Mars a battu des records de pluie en Andalousie. Bonne nouvelle pour les réserves d’eau, mais cauchemar pour les habitants, pris entre inondations et dérèglements climatiques.


Quand l’eau reprend ses droits
L’eau, denrée rare sous le soleil d’Andalousie, s’est imposée comme une invitée trop pressante. En mars, la région a battu tous les records de précipitations depuis le début des relevés météorologiques. Plus de 300 litres d’eau par mètre carré sont tombés en un mois, soit trois fois la moyenne habituelle. Dans certaines zones, comme la province de Huelva, le ciel s’est littéralement déchiré : des routes coupées, des cultures inondées, des maisons sous l’eau. La scène rappelle ces images de déluges qu’on associe aux tropiques. Sauf que cette fois, c’est bien en Espagne que le chaos a frappé.
À Séville, ville des patios et des orangers, les caniveaux ont débordé comme si l’on avait ouvert les vannes du Guadalquivir. Les habitants, habitués aux étés de sécheresse extrême, ont regardé avec une stupeur mêlée d’effroi cette eau tant attendue, qui n’a pas su se faire désirer avec retenue. À quoi bon prier pour la pluie, si c’est pour se noyer dedans ?
La malédiction de la pluie salvatrice
Après des années de sécheresse historique, ce mois de mars pluvieux aurait pu être une bénédiction. Les réservoirs d’eau, qui frôlaient la catastrophe avec des niveaux sous les 20 %, ont retrouvé un semblant de vitalité. Mais à quel prix ?

Car derrière ce chiffre rassurant, c’est le chaos qui domine. Depuis le début de la tempête, les urgences andalouses ont croulé sous 3 270 appels. Malaga en tête avec 787 incidents, suivie de Séville (671) et Cadix (639). Les agriculteurs, pourtant en première ligne du combat pour l’eau, se retrouvent aujourd’hui à maudire cette abondance brutale. Les terres gorgées d’eau n’absorbent plus rien, les racines pourrissent. À l’excès de sécheresse succède l’excès de précipitations, et les récoltes subissent une double peine. Comme si le climat, devenu fou, se vengeait de décennies d’exploitation sans ménagement. Dans les rues de Grenade, même amertume. Les assurances tardent, les municipalités peinent à gérer l’urgence. La fête est finie, et c’est dans l’eau sale des ruelles que l’addition se paie.
Chaos climatique et responsabilités politiques
À qui la faute ? À l’inaction climatique, à une urbanisation galopante qui a recouvert les sols de béton, empêchant toute absorption naturelle de l’eau ? À ces gouvernements qui, année après année, repoussent les plans d’adaptation ?

Il a fallu moins d’un mois pour que la nature rappelle à l’Andalousie sa fragilité. Moins d’un mois pour montrer que la crise climatique ne s’attaque pas seulement aux pôles ou aux îles lointaines, mais qu’elle transforme aussi l’Europe en un champ d’expérimentation du désastre. Car ces pluies diluviennes, aussi exceptionnelles soient-elles aujourd’hui, deviendront-elles la norme de demain ? Faudra-t-il apprendre à vivre entre incendies d’été et inondations d’hiver, sans jamais connaître le juste milieu ?

Face à l’urgence, les discours politiques oscillent entre la satisfaction de voir les réserves d’eau se remplir et l’embarras d’un bilan humain et matériel désastreux. Les climatologues, eux, n’ont plus de doute : ces événements extrêmes ne sont pas des hasards. Ils sont les premiers signaux d’un climat qui bascule, d’une Andalousie qui va devoir apprendre à vivre autrement.
Et demain ?
Mars s’achève, laissant derrière lui des routes éventrées et des terres détrempées. Le soleil reviendra, implacable. Il asséchera les flaques et fera oublier, un temps, la violence de ce mois englouti sous la pluie. Mais viendra l’été, avec ses records de chaleur et ses incendies inévitables. Alors, à nouveau, on lèvera les yeux vers le ciel, priant pour quelques gouttes. Et la boucle infernale continuera.