

L'Algérie et la Tunisie sont en proie depuis plusieurs semaines à une vague de protestation d'une rare violence. Les habitants de ces pays du Maghreb se plaignent d'un coût de la vie beaucoup trop élevé et d'un carcan politique bien trop étroit
(photo AFP)
Depuis le suicide par immolation d'un jeune vendeur ambulant le 17 décembre dernier à Sidi Bouzid, en Tunisie, des manifestations se sont déroulées un peu partout dans le pays en proie à une grave crise économique et à un chômage dévastateur. Suite aux violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ce week-end, on compte officiellement 14 morts et au moins 20 d'après l'opposition. En Algérie, où les protestations contre la vie chère ont débuté le 5 janvier, le bilan du gouvernement fait état de cinq morts et de nombreux blessés, pour la plupart dans le camp des policiers. Le ministre de l'intérieur, Dahou Ould Kablia, a annoncé ce week-end l'arrestation d'un millier de manifestants.
Des pays en pleine crise
Il faut remonter aux années 1980 et aux "émeutes de la faim" pour retrouver ce genre de conflit ouvert entre la population et le gouvernement dans tout le Maghreb (Maroc inclus). La situation en Tunisie et en Algérie reste très difficile aujourd'hui, les deux économies étant dépendantes des investissements étrangers ?en forte restriction depuis la crise - et des importations. Les manifestants déplorent ainsi pêle-mêle l'absence de logements sociaux, la corruption, la montée des prix des produits de première nécessité, un pouvoir d'achat bien trop bas, la pauvreté généralisée et également l'autoritarisme ambiant du gouvernement et des forces de l'ordre. Seule différence entre la Tunisie et l'Algérie : si le conflit remet sérieusement en cause le pouvoir détenu depuis de nombreuses années par le président tunisien Zine al Abidine Ben Ali, le président algérien Abdelaziz Bouteflika n'est cependant pas directement pointé du doigt.
Message reçu ?
Une centaine de personnes se sont rassemblées dimanche après-midi à Marseille pour dénoncer la répression sanglante des forces de l'ordre dans les deux pays. "Le but est d'attirer l'attention de l'opinion. C'est un carnage en Tunisie. L'Algérie est en feu. Il n'y a pas eu un mot des dirigeants français et occidentaux. Il faut qu'enfin ils réagissent!", a insisté Yahia Bounouar, porte-parole du collectif "Solidarité Maghreb" à l'AFP. Ces demandes n'ont pourtant pas empêché le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand, de juger dimanche sur Canal+ "tout à fait exagérées" les remarques selon lesquelles la Tunisie serait une "dictature univoque". Le gouvernement tunisien a, via son ministre de la Communication Samir Labidi, porte-parole du gouvernement, affirmé que "le message a été reçu". "Nous allons examiner ce qui doit être examiné, nous allons corriger ce qui doit être corrigé, mais la violence est une ligne rouge", a-t-il déclaré. L'Algérie retrouve, quant à elle, un certain calme aujourd'hui après l'annonce par le gouvernement d'une baisse des prix.
Le séisme provoqué par ces soulèvements populaires fait aujourd'hui craindre des répliques dans ces deux pays touchés par des années de mauvaise gouvernance. L'autre pays du Maghreb, le Maroc, peut se vanter d'être sur une meilleure pente. "Ce pays suit actuellement l'évolution inverse : les gens sortent petit à petit de la pauvreté, ils accèdent à la consommation de masse, les femmes bénéficient d'une libéralisation progressive de la société.", explique Selma Belaala, chercheuse à l'université de Warwick au Royaume-Uni.
Damien Bouhours (www.lepetitjournal.com) lundi 10 janvier 2011
En savoir plus
Article de L'express, Quatorze morts en Tunisie, "message reçu" par le gouvernement
Article de Rue 89, Algérie et Tunisie : « Un ras-le-bol face au marasme politique »


































