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L’histoire secrète du quartier Santa Cruz de Séville

Santa Cruz, quartier juif de Séville, est l’un des plus emblématiques de la capitale. Situé au cœur du centre historique, à côté de la place du Triomphe où se trouve la Cathédrale, il regorge de secrets des temps passés. Coin préféré des touristes mais également des sévillans pour ses restaurants typiques (le premier restaurant de tapas de Séville a été fondé dans Santa Cruz), ses bars mais surtout ses boutiques artisanales, c’est LE quartier où se perdre dans le dédale de ses rues pour se plonger dans l’atmosphère sévillane. Mais il n’a pas toujours été un quartier aux allures de dolce vita. Au XVème siècle, chrétiens et juifs de Séville se livraient alors à quelques dissentions religieuses… et les histoires d’amour mixtes n'étaient donc absolument pas acceptées. Vous voyez là où nous voulons en venir ?

Susona Santa Cruz SevillaSusona Santa Cruz Sevilla
Quartier Santa Cruz, Séville (andalucia.org)
Écrit par Marie Lucca
Publié le 10 avril 2024

Une symbole d’un amour tragique dans ce quartier

Connaissez-vous l'histoire poignante de Susona, une figure emblématique du quartier de Santa Cruz. Plongez au cœur de ses ruelles étroites où se mêlent les récits tourmentés des trois grandes religions, juive, chrétienne et musulmane. À une époque où l'Inquisition oppressait les Juifs, Susona défie les conventions en entretenant une liaison clandestine avec un chevalier chrétien. Son geste d'amour et de loyauté la condamne à une tragédie qui marque à jamais les rues de la Muerte, où son crâne témoigne encore aujourd'hui de son histoire.

Dans un patio, à l’ombre d’un palmier, vous trouverez un encadré en mosaiques sur un

Santa Cruz Susona Séville
mur blanc. Les petits carreaux de faiences forment un crâne, celui-là même de Susona, fille juive de bonne famille. Son crâne tristement célèbre, représente la fin macabre de la jeune fille, qui a eu le malheur de s’amouracher d’un jeune chrétien. Aux prises avec les conventions de l’époque, cette histoire est le symbole d’un amour tragique qui fait encore écho aujourd’hui.

Santa Cruz, le quartier juif de Séville

Les Juifs ont d'abord établi leur présence à Séville pendant l'époque romaine, avec d'autres arrivant au 6ème siècle alors que la ville était sous domination catholique-wisigothe.

Au 8ème siècle, les Maures ont envahi la péninsule ibérique et, pendant les 500 années suivantes, Séville faisait partie d'un empire islamique englobant le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et la Péninsule Ibérique. En 1248, l'armée de Ferdinand III a réuni la ville à l'Europe chrétienne.

Pendant toute cette période, la communauté juive de Séville était concentrée dans une zone appelée “Judería”. Elle abritait des boutiques juives, des écoles, des synagogues, des tribunaux, des abattoirs, des cimetières et tous les éléments nécessaires à une vie communautaire organisée. La “Judería” était en quelque sorte un prototype de ghetto : une partie distincte de la ville, entourée de ses propres murs et adjacente au palais de l'Alcazar. Cela assurait à la fois la protection royale des Juifs de la ville et constituait un “tampon” pratique entre le palais et la population en cas de troubles civils.

La communauté a prospéré, atteignant environ 6 000 personnes, soit environ 10 % de la population de la ville. Séville a vu émerger de grands rabbins, théologiens et érudits juifs.

Cependant, lorsque la domination de Séville est passée des Maures à l'équipe de Ferdinand III, la situation s'est rapidement détériorée.

L'arrivée de l'Inquisition a marqué un tournant crucial à Séville : ce tribunal religieux soutenu par l'État avait pour mission de surveiller les nouveaux convertis au catholicisme. La ville est devenue un laboratoire pour l'Inquisition, où ses méthodes étaient raffinées : répression, brutalité, peur, torture et les infâmes autodafés (brûlures vives sur le bûcher). Les juifs sévillans convertis en secret ont beaucoup souffert, nombreux ont été démasqués et exécutés.

Cette répression a perduré jusqu'en 1492, lorsque Isabelle a promulgué le célèbre décret offrant aux juifs d'Espagne trois options : se convertir, partir ou mourir.

Le quartier actuel de Santa Cruz, préservé par l'Alcazar, constitue l'ancienne “Judería”, célèbre pour son dédale de ruelles aux noms évocateurs, offrant un témoignage vivant de son passé. En flânant dans les rues telles que la rue de la Judería, du Callejon, del Agua, des Levis et de Santa María la Blanca, nous plongeons dans l'atmosphère animée de cette époque. La rue de Susona rappelle une légende ancienne, celle de l'insurrection des conversos contre l'Inquisition, dirigée par une femme nommée… Susona. Les façades blanchies à la chaux et les patios fleuris ne peuvent qu’enchanter le visiteur.

Santa Cruz Susona Séville
Quartier Santa Cruz, Séville (andalucia.org)

Susona, figure rebelle de son époque

Au cœur de Séville réside une histoire profondément enracinée dans les méandres de l'histoire de la ville. Ici, les ruelles étroites du quartier de Santa Cruz murmurent les récits d'un passé tourmenté où les trois grandes religions du christianisme, de l'islam et du judaïsme se croisent, parfois dans une harmonie fragile, souvent dans la tragédie.

A la fin du XVe siècle, sous le joug oppressant de l'Inquisition, les Juifs de Séville, bien que contraints à la conversion au christianisme, demeurent des parias dans leur propre ville. C'est dans ce climat de peur et de mépris qu'une rébellion silencieuse naît, ourdie dans les alcôves de la maison de Diego ben Suson, figure de proue de la résistance juive.

Parmi les protagonistes de ce drame se trouve Susona, la belle et courageuse fille de Diego. Bravant les tabous sociaux de l'époque, elle entretient une liaison clandestine avec un chevalier chrétien. Lorsque l'amant découvre le complot tramé par les Juifs, il avertit précipitamment Susona, déclenchant ainsi une série d'événements tragiques. Son geste, motivé par l'amour et la loyauté, se transforme en une trahison impardonnable aux yeux de sa propre communauté.

Un destin tragique… à la vue de tous

Le prix de cette trahison est lourd pour Susona. Rejetée et tourmentée, elle se tourne vers la pénitence, prenant le voile dans un couvent voisin. Avant de partir, elle dicte ses dernières volontés, ordonnant que sa tête soit exposée sur le linteau de sa maison après sa mort, un rappel sombre et poignant de sa culpabilité.

Susona Séville Santa Cruz

Ainsi, pendant un siècle, le crâne de Susona trône sur la porte, témoignant silencieusement de la tragédie qui a frappé le quartier. Aujourd'hui, bien que la maison ait disparu, une plaque murale ornée d'un petit crâne rappelle encore l'histoire de Susona. Dans les rues de la Muerte, la rue de la Mort, le souvenir de cette héroïne tragique demeure, gravé dans la pierre et préservé dans la mémoire collective de Séville.

En résumé, le quartier juif de Séville aujourd'hui est à la fois un lieu de mémoire et un quartier vivant où se côtoient passé et présent, offrant aux visiteurs une expérience culturelle inoubliable.

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