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Entretien : Joël Soler et la Fondation Magos présentent “Tesoros de los Magos”

Depuis le mois de novembre, la collection de la Fondation Magos met en lumière les Rois d’Orient les plus vénérés de l’histoire de l’humanité : les Rois Mages. Plus qu’un symbole de la natalité, ils incarnent l’universalité des cultures, des civilisations et des religions. Nous nous sommes entretenus avec Joël Soler   pour en savoir plus sur cette impressionnante collection.

Paco De la Torre et Joel Soler Paco De la Torre et Joel Soler
Le maire de Malaga accompagné de Joel Soler
Écrit par Charlotte Marchand
Publié le 2 janvier 2025, mis à jour le 3 janvier 2025

Charlotte Marchand : Pourriez-vous vous présenter pour les personnes qui ne vous connaîtraient pas ?

Joël Soler : Oui bien sûr, Je suis Joël Soler, je suis réalisateur de films documentaires, principalement spécialisé dans le terrorisme et les dictateurs, et passionné par l'Orient. Français avec des origines andalouses, j’ai eu l’occasion, au cours de mes périples, de me rendre un jour à Aksum, en Éthiopie. je voulais faire un film sur la famille du prophète et ses descendants. C’est à Aksum que les premiers musulmans persécutés, dont certains membres importants de la famille du prophète, ont trouvé refuge sous la protection du roi chrétien d’Aksum... Et là, j'ai vu la tombe du roi mage Balthazar, et je me suis dit, tiens, ça existe vraiment ! J'ai donc commencé à chercher des informations sur les Rois Mages et je me suis passionné sur le sujet. Et huit ans après, me voilà avec la plus grande collection au monde sur le thème des Rois Mages, mais aussi sur le thème des rois d'Orient qui ont participé à ce dialogue des cultures et des religions. 

Charlotte Marchand : Qu'est-ce qui vous a fasciné dans l'histoire des Rois Mages ?

Joël Soler : En réalité, ce qui m’a captivé en premier lieu, ce n’est pas tant les Rois Mages eux-mêmes, mais surtout ce dialogue des religions, notamment l’échange entre l’orient et l’occident. Je pense que ça vient de mes ancêtres, en fait, qui étaient andalous. J'ai fait la généalogie de ma famille, et je me suis rendu compte qu’il y avait des personnes qui avaient participé à la Reconquista (terme le plus répandu désignant les guerres entre royaumes chrétiens et islamiques en Espagne au cours du Moyen Âge). Un de mes ancêtres était gouverneur de Huecija, le centre névralgique de la Reconquista proche d’Alméria, et contrôlait l'expulsion des arabes ; Il s'est fait assassiner, on l’a brûlé dans la tour de l’église de Huécija le 25 décembre … Plus tard ma famille est partie à Oran, en Algérie. Donc mon arbre généalogique c'est un vrai mélange d'amour et de haine entre Orient et Occident, même si j'ai grandi à Alès dans une famille très chrétienne, je me suis rendu compte que l’on porte parfois dans son histoire des choses que l’on n'explique pas. Faire ma généalogie ça m'a beaucoup aidé à comprendre pourquoi j'avais cette passion pour l'Orient, que j'ai d’ailleurs beaucoup confondu avec l'Islam. J'ai appris la prière musulmane, la Salat, parce que je ne savais pas si ma passion était plus axée sur l'Orient ou sur l'Islam. Aujourd’hui  je ne m'attache pas à une religion précise, c’est d'ailleurs l'angle de cette exposition, mon angle n'est pas religieux, en fait, il est historique.

Tesoros de los Magos

Pourquoi avoir intitulé l’exposition « Tesoros de los Magos » ?

Quand on dit Trésors des Rois Mages, bien sûr il y a des « trésors » ici du 1er siècle, du 2e siècle, qui montrent toute l'importance des Rois Mages et de ces Rois d'Orient. Mais le vrai trésor en fait c'est ce message des Rois Mages! Des rois de différentes religions qui ont traversé le monde pour aller à la rencontre d'un nouveau-né sans trône, sans fortune, d'une religion différente ou d'une religion d'ailleurs qui allait naître. 

Et pour moi, c'est ça le trésor des Rois Mages, c'est ce dialogue des cultures et des religions, ce multiculturalisme

Quel est l'objectif de l’exposition ? Quelle est la cible ?

Ça touche les religions, mais ça touche surtout le multiculturalisme, la coexistence, qui est, après l'environnement et selon moi, le problème majeur de nos sociétés. On doit travailler à renforcer le vivre-ensemble et à accepter pleinement cette diversité. Comme on a pu le voir avec la polémique entre le bikini et le burkini, c'est quand même deux mondes qui s'affrontent. Et c’est à ce niveau que la coexistence joue un rôle. Coexister ce n’est pas adopter ni intégrer les pratiques des autres, cela signifie seulement respecter les traditions et les cultures des autres, et ce, peu importe le pays. Le défi majeur pour nos sociétés occidentales, en particulier judéo-chrétiennes, n'est pas tant l'intégration que l'adaptation des personnes de religions diverses à la nécessité de respecter nos valeurs, même si celles-ci peuvent entrer en contradiction avec leurs croyances ou mode de vie.

En quoi les Rois Mages représentent-ils ces valeurs ?

Tesoros de los Magos

Il s’agit de trois rois d’origines différentes, on a Balthazar qui était juif, on a Melchior qui était Zoroastrien, Gaspard qui était hindouiste. On a donc un hindouiste, un juif et un Zoroastrien qui ont traversé le monde pour voir un nouveau messie qu'ils appelaient dans la bible “le roi des juifs”. C'est quand même assez fort comme message … c’est un message de générosité et de tolérance. C'est cela qui m'a poussé à m’intéresser de plus près à cette histoire et qui me passionne. 

S’agit-il d’un message de paix ?

Je trouve que le mot paix, c'est magnifique, mais pour moi, il y a un côté très galvaudé de la colombe, c’est très fleur bleue. Je préfère le mot coexistence. Parce que c'est ce dont on a besoin aujourd'hui. C'est vraiment ce thème-là qui me guide

Pensez-vous que l’art a un pouvoir d’engagement ? Qu’il peut favoriser la coexistence ?

En fait, l'art, c'est un témoin. Si on visite aujourd'hui l'exposition, on remarque qu'à Médine, le prophète de l'islam a pu arriver à Yathrib (Médine) grâce aux juifs, les Banu Nadir, et grâce à un Roi chrétien Ghanasside. C’est une preuve de l’entraide, de la coexistence religieuse du passé. Ce qu'on essaie de montrer à travers cette exposition, ce sont des témoins. Les rois Nasrides de Grenade, qui étaient alliés avec les rois chrétiens, le sultan d'Egypte qui a rencontré Saint-François d'Assise ou encore plus récemment le pape François qui a rencontré à Abu Dhabi le leader sunnite de Al-Azhar ce qui a donné lieu à la création du Higher Committee of Human Fraternity, qui est d’ailleurs notre partenaire principal. 

Ces rencontres, ces évènements sont des témoins, des preuves de la coexistence entre les peuples et les religions.Cela nous prouve que c'est possible ! Si ça a été possible dans le passé, ça peut l'être aujourd'hui

Il est aussi important de rappeler que, la grande force de cette exposition, c'est avant tout la Fondation Magos, qui possède sa propre collection. On a aujourd'hui plus de 800 œuvres, pour cette exposition nous n'en avons exposé que 200. On a, par exemple, une collection de 1200 timbres de 150 pays sur les Rois Mages, ce qui montre l'universalité des Mages justement. L'idée, c'est qu'après cette exposition à Malaga, on voyage en Espagne, à travers le monde pour répandre ce message de coexistence pacifique.

Quand et comment a été créée cette Fondation ?

J'ai créé cette Fondation avec le juge français Laurent Quessette, qui en est le vice-président, avec le soutien du prix Nobel de la paix Jody Williams, avec qui j'avais déjà fait un projet avec la reine de Jordanie, qui s'appelait Cinéma Vérité. Et voilà, les gens m'ont fait confiance pour monter cette fondation. Elle a été créée il y a deux ans et on a créé en France un fonds de dotation, qui s'appelle le Fond de Dotation Magos, pour justement avoir des donations qui soient défiscalisées à 66%. Et l'idée, c'est de soutenir chaque année des projets qui portent ce message du “vivre ensemble”.

Sharon Abidi Tesoros de los Magos
Joel Soler & le Prix Nobel de la paix Shirin Ebadi

Et cette année, on a notamment soutenu financièrement l'organisation des Femmes Prix Nobel de la paix. ShirinEbadi (prix Nobel de la Paix en 2003) est venue soutenir la Fondation Magos et a inauguré à Malaga cette première exposition. Le comité a aussi été rejoint par d’autres grands noms qui symbolisent la diversité : le juge Massimo Scaliotti, qui est l'ex-procureur de la Cour pénale internationale, Jody Williams, prix Nobel de la Paix en 1997, on a même l'ex-présidente de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, Joëlle Garriaud-Maylam.

On souhaite organiser une exposition chaque année et remettre, au moment de l’inauguration, des prix de la Fondation Magos pour les personnalités qui ont incarné et incarnent le mot « Magos », le sage, l'expert, autrement dit celui qui peut faire des grandes choses. 

Quelle est votre pièce préférée de la collection ?

Ma pièce préférée ? Il y en a plusieurs !

Déjà il y a la sculpture en bois du 15e siècle, je trouve cette sculpture assez impressionnante. Puis il y a les tapis perses, je suis un fan de l'art perse. Dans la collection il y a une tapisserie d’Aubusson du XVIIème siècle de 5 mètres de long, il y a

Tesoros de los Magos
un effet impressionnant, c’est très majestueux.

Mais il y a une pièce que j’affectionne tout particulièrement. C’est un chameau en bronze du 1er siècle de 4 cm ! Ça t'invite au voyage, au rêve de savoir que ce bronze a été sur cette route de l'encens en Arabie si on pouvait le faire parler, c'est tout un roman qu’il nous raconterait !

Et est-ce que cette exposition, LesTrésors des Rois Mages, ce ne serait pas votre propre trésor ?

En fait, ce n'est pas un trésor, c'est une passion. Si on n'a pas une passion sur ce genre de choses, c'est un peu difficile de passer huit ans à faire une collection. 

Est-ce qu'un documentaire est prévu par la suite ?

J'y réfléchis en effet. C'est vrai qu'un documentaire sur la coexistence est un projet que j'aimerais réaliser. Je voudrais confronter différents points de vue à travers la collection, notamment des intégristes chrétiens, juifs ou musulmans. L'idée serait de recueillir des témoignages... Idéalement, j'aimerais interroger des extrêmes opposés. Par exemple, comment peut-on être djihadiste aujourd’hui avec autant de barbarie alors que le « prince du djihad » Salah Eddine traitait ses ennemis avec respect ? Comment peut-on justifier d'égorger des « Kuffar », des non croyants, alors que le prophète de l’Islam, nous a enseigné, notamment par la Convention de Médine, le respect des juifs et des Chrétiens.

Le parcours de certains Rois d’Orient présentés dans l’exposition « Tésoros de los Magos” sera, je l’espère pour certains, source d’inspiration !

Tesoros de los Magos

Infos pratiques pour se rendre à l’exposition :

• Tout public

• Tarif : 7 euros l’entrée

• Lieu : Agrupacion de Cofradias de Malaga, C. Muro de San Julian, 2, Distrito Centro

 

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