chez Audiard (‘De Battre Mon Cœur s’est arrêté’), bourreau des cœurs dans ‘L’Arnacoeur’, et même kidnappeur chez Oliver Stone (‘All The Money in the World’) : caméléon du cinéma français et international, Romain Duris dévoile une nouvelle facette inexplorée de son jeu dans le film franco-belge ‘Nos Batailles’ ( 'Οι αγώνες μας') de Guillaume Senez. Il y incarne un père de famille dépassé suite à la disparition mystérieuse de sa femme, et qui se retrouve à jongler entre le boulot, la vie privée et la vie de famille. Un rôle en forme de nouveau défi pour le comédien, principalement dans la manière de tourner, comme il nous l’a confié. Présenté en mai dernier à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes, le film sort ce 14 mars dans les salles de la capitale grecque.

nos batailles romain duris
@ Cinéart

Elli Mastorou : Qu'est-ce que ce rôle avait pour vous d'inexploré ?

Romain Duris : « Déjà, il y a la méthode. [NDLR : Le scénario ne comporte pas de dialogues, ceux-ci sont improvisés puis travaillés sur le tournage] Cette façon d'improviser... c'était la première fois pour moi, parce que quand même, c'est assez rare, d'avoir des scénarios comme ça, qui ne sont pas dialogués, qui ne sont que des descriptions des scènes... Faut maîtriser son truc, parce que ça peut vite être bordélique ! Mais Guillaume [NDLR, le réalisateur] était très fort pour diriger tout ça. Et franchement, du début à la fin, j'ai été pris par le truc. Et surpris, dans le bon sens.

Comment avez-vous géré cette nouvelle façon de jouer ? Comment est-ce que ça a nourri votre travail du rôle ?

Il faut arriver avec sa concentration, être très à l'écoute de tout ce qui se passe, ne pas oublier le fil, à savoir le début et la fin de la scène, ce qui doit se passer à l'intérieur... et après, lâcher, et juste être avec les autres. Donc c'est bien, parce que c'est un peu la base de notre métier, quoi. Mais c'est ce qui parfois disparaît quand il y a beaucoup de contraintes, que les films sont compliqués. Des films où la place du jeu d'acteur est moins présente, où elle doit se battre avec les obstacles. Et là, d’obstacles, il n’y en avait pas. C'était à chaque fois des vrais moments.

Et dans votre vie, y a-t-il des choses que vous considérez, ou avez considéré, comme une bataille ?

Oh oui, y en a plein, bien sûr, mais c'est trop personnel.

Vous ne vouliez pas être acteur à la base... votre carrière, ça a été une bataille ? 

Non, le mot est trop fort. Mais peut-être parce qu'à côté j'avais le dessin, donc une espèce de sécurité de pas me retrouver sans rien. Et ce truc-là, je le garde encore aujourd'hui : je me dis que ça peut s'arrêter demain, et ce n’est pas “un problème". Je ne peux pas mesurer à quel point ça me manquerait, mais j'ai cette espèce de confiance en la vie, qui serait différente, et qui ne me fait pas peur. Du coup, c'est pour ça que le mot bataille est trop fort. Je me suis battu pour avoir des rôles, oui, mais j'ai eu de la chance d'avoir quand même beaucoup d'offres... Donc c'est quand même une chance.

Pas de batailles professionnelles, donc… ?

Ben un rôle, c'est une bataille. Y en a qui sont plus dures que d'autres. Il y en a plein dont on ne sort pas indemne. Il y a des histoires qui ressemblent à des batailles, c'est clair. Après, voilà, le mot est un peu fort, parce que ça ne reste qu'un métier. Mais c'est vrai qu'il y a des personnages qui provoquent plus de guerres à l'intérieur, que d'autres.

Tomasi, Xavier... (dans ‘L’Auberge Espagnole’, NDLR)

Ça c'est des batailles agréables...

Est-ce qu'ils vous ont collé à la peau, avez-vous dû batailler contre une certaine image ?

Je n'ai jamais souffert de cette image, parce que j'ai toujours fait la part des choses. J'ai toujours très bien su à quel point un personnage peut bouleverser les gens, parce qu'il a quelque chose d'héroïque, mais que c’est un personnage, et que ce n’est pas moi. Depuis le départ, je vois très clair là-dedans, donc je n’ai pas eu à batailler pour me sortir de ça. Parfois j'ai disparu au théâtre, et les gens ne sont pas allés au théâtre... Après, évidemment, quelqu'un qui n'aurait vu que ‘Le Péril Jeune’, la série de ‘l'Auberge’, ‘L'Arnacoeur’ et le Audiard, bon... ce qui est déjà pas mal hein, mais ... je ne sais pas qui je suis pour cette personne-là, mais moi j'ai fait plein d'autres choses à côté, qui me sortent à chaque fois de ça. Après ‘L’Arnacoeur’, on m'a proposé des comédies pendant 2 ans, je n’ai pas suivi ! Je veux rebattre les cartes, et repartir ailleurs. Klapisch, c'est pareil, on m'en a envoyé plein, des personnages d'éternel adolescent, qui a du mal à s'engager avec une femme, qui vit dans ses doutes... j'ai toujours envoyé ça loin, parce que j'avais déjà fait ça ! C'est aussi à soi de sortir de là où on est attendu.

Du coup, est-ce que vous avez conscience de l'image que vous renvoyez ?

Pas vraiment, c'est très compliqué. Je n’ai pas envie en plus, d'avoir ce recul sur moi-même... ce n'est même pas moi, d'ailleurs, c’est l'image, finalement, de ce que dégagent mes films. C'est compliqué. Je n'ai pas le temps de réfléchir à ça. Moi je vais sincèrement dans les trucs, j'y vais avec qui je suis sur le moment, au maximum, vraiment, et voilà. C'est ma plus grande part de sincérité dans mon travail. Après, à quel point ça touche, à quel point c'est réussi ou raté, et après qu'est-ce qui ressort de ça au point de vue de l'image, ça me dépasse...

C’est vrai qu’on ne peut pas savoir à l'avance si un film va marcher ou pas. Il faut savoir lâcher prise, faire confiance au réalisateur...

Ah moi, je me dis toujours qu'on est en train de faire une bombe ! Et c'est pour ça que parfois je suis déçu. Mais moi c'est uniquement comme ça que j'arrive à créer. Après, pourquoi les gens vont plus vers tel film ou tel autre, on ne peut jamais en être conscient. Aujourd'hui c'est très compliqué de savoir ce qui attire les gens en salle. Par rapport à toute l'offre streaming, Netflix, tout le bordel... pourquoi d'un coup les gens iraient au cinoche ? Donc j'espère que ‘Nos Batailles’ fera parler de lui.

Le réalisateur Guillaume Senez a dit que c'est un film qui parle du mal qu'on a parfois à aider ceux qu'on aime... Vous êtes d'accord ?

Oui, complètement. Parfois on peut être avec une personne pendant cinq ans, et au moment de se séparer, on ne trouve pas les mots. C'est quand même fou. La dose d'intimité qu'on est capable d'avoir avec quelqu'un, et puis l'absence de parole. Et puis d'un coup y a des gens qui peuvent se livrer sur Facebook comme ils n'ont jamais écrit à leur propre père. Je ne sais pas si c'est de la peur, de ne pas savoir trouver les mots, mais en tout cas moi ça me parle complètement. Je vois tout à fait ce qu'il veut dire.

À quel point aussi quelqu'un d'intime peut devenir un étranger, comme Lucie, votre épouse dans le film, qui disparaît brutalement... 

Oui, tout à fait. Ce n’est pas un couple séparé avec garde alternée. Y a quand même ce mystère, ce truc de : "Pourquoi elle est partie ?" Qui est tout le temps là. Ça rajoute de la magie, du mystère, du poids...

Critique : 'Nos Batailles'

Le boulot, la météo, les enfants, les parents… On a tous, au quotidien, nos petites batailles à mener. Comme Olivier (Romain Duris), qui se débat entre une entreprise qui demande toujours plus, et une vie de famille chaotique mais joyeuse, avec ses deux enfants et sa femme Laura (Lucie Debay). Mais un jour, Laura ne rentre pas du boulot... Face à la disparition incompréhensible de sa femme, Olivier réalise qu'il va devoir batailler encore plus pour garder un équilibre dans sa vie. Son joli premier film ‘Keeper’ parlait déjà de relations entre parents et enfants. Avec ce nouvel opus, Guillaume Senez monte d’un cran, et aborde des sujets plus larges, mais toujours avec ce style de réalisation particulier, sans dialogues pré-écrits, où il laisse les acteurs improviser dans un contexte défini. Le résultat dégage une fraîcheur et une spontanéité, et même ceux qui d’habitude n’aiment pas Romain Duris en ressortent conquis. À ses côtés, les actrices Laure Calamy et Laetitia Dosch infusent le film de leur humour décapant. Dans la grisaille du quotidien, voici un film proche de nous, et qui fait du bien.

Un film de Guillaume Senez. Avec Romain Duris, Laure Calamy, Laetitia Dosch…

Durée: 1h38.

Langue du film : Français

Sortie Grèce : 14 mars

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